GPALe Conseil d'État demande la naturalisation de deux enfants nés de GPA, une première

Par Youen Tanguy le 21/08/2019
gpa

Le Conseil d’État a annulé une décision du ministère de l'Intérieur, qui avait accepté de naturaliser un homme d'origine australienne, mais refusait de le faire pour ses deux enfants conçus par GPA.

C'est une décision importante. Dans un arrêt rendu le 31 juillet dernier, le Conseil d'Etat a annulé un décret du ministère de l'Intérieur qui refusait la naturalisation de deux enfants au motif qu'ils ont été conçus par GPA à l'étranger, une pratique prohibée dans l'Hexagone. Une "première en France", s'est réjouie auprès de TÊTU l'avocate Caroline Mécary.

Pour comprendre cette histoire, il faut remonter au mois de juin 2015. Alexandre D*, un homme de nationalité australienne, fait une demande de naturalisation afin d'obtenir la nationalité française. Au titre de l'article 22-1 du Code civil, il demande également "le bénéfice de l'effet collectif" au profit de son premier enfant conçu par GPA aux États-Unis, puis, en cours d'instruction, de son deuxième enfant.

Cet article prévoit notamment que "l'enfant mineur dont l'un des deux parents acquiert la nationalité française, devient français de plein droit s'il a la même résidence habituelle que ce parent ou s'il réside alternativement avec ce parent dans le cas de séparation ou divorce."

"Une forme de punition"

Le ministère de l'Intérieur naturalise Alexandre D. par décret en avril 2017, mais sans mention des deux enfants. Pour Caroline Mécary, ça n'est ni plus ni moins qu'une "forme de punition". "Toutes les procédures que les couples doivent entreprendre sont des procédures qu'on les contraint à faire pour les punir d’avoir eu recours à une GPA", estime l'avocate.

Et d'ajouter : "À chaque fois que l’on saisit le juge administratif pour ce type de décisions, elles sont annulées. Le ministère de l’Intérieur ne peut pas l'ignorer".

Quelques jours plus tard, le père de famille et son époux réclament l'annulation de ce décret auprès du ministère de l'Intérieur "pour excès de pouvoir". Une demande rejetée. Ils décident alors de saisir le Conseil d'Etat, qui vient donc de se prononcer.

À LIRE AUSSI : La reconnaissance des enfants nés de GPA à l’étranger ne sera pas dans la loi bioéthique

Dans son arrêt, la plus haute juridiction administrative justifie sa décision d'annuler la décision du ministre de l'Intérieur au motif que l'acte de naissance américain des deux enfants stipule bien qu'Alexandre D. et son époux sont les parents légaux de deux enfants et qu'ils résident en France avec eux.

"L'effet qui s'attache, au bénéfice des enfants mineurs (...) à l'acquisition de la nationalité française par l'un des parents est subordonné notamment à la preuve de l'existence d'un lien de filiation avec ce parent, susceptible de produire légalement des effets en France", juge le Conseil d'État.

Avant de compléter : "Si le ministre chargé des naturalisations pouvait, dans l'exercice du large pouvoir d'appréciation dont il dispose en la matière, refuser de faire droit à la demande de naturalisation d'Alexandre D. en prenant en considération la circonstance que celui-ci avait eu recours à la gestation pour le compte d'autrui, prohibée en France par les dispositions citées ci-dessus du code civil, une telle circonstance ne pouvait en revanche, alors qu'il n'est pas soutenu que les actes d'état civil des deux enfants, établis selon la loi applicable aux faits dans l'État du Colorado, seraient entachés de fraude ou ne seraient pas conformes à cette loi, conduire à priver ces enfants de l'effet qui s'attache en principe, en vertu de l'article 22-1 du code civil, à la décision de naturaliser Alexandre D. (...)

Une décision "très importante"

Pour Caroline Mécary, "cette décision a une portée très importante en ce qu'elle dit à toutes les juridictions administratives qu’un acte de naissance étranger d’un enfant conçu par GPA est valable, même s’il n’est pas transcrit", assure Caroline Mécary. 

Dans son arrêt, le Conseil d'État demande au Premier ministre de modifier le décret du 25 avril 2017 pour y porter les noms de deux enfants ou, à défaut, de réexaminer la demande d'Alexandre D. dans un délai d'un mois. L'État devra également verser une somme de 3.000 euros aux époux, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Crédit photo : Creative Commons.