Pour éviter de voir leur couple exploser, pour des raisons de sécurité ou de santé, certains ont choisi de ne pas être confinés ensemble. Témoignages.
La nuit tombe sur la ville de Montpellier. Là, dans son petit appartement Matthieu*, 41 ans, branche son téléphone, se connecte et voit apparaître sur l’écran le visage de son homme. Un sourire, un regard et les voici ensemble pour discuter de leur quotidien, de cuisine, du manque, mais aussi de la solitude. “On a choisi de ne pas se confiner ensemble pour éviter que notre couple explose”, confie Gilles*, 38 ans. Depuis quatre ans, ils alternent chez l’un, chez l’autre. Souvent ensemble, mais chacun son appartement. “On n’a clairement pas les mêmes horaires, lui travaille en soirée et moi en journée. Du coup, on voulait que les moments passés à deux ne soient rien qu’à nous”, continue Gilles.
"Hors-la-loi"
À l’approche du confinement, ils s’interrogent pourtant. Faire le choix de vivre ensemble ou prendre sur soi et attendre les retrouvailles. “Avec nos horaires en décalées, ça aurait été très compliqué. En temps normal, il est fréquent que je termine ma journée quand lui commence la sienne. Donc en confinement ça aurait juste été ingérable”. Alors, les premiers jours, l’angoisse laisse place à l'insouciance. “J’avais l’impression d’être un hors-la-loi”, raconte Matthieu.
Seulement à quelques immeubles l’un de l’autre, ils s’évadent à tour de rôle pour se retrouver le temps d’une nuit. Mais très vite, la culpabilité arrive. “On a arrêté de se voir en cachette, on pensait aux morts du Covid-19 et on s’est dit que c’était trop irresponsable”. Depuis ces deux premiers soirs, Matthieu et Gilles ne se sont pas revus. “Quand je pars faire les courses, je passe sous ses fenêtres. Mais pour l’instant, on est sages”, continue Matthieu. “On reste chacun chez soi”.
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"Une pause dans ma vie "
Un peu plus au nord de la France, Jane, 19 ans, a, elle aussi voulu profiter de sa copine avant le confinement. La veille, elles se sont donné rendez-vous pour un dernier baiser sur les plages désertes de Normandie. Résidentes à Paris, elles étaient en weekend prolongé pour un anniversaire. “On s’est beaucoup interrogées pour savoir si nous devions rentrer, et si nous allions nous confiner ensemble. Finalement, on a décidé de rester chacune dans nos familles en Normandie”. Depuis, les rencontres sur la plage ont laissé place à des conversations téléphoniques. “J’ai l’impression que cette période est un peu une parenthèse, une pause dans ma vie, cela me permet de prendre du recul et c’est important aussi”. Du côté de sa compagne, c’est moins simple. “Avec sa famille, ça ne se passe pas hyper bien, c’est beaucoup plus difficile pour elle”.
Comme elles, Bob, 53 ans a décidé de rester sur le bord de mer, mais en Bretagne, lui. Considéré comme personne à risque par son médecin, il n’est pas rentré avec son conjoint à Paris. “Pour mon travail, je devais rentrer, raconte Bruno, 48 ans. Je minimise au maximum mes risques depuis, mais ce n’est pas sans risque pour autant”. Et retourner chez lui chaque soir en espérant ne pas contaminer Bob, avec qui il est depuis 16 ans, ce n’était pas envisageable. “Si par ma faute, il est malade et qu’il garde des séquelles à vie, voire pire, jamais je n’aurai pu me le pardonner”, lâche-t-il.
Peur de contaminer
Cette inquiétude de contaminer une tierce personne a aussi fait très peur à Laure*, 22 ans. Au moment où le confinement se décide, elle n’était pas dans la même ville que sa copine. Prendre les transports à ce moment-là, ce n’était pas une option envisageable. “On a fait le choix de ne pas se déplacer pour ne pas mettre en danger celle qui prendrait les transports. Ni le risque de transmettre à d'autres gens, voir à celle qui recevait l'autre.” Un choix réfléchi qu’elles assument, mais qui n’est pas sans complications. “On a pas mal besoin l'une de l'autre, mais la distance est là. On est passée d'une grande proximité à la distance d'un coup. Et avec le flou de ne pas savoir quand est ce qu'on va se retrouver, c’est difficile à vivre.”
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Laure raconte leurs longues conversations téléphoniques, les jeux qu’elles font ensemble à distance, l’entraide pour supporter ce confinement, les projets mis sur pause aussi. “Parfois, on pleure parce que ça ne va pas, mais je pense que l'idée de se retrouver à la fin de tout ça nous aide beaucoup quand même.” Ce moment où leurs mains vont de nouveau s’effleurer et se rencontrer. “Aujourd’hui, on en rigole un peu en se disant que ça aura un côté cliché”.
Alors en attendant ce moment, elles rêvent à leurs retrouvailles. Tout comme Bob et Bruno qui idéalisent des vacances qu’ils pourraient prévoir ensemble. Sur un bateau, seuls au monde, loin de tout. Seuls au monde, oui. Mais à deux.
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