Mathieu s'est vu refuser l'entrée dans un café situé dans le 14e arrondissement de Paris par les vigiles du lieu, dans la soirée du samedi 6 avril. Ils avaient trouvé dans son sac une boîte contenant son traitement pour la PrEP. Un acte sérophobe qui prouve que les stéréotypes concernant le VIH sont encore bien ancrés dans notre société.
Avril 2019. La sérophobie est toujours une réalité en France. Mathieu, 28 ans, a subi un traitement discriminatoire à l'entrée du Café OZ situé à Denfert Rochereau, dans le 14e arrondissement de Paris, samedi 6 avril dernier. Il a décidé de raconter son histoire ce mardi 9 avril en postant un message sur sa page Facebook. "Pour faire de la prévention", confie-t-il à TÊTU.
Ce samedi soir, le jeune homme sort du restaurant avec quelques amis. Tous et toutes décident de prolonger la soirée dans le Café Oz, un bar dansant. Mathieu laisse son sac à un ami, s'insère dans la foule et arrive à l'entrée après avoir été fouillé. Son ami se fait lui aussi fouiller, et les vigiles ouvrent son sac. Ils appellent Mathieu, qui en est le propriétaire. L'un des employés saisit la boîte dans laquelle il range son traitement préventif contre le VIH. "Les vigiles m'ont demandé ce que c'était. J'étais plutôt surpris. Ils ont même imaginé que c'était de la drogue."
Refoulé du bar
Mathieu décide de ne pas parler du fait qu'il prend la PrEP (prophylaxie pré-exposition, nom donné au traitement, ndlr) : "J'étais venu là pour m'amuser, pas pour faire de la prévention sur la PrEP", confie-t-il. Alors, pour simplifier les choses, il décide de dire "par soucis de simplicité car tout le monde ne connaît pas la PrEP", qu'il s'agit de sa trithérapie contre le virus du sida. Et se fait donc passer pour quelqu'un de séropositif.
"C'est à ce moment là qu'ils m’ont fait patienter, et qu'ils se sont concertés entre vigiles sur mon droit d'entrer", explique-t-il, choqué. Et de poursuivre :
"Une amie à moi a écouté ce qu'ils ont dit. Ils avaient peur que je me coupe et que je saigne à l’intérieur du bar. Ils en sont arrivés à la conclusion que je pouvais être un danger. Alors ils sont revenus vers moi et ont refusé de m'accepter dans l'établissement."
Mathieu se fait purement et simplement refouler de l'établissement au motif qu'il serait séropositif.
"Un manque d'information"
Cet employé de la restauration ne comprend pas tout de suite ce qui lui arrive. Il décide d'aller dans un autre bar avec ses amis. "Là je me suis posé et j'ai réfléchi à ce qu'il venait de se passer. Je me suis rendu compte de ce qu'il m'était arrivé. Et je me suis dit qu'ils n'avaient absolument pas le droit de me refuser l'entrée."
Le Café OZ de Denfert Rochereau a publié sur sa page Facebook un communiqué d'excuses ce mardi 9 avril, dans lequel l'entreprise dit "prendre l'entière responsabilité" des "propos blessants tenus par l'un des agents". "Il s'agit d'un manque d'information qui doit être corrigé, l'occasion pour la direction de réaffirmer ses principes de non-discrimination, quelle qu'elle soit", poursuivent-ils.
Contacté par TÊTU, la responsable presse du groupe Café OZ, Laetitia Dos Santos, a confirmé que les "agents du personnel ne sont pas assez informés à ce sujet". "La réaction de cet agent le prouve", explique-t-elle.
"Je pense que le vigile a eu peur des conséquences en cas de saignement. On voit bien qu'il y a malheureusement un manque de connaissances en cas d'accident éventuel. Il a paniqué. Charge à nous de le rassurer."
Pour "rassurer" les agents de personnel, le groupe a annoncé avoir l'intention de mettre en place une campagne de sensibilisation "de tous les membres du personnel" rapidement, "en partenariat avec les associations". "Il s'agit de rappeler les règles d'hygiène et surtout qu'il n'y a aucune différence de traitement à opérer avec les clients séropositifs,", ajoute Laetitia Dos Santos.
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Un exemple de sérophobie parmi tant d'autres
De son côté, Mathieu a pris connaissance des excuses formulées par l'établissement. Il n'a pas l’intention de porter plainte et préfère communiquer pour mettre fin à ce type de comportement.
Contactée par TÊTU, l'association Aides, dont Mathieu est membre, déplore une "situation inacceptable", qui est "une preuve de plus que la sérophobie existe toujours". Une scène violente, qui a montré à Mathieu, séronégatif, ce que peuvent vivre les personnes séropositives au quotidien.
Et Aides de conclure : "On peut très bien vivre avec le VIH. Mais ce qui reste le plus visible aujourd'hui, ce sont les discriminations." Quant à Mathieu, il ne retournera plus jamais dans le bar.
Crédit photo : Facebook.