sexismeDans "Libé", l'appel des 500 contre le sexisme et l'homophobie dans les écoles de commerce

Par Timothée de Rauglaudre le 16/01/2020
écoles de commerce

Après une enquête publiée la semaine dernière par Mediapart, montrant le climat délétère qui règne au sein des grandes écoles de commerce, des étudiants et diplômés, victimes d'actes sexistes, homophobes ou racistes, ont décidé de réagir.

Bien plus qu'une tribune de victimes, c'est un appel à la fin de l'omerta et à l'action concrète. Ce jeudi 16 janvier, Libération publie une tribune signée par plus de 500 élèves ou anciens élèves de grandes écoles de commerce (HEC Paris, Essec, Edhec, Audencia, Neoma Business School et d'autres) "contre le sexisme, l’homophobie et le racisme" qui règne dans ces établissements. Ce cri du cœur collectif fait suite à une enquête d'Iban Raïs publiée lundi 6 janvier sur Mediapart, qui montre l'omniprésence des humiliations sexuelles, de l'homophobie et du sexisme dans ces fabriques des élites.

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On y découvre par exemple l'histoire d'un étudiant homosexuel de HEC qui avait retrouvé sa chambre saccagée, des photos avec son petit ami déchirées et du lubrifiant sur ses murs. Ou encore les frasques du journal L'Impertinent, à l'Essec, qui n'a pas hésiter à outer des étudiants, non sans quelques commentaires homophobes et racistes au passage. Après la publication de l'enquête, TÊTU a publié le témoignage d'un ancien étudiant de l'Essec, directement victime d'insultes homophobes pendant son cursus, qui décrit un "système de valeurs homophobe et machiste".

"Traces psychologiques"

Les signataires de la tribune de Libération disent avoir été "victimes directes ou indirectes de ce système" : "Nous aussi, nous avons été des putes, des fiotes, des "nobodes" [ceux qui "ne sont rien", ndlr], des chagasses, des gouines, des salopes, des "Chinois", des pédés, des moches, des frigides." Sont ensuite détaillés les actes subis, dont "certain·e·s portent les traces psychologiques" encore aujourd'hui. Des agressions, du racisme, du sexisme mais aussi de l'homophobie : "Nous aussi, nous avons dû vivre dans un climat de peur constante vis-à-vis de notre orientation sexuelle, portée comme un fardeau. Être "pédé" ou "gouine" en école de commerce, c’est s’exposer à des risques : celui de voir sa vie privée déballée sur le Net, celui de se faire insulter, celui de se voir fermer des portes − que ce soit celles du bar de l’école, dont vous vous excluez de vous-même face à la pression, ou celles de certaines associations sportives, où l’on vous fait savoir que vous n’êtes pas le.la bienvenu.e."

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Le texte révèle que le directeur de HEC, Peter Todd, a envoyé à ses étudiants un mail intitulé "Article à charge contre les écoles de commerce". Il y "réfute avec la plus grande fermeté certains commentaires de cet article qui font croire que l’école couvre sciemment des actes de sexisme, d’homophobie et de harcèlement". Pourtant, les signatures de la tribune confirment bien un système de couverture de ces actes, à une période où "la réputation de nos établissements passait avant nous", écrivent-ils. Et d'inviter les directions des écoles concernées à agir, en proposant une liste de huit mesures, à commencer à par reconnaître l'existence de ces faits, mais aussi prendre des sanctions, ne pas tenter de décourager un étudiant d'avoir recours à la justice, ou encore "organiser des conférences obligatoires accueillant des intervenant·e·s spécialisé·e·s, notamment sur les questions de sexualité, de sexisme et d’homophobie".

 

Crédit photo : Jebulon / Wikimedia Commons