Depuis aussi loin qu'il s'en souvienne, Octave, 31 ans, a toujours supporté le RC Lens. La semaine dernière, la justice a ouvert une enquête sur des chants homophobes scandés lors d'un match contre Valenciennes. Ça fait quoi d'être gay et supporter de foot ? Octave témoigne pour TÊTU.
Je suis gay et je supporte le RC Lens depuis toujours. Quand les chants homophobes ont commencé, j'étais aux premières loges. Juste au dessus du kop : la tribune des Ultras. Les supporters ont chanté « Oh V-A (Valenciennes) Bande de pédés ! ». Ça n'a pas duré plus d'une trentaine de secondes.
Ce n'était pas la première fois que j'entendais ce chant au stade, mais c'est loin d'être le plus populaire. À Lens, l'ambiance est familiale, le public est chaleureux. Ce type de chant, on l'entend surtout lors des derbys, quand il y a une rivalité importante entre les deux équipes.
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"Je ne veux pas que mon club soit célèbre pour ses chants homophobes"
Je vais au stade depuis mes 5 ans. La première fois, c’était avec mon père. Je n'ai jamais arrêté d'y aller. J'ai été abonné pendant plusieurs années. Aujourd'hui, je vais à une dizaine de matches par an. J'ai vécu certains des meilleurs moments de ma vie parmi les supporters. Les seules fois où mon père m'a pris dans ses bras, c'était au stade, après un but. Pour moi le RC Lens, c'est plus fort que du foot, c'est un héritage.
Mon club est connu pour ses valeurs, je ne veux pas qu'il soit célèbre pour ses chants homophobes. Les supporters de foot ne sont peut-être pas réputés pour être subtils, mais ils ne sont pas bêtes. Là, je les vois résumés à une bande d’idiots homophobes, mais c'est plus compliqué que ça. Pour moi, les supporters doivent être éduqués, pas sanctionnés. Oui, certains sont peut-être homophobes, mais c'est par habitude que la majorité utilise ces injures.
Des limites trop souvent dépassées
À cause de tout ça, je suis parfois mal à l’aise au stade. Mais je ne le prends plus personnellement. À une époque, je me sentais visé, mais aujourd’hui, je sais que ça ne m’est pas destiné.
C'est surtout pour les enfants et les plus jeunes que les insultes homophobes me dérangent à présent. Je les entends, nombreuses, sortir de la bouche des supporters. Parmi eux, il y en a qui se posent des questions, qui découvrent qu'ils sont gays. Moi, j’étais à leur place il y a quelques années. Tous ces « arbitre enculé », je ne sais que trop bien l’effet qu'ils produisent. Et je me souviens de toutes les fois où j'étais assis en tribune à côté de mon père. Et de lui qui se lève brusquement, lève le bras et insulte l’arbitre de «pédé». Je savais déjà que j’étais gay. Lui ne le savait pas.
Quand quelqu'un balance une insulte homophobe à côté de moi dans les gradins, j'entame une discussion. Rapidement, on réalise qu'il n'y a pas de volonté de blesser. Ça fait tellement d’années que tout le monde dépasse les limites dans le milieu du sport qu’on ne sait même plus où elles peuvent se trouver.
Parce que les gradins d'un stade, ce n'est pas le pire. Dans les clubs où j'ai pu jouer, la réaction la plus courante à un mauvais tir c'est : « C'est quoi cette frappe de pédé ? ». Quand on se blesse, qu'on tombe ou qu'on loupe une action, on est une « tapette », une « fiotte »… Pour que ces comportements cessent, il faut sensibiliser les entraineurs et les gamins dès le plus jeune âge. S'il y avait plus de coming-out de sportifs, ça permettrait aussi aux supporters de se remettre en question. De comprendre, enfin, que ces insultes ne sont pas anodines.
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Propos recueillis par Camille Chrétien.
Crédit photo : Octave H.