Les propos du romancier Benoît Duteurtre sur l'homosexualité font polémique

Par Nicolas Scheffer le 13/04/2021
Benoît Duteurtre

Le romancier Benoît Duteurtre, en promotion pour son dernier livre, a donné une interview à France Inter.  regrette un militantisme "exacerbé", une "surenchère des mouvements militants" qui regrettent que "l'homophobie est partout". 

Il publie Ma vie extraordinaire chez Gallimard. Pour la promotion de son livre, le romancier Benoît Duteurtre est invité sur France Inter, dimanche 11 avril. En fin d'interview, l'écrivain est interrogé sur une phrase publiée page 184. L'auteur y écrit que "l'hétérosexualité constitue bel et bien la norme et l'homosexualité est un écart, quoi que dise la propagande (sic !) désireuse d'entretenir une équivalence entre tout et son contraire".

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L'auteur, lui-même ouvertement gay, développe au micro de Patricia Martin. "Je le pense. Je suis pour l'émancipation, la liberté d'être, du droit", dit Benoît Duteurtre qui rappelle qu'il a signé une pétition pour le CUC, l'ancêtre du PACS. Avant de s'embourber d'un "mais...". "Mais en même temps, j'ai l'impression qu'il y a une surenchère des mouvements militants dans ce domaine comme dans d'autres", dit-il. Puis, le prix Medicis 2001 croit justifier sur la radio publique que "plus les droits avancent, plus on a l'impression que la situation est insupportable, que l'homophobie est partout, qu'il faut contrôler le langage".

Un "militantisme exacerbé"

Benoît Duteurtre assure par ailleurs que "l'homosexualité est un petit écart par rapport à l'hétérosexualité qui restera toujours dominante et qui fait qu'un jeune homo sera toujours amené à se poser certaines questions car il est simplement minoritaire". Et au lieu de dénoncer la normativité hétérosexuelle, Benoît Duteurtre préfère jeter l'opprobre sur les militants. "Ceux qui veulent nier cette réalité s'enferment dans une sorte de souffrance et de honte dans laquelle ils luttent sans fin dans un militantisme exacerbé (sic)." Enfin, il renverse les rôles entre agresseur et agressé en donnant une leçon aux victimes : "je pense qu'il faut s'accepter soi-même", conclut-il.

Une hausse "alarmante" des témoignages de LGBTphobie

Rappel utile à Benoît Duteurtre : le dernier rapport de SOS homophobie fait état d'une hausse "alarmante" des témoignages de LGBTphobie. En 2019, il y a eu une hausse de 26% des témoignages par rapport à 2018, contre +15% l'année d'avant.

Début avril, un couple d'homme a été agressé violemment au point de recevoir 8 jours d'ITT,  en Isère. À Paris, deux bars, fréquenté par des gays, ont été tagués de croix gammées, cet été. À Béziers, une jeune adolescente de 16 ans a été interpellée par une bande qui lui jettent des "plus de gay sur mon passage", mi-mars. Début mars également, un homme a été reconnu coupable du meurtre d'un sexagénaire. L'agresseur a porté 263 coups de ciseaux à sa victime rencontrée sur une appli gay. À Lille, le suicide d'une adolescente transgenre, mal accueillie dans son lycée, a suscité la colère. Pour rappel, le taux de suicide des personnes trans est sept fois supérieur à celui des personnes cisgenres.

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Colère des internautes

Les réactions sur les réseaux sociaux n'ont pas manqué. "Bellamy le samedi, Duteurtre le dimanche, le tapis rouge des matinales de France Inter ce week-end était teinté de rose-brun", a tweeté le "râleur chronique", Gekko_Hopman. Un tweetos, Romain, a regretté que la radio publique donne la parole à "un mec qui ne vivra jamais la moindre discrimination et qui parle aux noms des autres". "C'est vrai que bon, on cherche la p'tite bête à vouloir l'égalité", a réagi Liam.

Pour rappel, au moment du mariage pour tous, Benoît Duteurtre écrivait dans Libération que "l’aspiration au mariage est le mouvement inverse de la libération sexuelle : un désir éperdu de rejoindre la norme". Puis, il a comparé les militants LGBTQI+ aux "chrétiens traditionnalistes" : "Les uns défendent leur attachement à d’antiques croyances ; les autres, en mal d’enfants, poussés par la fumeuse théorie du 'genre' (sic), voient dans le mariage une reconnaissance de leur sexualité minoritaire". 

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Un habitué des polémiques

Déjà en 2012, Benoît Duteurtre s'en prenait au militantisme LGBTQI+ : "Dans nos sociétés modernes où l’orientation sexuelle de chacun pose de moins en moins de difficultés, la question du mariage mobilise surtout quelques associations d’activistes, en quête de nouvelles causes pour dénoncer l’homophobie rampante et justifier leur existence".

Pour lui, le mariage était "une volonté de les voir (les personnes LGBTQI+, ndlr) quitter leurs cases un peu bizarres. Fini la cage aux folles, fini les obsédés chassant un bon coup, fini ces pervers à tendance plus ou moins pédérastique (sic)".

 

Crédit photo : Capture d'écran YouTube / RTFrance