Le Conseil d'État a annulé en partie le décret du ministère de l'Intérieur qui encadre l'utilisation de GendNotes. Les données collectées ne pourront plus êtres partagées pour d'autres usages.
C'est un revers pour le ministère de l'Intérieur et une petite victoire pour les associations. Dans une décision rendue mardi 13 avril, le Conseil d'État annule une disposition instaurée par décret signé du Premier ministre et de Christophe Castaner le 20 février 2020. Les informations recueillies sur le terrain par les gendarmes via l'application "GendNotes" pouvaient être exploitées pour "d'autres traitements, notamment par le biais d’un système de prérenseignement".
Le problème, c'est que ces notes peuvent inclure des données extrêmement sensibles comme l'orientation sexuelle, ou l'orientation politique ou religieuse. Résultat, le Conseil d'État "juge que cette finalité du traitement GendNotes n’est pas 'déterminée, explicite et légitime' (...) et annule la possibilité de transférer les données de GendNotes vers d’autres fichiers".
"Les potentialités de détournement de ces fichiers étaient énormes", regrette auprès de TÊTU Lennie Nicollet, président de Homosexualités et socialismes (HES), à l'origine de la plainte devant le Conseil d'État. L'article 1 du décret prévoyait une "interconnexion des fichiers". "Les notes qu'un gendarme fait dans une enquête de voisinage peuvent être consultées pour un tout autre dossier. Pendant une enquête, un gendarme a tout intérêt à noter un maximum d'éléments, même s'ils ne sont pas en lien direct avec son affaire. Le risque, c'est que des données intimes soient utilisées pour une toute autre fin", indique le président de HES.
Une exploitation des données imprecise
En l'occurence, le décret incriminé ne précisait pas quels autres fichiers pouvaient avoir accès aux notes des gendarmes. "Le Conseil d'État constate que le décret ne comporte aucune indication sur la nature ou l’objet des transferts de données collectées via GendNotes qui pourraient être réalisés vers d’autres fichiers, ni sur leurs conditions d’exploitation dans ces fichiers", indique la justice administrative.
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En revanche, le Conseil d'État a refusé d'annuler la partie du décret permettant la collecte des données sensibles, notamment aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses, à l'orientation sexuelle ou "l'origine raciale" (sic). Le juge administratif a toutefois rappelé que ces données ne peuvent être collectées qu'en cas de "nécessité absolue" et rappelé qu'il est interdit de procéder à des recherche de personnes à partir de l'orientation sexuelle ou les opinions politiques.
Les assos peu rassurées
Les associations regrettaient également que d'autres personnes que les gendarmes pouvaient consulter les notes, les maires par exemple. "Imaginez à Béziers, commune dirigée par Robert Ménard soutenu par le Rassemblement national. Robert Ménard aurait accès au fichier GendNotes, qui peut contenir votre orientation sexuelle ou vos opinions politiques. Vous n'avez pas nécessairement envie que votre maire d'extrême droite le sache, lorsque vous demandez une subvention par exemple", illustre Lennie Nicollet.
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"Cette décision constitue au mieux une demi-victoire. Elle impose en tout cas aux associations de demeurer très vigilantes, à l'avenir, concernant la protection des données personnelles", a réagi auprès de l'AFP Patrice Spinosi, l'avocat de la Ligue des Droits de l'homme. "Je ne suis pas particulièrement rassuré par la manière dont Gérald Darmanin va réécrire le décret et contourner les garde-fous du Conseil d'État", souffle le président de HES.
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