PMAPMA pour toutes, filiation, don du sang... Que peut-on attendre de la seconde lecture de la loi bioéthique ?

Par Elodie Hervé le 27/07/2020
PMA

Le projet de loi bioéthique revient dans l'hémicycle de l’Assemblée nationale, ce lundi. Pendant une semaine, les députés débattront PMA, filiation ou encore droit des personnes intersexes. Que retenir du texte amendé en commission ? Que peut-on attendre des débats ? On fait le point.

C'est parti pour la deuxième lecture. Le projet de loi de bioéthique, qui ouvre la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, fait son retour ce lundi devant l'Assemblée nationale. Les députés ont déposé près de 2.300 amendements, alors que 25h de débats ont été programmés. L'Assemblée nationale avait repoussé ses vacances pour finir l'examen du texte. "Ca va être un peu plus rock'n'roll qu'en première lecture. Combien on sera dans l'hémicycle, une cinquantaine?", s'interroge un député inquiet auprès de l'AFP.

Si les opposants au texte ont dénoncé un examen "en catimini", "en pleine crise économique" imposant d'autres priorités, le ministre de la santé, Olivier Véran, a refusé tout nouveau report. Le texte "porte en lui des avancées sociales, sociétales, médicales et scientifiques" et "est attendu par une grande partie de la population française" a déclaré le ministre lors d'une séance de questions au gouvernement. Le ministre de la Santé est attendu pour défendre le texte dans l'hémicycle aux côtés du nouveau ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti - très critiqué pour des déclarations anti-féministes. Il a toutefois assuré qu'il défendrait le texte.

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Après une première lecture qui avait vidé le texte d'une partie de sa substance, et notamment, le remboursement de la PMA pour toutes par la Sécurité Sociale, les députés sont revenus en commission sur la plupart de ces modifications. TÊTU fait le point sur le texte que vont examiner les députés.

  • L’accès à la PMA pour toutes les femmes

Le Sénat avait ajouté une disposition pour rappeler qu’il n’existait pas de "droit à l’enfant". Une façon de "stigmatiser de façon abstraite le recours à la PMA", a dénoncé la rapporteuse Coralie Dubost (LaREM) en commission. “Une phrase politique, sans fondement juridique”, ajoute Marie Mesnil, maîtresse de conférences en droit à Rennes 1, spécialiste des questions juridiques sur les lois de bioéthique. Cette petite phrase, qui ouvrait le texte de loi, a donc été supprimée. 

Autre changement : la fin de la distinction entre AMP (aide médicale à la procréation) thérapeutique (pour les couples hétéros dont l’un des deux ne peut avoir d’enfant) et les AMP dites “de confort” (pour les couples lesbiens et les femmes seules). Cette distinction, ajoutée là encore par le Sénat, permettait de ne pas rembourser de la même manière l’AMP selon qui faisait la demande. Les parlementaires ont donc supprimé le critère d’infertilité et ont acté que l’accès à la PMA doit se faire "sans l'assortir corrélativement d'aucune différence de traitement, notamment au regard de l’orientation sexuelle ou du statut matrimonial des demandeurs". Si cette AMP est refusée, la raison de ce rejet doit être notifiée par écrit “aux patients dès qu’ils en font la demande”. 

En l’état actuel du texte, l’AMP ne devrait pas être ouverte aux personnes trans. Puisque la loi actuelle considère qu’une personne de genre masculin ne peut porter d’enfant. “Le droit français exclut les hommes trans de cette demande d’AMP”, souligne Marie Mesnil. Ce que tient à nuancer Larissa Meyer, présidente du Réseau Fertilité France. "Dans les faits, c’est déjà le cas. Dans certains centres, les hommes trans ont accès à l’AMP comme homme infertile. Là, ça sera pareil pour les femmes trans en couple avec une femme cis. Elles seront considérées comme un couple de lesbiennes cis et auront accès au don de sperme. ” Pour elle le principal enjeu est de pouvoir avoir recours à ses propres gamètes. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

 

  •  La filiation : quelle reconnaissance juridique pour les mères sociales ?

C’est l’un des points de crispation du texte. Quel statut donner à la mère qui ne porte pas l’enfant ? Les sénateurs voulaient inscrire dans la loi qu’il n’y avait qu’une mère ou qu’un père. La seconde maman devait adopter son propre enfant. “Il ne peut être légalement établi deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles à l’égard d’un même enfant”. Cette disposition a été retirée par la commission de l’Assemblée nationale. “C’est important de prendre en compte que ce projet est un projet conjoint, explique Larissa Meyer, présidente du Réseau Fertilité France. Au moment où la reconnaissance conjointe est signée, les couples de femmes ne savent pas forcément laquelle accouchera. L'enfant aura deux mères à sa naissance, à qui il doit la vie en raison de leur projet parental commun.”

Le projet de loi qui arrive dans l’hémicycle prévoit que la déclaration de liens parentaux puisse se faire chez un notaire en amont ou pendant la grossesse et avec l’accord des deux parents. À l’accouchement, la femme qui a porté l’enfant sera reconnue mère d’office. En revanche, sa compagne doit pouvoir produire le document signé chez le notaire pour faire valoir ses droits. La commission a aussi bien précisé que le donneur ne pourra faire valoir des droits de filiation et que l’enfant doit pouvoir “ s’il le souhaite, accéder à sa majorité aux données non-identifiantes et à l’identité de ce tiers donneur”, ont écrit les parlementaires.

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Pour toutes celles qui n’ont pas obtenu ce statut ces dernières années, parce que la PMA a été réalisée à l’étranger, le texte prévoit que la déclaration conjointe peut être faite jusqu’à trois ans après l’adoption du projet de loi. En revanche, pour les femmes qui ne se sont plus en bons termes avec celle qui a porté l’enfant, aucune solution n’est, à ce jour, envisagée.

 

  • Les dons et l’autoconservation de gamètes

Grande avancée sur le texte amendé en commission : l’ouverture de la méthode ROPA (Réception des ovocytes de la partenaire). Cela permet à l’une des deux mères d’utiliser ses ovocytes pour concevoir l’enfant qui sera porté par sa compagne. “Lorsque l’assistance médicale à la procréation implique un couple de deux femmes, les demandeurs peuvent recourir, quand cela est possible, à l’utilisation des gamètes des membres du couple ou de l’un ou l’autre des membres du couple, après avis de l’équipe clinico-pluridisciplinaire”, peut-on lire dans le projet de loi.

Lors des débats dans l’hémicycle, l’accès aux personnes trans à ce dispositif pourrait être soulevé. En commission, il avait été question de l’ouvrir à tous les couples et donc aux personnes trans, avant de restreindre cette disposition aux couples lesbiens.

Autre évolution notable du droit français : l'autoconservation des gamètes, pour permettre un projet de grossesse plus tardif est acté. “Ils n’ont pas retenu l’ouverture aux centres privés, explique Larissa Meyer. Pourtant, ils savent faire et ce n’est pas plus cher”. Pour elle, cette opposition peut avoir pour conséquence d’allonger encore un peu plus la liste d’attente.

  • GPA : vers une reconnaissance des enfants

Le projet de loi ne prévoit pas l’ouverture de la gestation pour autrui (GPA). En revanche, le statut des enfants né à l’étranger par GPA a, lui, été beaucoup débattu. En 2017, la Cour de cassation avait reconnu le droit de filiation du parent biologique et de l’enfant né par GPA. Le second parent devait alors l’adopter.

L’article 4 de la loi bioéthique revient sur ce point, qui ne devait pas faire partie de la loi bioéthique. “Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont, dans leurs rapports avec leurs parents, les mêmes droits et les mêmes devoirs, sous réserve des dispositions particulières du chapitre II du titre VIII du livre I er. La filiation fait entrer l’enfant dans la famille de chacun de ses parents.”

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  • Vers plus de consentement pour les personnes intersexes

Le Collectif Intersexes et Allié.e.s demandait la fin des mutilations sexuelles, mais le projet de loi ne l’a pas acté. En l’état actuel du texte, le “consentement du mineur doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision”.

La commission a ajouté que l’équipe pluridisciplinaire doit informer les personnes qui exercent l’autorité parentale qu’il existe des associations pour accompagner les personnes intersexes, et qu’elles peuvent bénéficier d’un “programme de préservation de la fertilité”.

Cependant, si l’équipe médicale n’arrive pas à déterminer le sexe de l’enfant, “le procureur de la République peut autoriser l’officier de l’état-civil à ne pas faire figurer immédiatement le sexe sur l’acte de naissance.” A partir du jour de la déclaration de naissance, les représentants légaux de l’enfant disposent de trois mois pour indiquer un sexe.

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  • Un don du sang moins discriminatoire

Un amendement pourrait permettre d’ouvrir le don du sang à toutes les personnes qui le souhaitent, sans demander aux hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) d’être abstinent pendant un an. Un entretien préalable permettra de jauger les risques pris par la personne. Là encore, rien n’est acté pour les personnes trans.

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