Une enquête de l'institut de sondage sur la sexualité des Françaises nous donne quelques clefs intéressantes quant à l'évolution des stéréotypes dans le sexe et celle des mentalités concernant les pratiques dépassant la frontière du missionnaire.
Lire "biffle" dans une étude de l'Ifop, ça n'est pas courant. C'est le cas ce vendredi 3 septembre, le vénérable institut français d'opinion publique dévoilant le résultat d'une enquête sur la sexualité féminine en France et en Europe. En comparant les pratiques sexuelles de 2021 avec celles de 2016, cet "observatoire de la sexualité féminine", commandé par la plateforme de contenu pour adulte Pokmi, se propose notamment de mesurer l'impact éventuel sur les pratiques sexuelles des "discours féministes amplifiés depuis 2017 par le mouvement #MeToo". Si l'étude ne se penche que sur la sexualité hétéro, elle est riche en enseignements quant à l'état d'esprit dominant concernant les choses du sexe, notamment à l'égard de pratiques souvent associées à l'homosexualité, par exemple la pénétration anale.
La biffle et la faciale en recul
"De manière générale, analyse l'Ifop, les résultats tendent à montrer une certaine désaffection des Européennes pour les jeux sexuels dont le seul intérêt est de marquer une forme de soumission symbolique à leur partenaire masculin." Ainsi, dans un chapitre intitulé "La diversification du répertoire sexuel", l'étude s'intéresse aux "pratiques bucco-génitales et faciales", constatant un recul des "jeux sexuels très chargés symboliquement par les codes de la pornographie" : -9 points pour la biffle (21% des Françaises l'ont déjà pratiquée) et -13 points pour "l’indigestion (sic) de sperme" (33%) – l'institut, qui s'aventure manifestement ici en terre inconnue, veut probablement parler de l'ingestion de sperme, pratique qui n'occasionne aucun problème gastrique pour peu qu'elle soit réalisée dans la détente (donc avec consentement évidemment, ainsi que les précautions d'usage quant au statut sérologique des partenaires). Si l'étude n'offre pas de donnée antérieure sur la pratique du facefucking, elle indique que celle-ci est désormais pratiquée par une majorité des Françaises interrogées (54%), contre 26% seulement pour l'éjaculation faciale, en recul de 5 points depuis 2016.
La conquête prostatique
Ces premiers chiffres pourraient laisser craindre un schisme femmes/hommes dans les lits hétéros, mais la suite rassure quant à la capacité des couples à diversifier leurs jeux sexuels, tendant vers des pratiques moins limitées par des préjugés genrés, mais aussi plus réciproques. L'Ifop confirme ainsi que l'anus des garçons qui couchent avec des filles est de moins en moins une zone interdite. "Symptomatique, relèvent les auteurs, de l’idéal de réciprocité qui imprègne désormais le discours normatif sur la sexualité de couple". Concrètement, 22% des Françaises ont déjà mis un doigt dans l'anus de leur partenaire masculin, 17% lui ont déjà prodigué un anulingus (17%) et 13% en ont déjà pénétré l’anus. Directeur du pôle opinion de l'Ifop, François Kraus lit dans ces chiffres, certes toujours minoritaires, une "banalisation du plaisir prostatique chez les hommes hétérosexuels", notant "que si les relations intimes entre hommes et femmes restent dominées par une polarité de genre, la 'versatilité' est désormais une situation plus courante que ne la montre par exemple la pornographie mainstream". Bravo les garçons, votre prostate vous tend les bras !
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Gare aux clichés persistants !
On ne va pas vous rapporter tous les détails de l'étude, qui peut être lue ici, mais en voici la conclusion encourageante de l'Ifop : "Cette enquête montre bien une tendance générale à une autonomie sexuelle croissante des Européennes sous l’effet d’un changement des représentations culturelles et des discours publics sur le sujet qui ne sont pas sans effet sur le contenu même de leur répertoire sexuel." On ne peut qu'applaudir, tout en ajoutant deux regrets… D'abord, celui que l'Ifop n'ait pas pensé à mentionner, en plus de l'importance des discours féministes sur l'évolution des mentalités et des représentations culturelles, celle de la communauté LGBTQI+ qui participe également beaucoup à la remise en cause des stéréotypes de genre. Ensuite, la persistance de représentations genrées caricaturales… au sein même de l'étude. Ainsi, dans son paragraphe sur la sodomie, l'Ifop décrit "un record à 51% de femmes initiées à la sodomie en France". Juste en-dessous, quand l'étude aborde la pénétration anale des garçons, nulle trace d'une quelconque "initiation". Serait-ce parce que la femme a tant à apprendre, quand l'homme se contente de jouir en l'initiant ? Allons bon !
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