histoireMacron refuse le Panthéon à Rimbaud et Verlaine

Par Nicolas Scheffer le 15/01/2021
macron rimbaud verlaine

Dans une lettre adressée aux descendants d'Arthur Rimbaud, Emmanuel Macron dit respecter leur volonté que la sépulture reste à Charleville-Mézières, dans les Ardennes.

Le couple iconique n'entrera pas au temple de la République. Emmanuel Macron a rejeté la proposition d'une pétition appelant à déplacer la sépulture d'Arthur Rimbaud au Panthéon. Ce mercredi 14 janvier, le président a écrit à l'avocat de la famille pour lui exprimer son refus.

"Je ne souhaite pas aller à l'encontre de la volonté manifestée par la famille du défunt. La dépouille d'Arthur Rimbaud ne sera pas déplacée", écrit le président de la République. La pétition avait pourtant été signée par presque tous les anciens ministres de la Culture ainsi que l'actuelle, Roselyne Bachelot. L'occasion aurait également permis de reconnaître l'homophobie dont Rimbaud a été victime.

Arguments homophobes

Ces derniers mois, les sorties homophobes des partisans du maintien du poète à Charleville-Mézières ont été légion. Un prêtre orthodoxe a par exemple considéré que la proposition émanait "d'un lobby homosexuel en France". Et de s'égarer totalement : "À l'évidence, Arthur Rimbaud n'était pas un professionnel de la pédérastie. Je dis pédérastie parce que j'ai lu des propos de Jean Cocteau, à l'époque, on disait pédérastie".

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En septembre, Jacqueline Teissier-Rimbaud, arrière-petite-nièce de l'auteur, s'était prononcée contre le déplacement en euphémisant l'histoire du couple. L'association Les Amis de Rimbaud avait également jugé que les deux amants s'étaient séparés. À les entendre, les rassembler serait une relecture de leur histoire.

Chut : pas gays, Rimbaud et Verlaine

S'ils entrent au Panthéon, "tout le monde va penser 'homosexuels', mais ce n'est pas vrai. Rimbaud n'a pas commencé sa vie avec Verlaine et ne l'a pas terminée avec lui, ce sont juste quelques années de sa jeunesse", déclare Jacqueline Teissier-Rimbaud. "Associer Rimbaud et Verlaine de façon définitive n'est pas envisageable, c'est sans doute exagéré", ajoute Alain Tourneux, président de l'association Les Amis de Rimbaud.

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Dans une tribune publiée dans Le Monde, un collectif de détracteurs a dénoncé un prétendu "communautarisme". "Nous voyons un acte supplémentaire de l’américanisation, par ce communautarisme (qui peut mener loin dans les admissions au Panthéon), qui envahit la culture française et qui la compromet chaque jour jusque dans notre langue française", écrivent-ils – sans rire.

"Des héritiers auto-proclamés"

"Compte tenu du rôle particulier que joue le Panthéon dans la construction d'une mémoire républicaine partagée, je ne souhaite pas aller à l'encontre de la volonté manifestée par la famille du défunt", a écrit le président, seul à pouvoir décider de la panthéonisation d'une personnalité. Pour l'avocat de la famille, "Emmanuel Macron a su passer outre les lobbies intello parisiens (sic)".

Les partisans de la panthéonisation, emmenés par le sociologue Frédéric Martel, sont vent debout. "Ce ne sont pas des héritiers auto-proclamés, quelques soixante-huitards anti-gays, ni l'élu prétendument lettré d'un quinquennat républicain à bout de souffle qui empêcheront l'entrée de la poésie au Panthéon, celle de sa plus grande diversité, et la nécessaire reconnaissance de l'homophobie dont Verlaine et Rimbaud ont été les victimes", déclarent les pétitionnaires.

Selon les intellectuels, "l'heure d'un nouveau Panthéon, plus proche des Français, plus représentatif, arrivera, inexorablement. D'autres présidents, dans le prochain quinquennat, ou le suivant, pourront réparer ses injustices et valoriser enfin la poésie comme elle le mérite". "Alors qu'on enseigne à tous les enfants les poèmes de Rimbaud et de Verlaine, la République ne peut pas refuser de leur rendre hommage", souffle Vincent Monadé, du Centre national du livre.

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Crédit photo : FIT Productions