États-UnisLa lanceuse d'alerte Chelsea Manning a fait une tentative de suicide en prison

Par Timothée de Rauglaudre le 12/03/2020
Chelsea Manning

Incarcérée pour avoir refusé de témoigner contre WikiLeaks, la lanceuse d'alerte transgenre Chelsea Manning a fait une tentative de suicide mercredi, alors qu'elle doit être entendue par la justice vendredi.

À deux jours son audience, la lanceuse d'alerte transgenre Chelsea Manning a tenté de mettre fin à ses jours depuis sa cellule, a révélé mercredi 11 mars le New York Times. Elle doit comparaître vendredi pour avoir refusé de témoigner devant un grand jury dans le cadre d'une enquête sur WikiLeaks, en particulier sur son fondateur Julian Assange. Elle est détenue au Federal Detention Center Alexandria, en Virginie du Nord, depuis le 16 mai 2019. "Elle a été emmenée à l'hôpital et est actuellement en train de se rétablir", a indiqué dans un communiqué The Sparrow Project, qui se décrit comme un "fil de presse d'intérêt public qui amplifie les histoires de luttes pour la justice sociale, économique, raciale et environnementale".

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L'ex-analyste militaire américano-britannique de 32 ans a déjà passé sept ans en prison. En 2010, elle avait transmis à l'organisation non gouvernementale WikiLeaks des documents militaires classés secret défense, décrivant notamment la mort de civils lors de l'intervention américaine en Afghanistan, mais aussi les humiliations de détenus à la prison d'Abou Ghraib ou la bavure du raid aérien du 12 juillet 2007 à Bagdad, dans le contexte de la guerre en Irak. Arrêtée en 2010, inculpée de huit chefs d'inculpation criminels et de quatre violations du règlement militaire, elle a été condamnée le 21 août 2013 à trente-cinq ans de prison. En 2017, l'administration Obama a décidé de commuer sa peine. Elle a été libérée le 17 mai 2017 - à la date symbolique de la journée mondiale de lutte contre l'homophobie et la transphobie.

"Don't ask, don't tell"

Lanceuse d'alerte reconnue mondialement, Chelsea Manning est aussi devenue une figure de la lutte pour les droits LGBT+. Le 22 août 2013, au lendemain de l'annonce de sa condamnation, elle demande à ce qu'on l'appelle désormais Chelsea et qu'on la genre au féminin. Isolée en prison, elle ne peut accéder à un traitement hormonal avant février 2015. Le mois suivant, la justice de l'armée reconnaît officiellement que Chelsea Manning doit être désignée sous des pronoms féminins ou neutres. D'après son avocat David E. Coombs, le Don't ask, don't tell, politique discriminatoire à l'égard des personnes LGBT+ dans l'armée en vigueur jusqu'en 2011, aurait été un des facteurs ayant poussé l'ex-analyste militaire à transmettre les documents confidentiels à WikiLeaks. En 2016, elle doit faire une grève de la faim pendant cinq jours pour obtenir le droit de se faire opérer. La même année, elle avait déjà fait deux tentatives de suicide.

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"Madame Manning a précédemment indiqué qu'elle ne trahirait pas ses principes, même au risque de se blesser grièvement", précise The Sparrow Project dans son communiqué. Dans une lettre adressée en 2019 au juge Anthony Trenga, elle écrivait : "Je m'oppose à ce grand jury… qui est une tentative d'effrayer des journalistes et des éditeurs qui servent de façon cruciale l'intérêt général. J'ai toujours eu ces valeurs depuis mon enfance, et j'ai eu des années d'incarcération pour y réfléchir. Pendant une grande partie de ce temps, je dépendais pour survivre de mes valeurs, de mes décisions et de ma conscience. Je ne les abandonnerai pas maintenant." Elle devrait être tout de même présente à son audience vendredi.

 

Crédit photo : Compte Instagram de Chelsea Manning