AfriqueGhana : un projet de loi prévoit jusqu'à 10 ans de prison pour les LGBT+ et leurs alliés

Par Benjamin Soyer le 29/07/2021
Ghana

Au Ghana, un projet de loi criminalisant le fait d'appartenir à la communauté LGBTQI+ a été officiellement présenté au Parlement, faisant craindre une recrudescence des persécutions.

Article mis à jour le mardi 3 août 2021, à 14h30 - premier paragraphe

C'est un texte qui suscite colère et indignation au sein de la communauté LGBTQI+ locale, mais également au niveau international. Intitulé "Promotion of Proper Human Sexual Rights Ghanaian Family Values Act Bill", il a d'ores et déjà été soumis au parlement ghanéen en première lecture, ce lundi 2 août.

Le projet de loi figure parmi les textes les plus hostiles envers les personnes LGBTQI+. Le texte législatif prévoit ainsi jusqu'à dix ans de prison pour les personnes LGBTQI+, mais aussi pour leurs alliés - soit ceux qui prennent position en faveur de leurs droits, et qui leur apportent un soutien social et médical.

Selon The Guardian, il s'agirait ainsi d'une des "lois anti-gays [LGBTQI+] les plus draconiennes et les plus radicales proposées dans le monde". Dans les 36 pages destinées à établir les différentes dispositions du projet de loi, la formule ironique "LGBTTQQIAAP+" revient régulièrement, comme pour tourner la communauté en ridicule. Si les premiers articles rappellent les "valeurs de la famille ghanéenne", l'article 6 dispose que toute personne qui se livrerait à des relations homosexuelles, prétendrait épouser une personne du même sexe ou aurait recours à une chirurgie de réassignation de genre, commettrait un crime passible d'une peine allant de trois à cinq ans de réclusion.

Jusqu'à 10 ans de prison

En ce qui concerne la "promotion d'une activité interdite en vertu du projet de loi", via l'utilisation des réseaux sociaux, l'article 12 indique que la peine encourue pourrait varier entre cinq et dix ans de prison. Et peine identique pour "toute personne qui financerait ou parrainerait des activités LGBTQ+".

S'il est voté, le projet de loi pourrait même donner la possibilité au gouvernement de contraindre les personnes intersexes à subir une chirurgie de "réalignement de genre". Une mesure paradoxale dénoncée par l'association Rightify Ghana, soulignant sur Twitter "l'ironie" du texte, "qui interdit les chirurgies d'affirmation de genre pour les personnes transgenres" mais "qui encourage les parents à envoyer leurs enfants intersexes dans des établissements pour des chirurgies de 'changement de genre'". 

"L'homosexualité n'est pas un droit humain"

Le projet de loi est défendu par le parlementaire Sam Nartey George, et sept autres élus. Le député du Congrès national démocratique (NDC) de la circonscription de Ningo-Prampram est réputé pour ses positions clairement LGBTphobes. Il a d'ailleurs assimilé l'homosexualité à une "perversion".

Dans un post publié sur Twitter, le député a assuré "faire passer ce projet de loi", au motif que "l'homosexualité n'est pas un droit humain. C'est une préférence sexuelle". Et lorsque des diplomates étrangers ont exprimé leur inquiétude vis-à-vis d'un texte aussi répressif et discriminatoire, Sam Nartey George a rappelé l'article 41 de la Convention de Vienne, qui dispose que les diplomates étrangers sont tenus de "respecter les lois et règlements de l'État accréditaire" et "de ne pas s'immiscer dans les affaires intérieures de cet État".

Un texte "cruel" et "rempli de haine"

Le projet de loi n'a cependant pas manqué de faire réagir les défenseurs des droits humains, comme l'association LGBT+ Rights Ghana ou encore Nana Ama Agyemang Asante, militante ghanéenne. Celle-ci s'est d'ailleurs déclarée "abasourdie par le contenu, la crudité du langage et la cruauté derrière l'intention" du texte de loi. "J'ai passé tout mon temps en tant que journaliste à défendre les droits des homosexuels, donc je ne peux pas croire que nous sommes arrivés à ce point où ils veulent criminaliser tout et tout le monde, y compris l'existence d'alliés, d'intersexués et d'asexuels".

Kofi Akpaloo, le chef du Parti Libéral du Ghana, a de son côté dénoncé le projet de loi défendu par les huit législateurs en le déclarant "rempli de haine" à l'encontre des personnes LGBTQI+. "Il risque d'attirer les critiques de toute la communauté internationale". 

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Une forte répression anti-LGBTQI+ au Ghana

Dans ce pays conservateur d'Afrique de l'Ouest, les personnes LGBTQI+ sont toujours victimes de discrimination. Les discours haineux proférés par les chefs religieux et politiques et diffusés dans les médias ne fait qu'accentuer ces discriminations. Selon une enquête réalisée en juin 2018 par l'Africa Center for International Law and Accountability (ACILA), ces déclarations seraient soutenues par près de 75% de la population du Ghana.

En mars dernier, l'ouverture d'un centre communautaire pour les minorités sexuelles à Accra (la capitale) avait suscité une vague d'homophobie, et la permanence avait été contrainte de fermer ses portes sous la pression des politiciens et organisations religieuses.

Alors que les relations homosexuelles sont déjà passibles d'une peine pouvant aller jusqu'à trois ans de réclusion, le projet de loi pourrait renforcer cette persécution envers la communauté LGBTQI+, en criminalisant le simple fait de défendre les droits de ces personnes. Par l'adoption de cette loi, le Ghana pourrait ainsi sombrer dans un climat de forte persécution des personnes LGBTQI+, ainsi que de leurs réseaux de soutien.

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Crédit photo : Tom Bieler via Unsplash