Fin-mars, le Planning familial de l’Isère et SOS homophobie Dauphiné Alpes Nord se sont associés pour lancer une campagne sur la santé affective et sexuelle des femmes ayant des relations sexuelles avec des femmes. Interview de Marine Vacher, conseillère conjugale et familiale au Planning.
TÊTU : Pourquoi avez-vous souhaité mettre en avant une campagne sur la santé affective et sexuelle des femmes lesbiennes ?
Marine Vacher : En tant que conseillère conjugale et familiale, j’avais un travail de mémoire à réaliser dans le cadre de ma formation. J’ai décidé de m’intéresser aux besoins et attentes des minorités sexuelles. Il en est ressorti quatre thèmes, qui mettaient en avant l’invisibilité des lesbiennes lorsque l’on parle de santé affective et sexuelle. Parmi eux, notamment : un important manque de ressources sur la question des Infections sexuellement transmissibles (IST) et la méconnaissance, voire l’incompétence, des professionnels de santé par rapport aux lesbiennes.
Et ce alors qu’elles sont loin d’être immunisées contre les IST…
Oui, statistiquement, les lesbiennes sont plus exposées aux IST que les hétéros. Elles sont très contagieuses et peuvent notamment se transmettre par cunnilingus. Selon l’enquête “Contexte de la sexualité en France” de 2008, les femmes ayant des relations sexuelles avec d'autres femmes (FSF) sont 12% à avoir eu une IST dans les dernières années, contre 3% des hétéros.
Mais il est globalement compliqué de trouver des chiffres à ce sujet, et cela fait aussi partie du problème, car il est rendu difficile dans ce contexte d’avoir une lecture précise de la situation. Nous savons que toutes les discriminations ont un impact sur la santé des concerné.e.s, mais cela relève de données sociologiques et non épidémiologiques, qui manquent cruellement.
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Quel suivi gynécologique préconisez-vous pour les femmes ayant des relation sexuelles avec d’autres femmes ?
Le même que pour les toutes les femmes ! C’est-à-dire un frottis tous les trois ans à partir de 25 ans. Or il peut être très compliqué pour une lesbienne de se rendre chez un.e gynécologue. Elles sont globalement mal accueillies et se retrouvent face à des gens qui présupposent qu’elles sont hétéros et sont là pour demander un contraceptif. Cela leur demande à chaque fois l’effort de faire leur coming-out face à quelqu’un qui ne s’y attend pas forcément.
Pourquoi avez-vous également souhaité aborder les violences conjugales entre femmes dans cette campagne ?
Nous avons voulu aborder cette question car les associations qui luttent contre les violences conjugales sont surtout destinées aux femmes hétéros, victimes majoritairement d’hommes violents. Même au Planning, nous sommes identifié.e.s comme association pour femmes hétérosexuelles. En conséquence, une lesbienne ne viendra pas forcément nous voir si elle est victime de violences.
Les femmes sont par ailleurs perçues comme douces et non-violentes. Et les violences qu’elles subissent sont également minimisées : en tant que lesbiennes, on est plus exposées aux violences verbales et physiques, donc on les intègre parfois.
Comment lutter contre l’invisibilisation des lesbiennes dans les campagnes de prévention ?
En les mettant en avant le plus possible ! C’était l’objectif de cette campagne : produire un message clair pour casser les représentations stéréotypées. Il est extrêmement rare de voir des femmes lesbiennes dans les campagnes de prévention, or cela entretient le mythe selon lequel elles ne sont pas concernées. C’est très dangereux.
Nous souhaitons que le Planning familial et SOS Homophobie, avec qui nous avons conçu cette campagne, soient identifiés comme des lieux de ressources pour les lesbiennes.
En France, nous avons encore du mal à poser des mots sur les choses. Or être lesbienne implique des enjeux particuliers, d’un point de vue sociologique tout comme en matière de santé.
A l’heure actuelle, notre campagne n’est diffusée qu’en Isère, mais il faudrait que d’autres instances s’en saisissent et qu’elle soit rendue publique à une plus grande échelle !
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Crédit photo : Planning Familial de l'Isère.