Le projet de loi bioéthique qui contient l'ouverture de la PMA à toutes les femmes sera débattu à l'Assemblée en séance plénière à partir du lundi 27 juillet. Co-rapporteur du texte, le député Jean-Louis Touraine regrette la frilosité de l'exécutif, notamment sur la Ropa.
Les premières PMA pour toutes les femmes devraient pouvoir avoir lieu d'ici janvier. C'est en tout cas l'objectif affiché du gouvernement. D'ici là, l'Assemblée nationale doit voter le texte en séance plénière, à partir du 27 juillet pour un vote solennel en septembre. En commission, les députés ont réussi à faire voter plusieurs avancées, qui sont remises en cause par l'exécutif. Le député LREM du Rhône, Jean-Louis Touraine, co-rapporteur du projet de loi, regrette le manque de courage du gouvernement, sous pression des conservateurs. Entretien.
Le projet de loi entre en seconde lecture plénière à l'Assemblée nationale, dans quel état d'esprit êtes-vous ?
Je suis serein et confiant. L'essentiel de la loi sera voté, même s'il y aura encore des conservateurs - certes minoritaires - qui continuent à crier aux "enfants sans père". On a beau leur donner tous les éléments qui attestent de l'épanouissement des enfants, ils resteront inflexibles. Ils sont restés bloqués au début du XXè siècle en un temps où la majorité des enfants naissaient selon un schéma très établi. Au XXIè siècle, la majorité des enfants naissent hors mariage et les familles sont variées. Il faut une énorme dose d'amour pour faire ce parcours du combattant qu'est une PMA, c'est la seule chose qui compte. Les enfants qui en sont issus ont souvent plus de chances d'épanouissement que les autres. On ne peut pas lutter avec des arguments contre des a priori basés sur des croyances irrationnelles.
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L'Assemblée est revenue sur la version votée au Sénat en proposant notamment le remboursement à 100% par la Sécu. Cela sera dans le texte final ?
Je n'ai pas de doute sur le fait que toutes les PMA seront remboursées. Chacun doit pouvoir réaliser son projet parental, malgré les attaques des conservateurs qui utilisent tous leurs réseaux pour faire pression sur les membres du gouvernement. L'exécutif devient un peu frileux sur d'autres avancées, comme la Ropa (le don de gamète au sein d'un couple de femmes, ndlr). C'est une avancée qu'il sera très difficile à maintenir.
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La commission spéciale est allée plus loin que le texte proposé par le gouvernement. Est-ce que l'exécutif est timide ?
Les moins frileux, ce sont les Français qui veulent avoir accès aux progrès médicaux. Si on faisait un référendum, je suis convaincu que le texte serait plus progressiste qu'aujourd'hui. Les députés sont un peu plus réservés que la population. Les parlementaires ont besoin de tout encadrer, notamment sur ce qu'on appelle, à tort, la PMA post-mortem - appelée plutôt PMA de volonté prolongée. Il s'agit des cas où un couple a fait un projet d'enfant et que l'un des futurs parents meurt avant la naissance. Les députés restent majoritairement défavorables. Selon eux, une femme peut solliciter un don extérieur mais pas celui de son mari. Une femme est pourtant suffisamment responsable !
Enfin, l'exécutif est nettement plus frileux. Le gouvernement voudra faire tomber quelques avancées que nous avons votées en commission. Au niveau mondial, ce texte est très modéré... La Grande-Bretagne, les États-Unis, la Belgique, l'Espagne pour ne citer qu'eux, sont en avance par rapport à nous.
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Le ministre de la Santé, Olivier Véran s'est dit favorable à "certaines évolutions du texte". A votre avis, de quoi parle-t-il ?
Je pense qu'il acceptera, comme on l'a proposé, que certaines conservations d'ovocytes en vue de PMA puissent se faire dans des centres privés. Il sera certainement d'accord pour maintenir le diagnostic pré-implantatoire dit "DIP-HLA". Il permet de concevoir un enfant en évitant qu'il soit touché par une maladie génétique qu'a eu un aîné. C'est aussi un moyen susceptible de soigner l'aîné grâce à des cellules souches prélevées dans le cordon ombilical. L'essentiel du texte, c'est de permettre la PMA quelque soit le type de famille et la prise en charge par la solidarité nationale de toutes les PMA.
Cela ne passera pas par la loi mais il faudrait que des campagnes pour le don de sperme soient effectuées par l'agence biomédecine. La Ropa est particulièrement intéressante pour palier le manque de don d'ovocytes. Lorsqu'une des deux mères fait un don, généralement, on prélève plusieurs gamètes qui peuvent être utiles à d'autres femmes.
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Le texte est porté par trois ministres : Éric Dupond-Moretti (Justice) n'est pas un grand défenseur des femmes, Olivier Véran (Santé) n'était pas présent en commission à cause du coronavirus, Frédérique Vidal (Recherche) devra préparer la rentrée des universités... Ce texte ne manque-t-il pas d'incarnation ?
Non, ce projet était un engagement présidentiel pour compléter le mariage pour tous. Le président Macron a plaidé pendant la campagne pour ouvrir la PMA sans discrimination. L'ensemble du gouvernement actuel s'engage à réaliser cet engagement. Il n'y aura pas d'autres grandes avancées que ce qui a été promis pendant la campagne afin ne pas inquiéter les conservateurs dont la PMA pour toute était la ligne rouge. Certains ministres souhaiteraient aller plus loin dans le texte, mais la solidarité gouvernementale les empêche de se battre. Il y a ceux qui veulent s'arrêter à cette avancée fondamentale quand d'autres veulent aller un peu plus près du concert des nations développées.
Crédit photo : Capture d'écran Assemblée nationale