Dans une interview à Femme Actuelle, le ministre de la Justice, assure que le gouvernement "ne peut pas accepter" la légalisation de la GPA qualifiée de "pratiques contraires à l’éthique".
Si certain·es attendent encore que la GPA soit mise aux programmes des candidats à l'élection présidentielle, on sait désormais que cela ne viendra pas de La République en Marche. Le gouvernement sortant, en la personne d'Éric Dupond-Moretti, s'est exprimé sur le sujet face à quatre lectrices du magazine féminin Femme Actuelle. Contrairement à plusieurs ministres qui se sont prononcés "à titre personnel", le Garde des Sceaux lui, assure parler au nom du gouvernement. Et spoiler, c'est niet.
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"La GPA est une ligne rouge que nous ne souhaitons absolument pas franchir", dit-il sans ambages. "Nous avons des retours sur des pratiques contraires aux droits humains les plus élémentaires. Dans certains pays, le corps des femmes est vendu, elles deviennent des usines à bébés. On ne peut pas l’accepter" a-t-il détaillé, reprenant les arguments éculés de la Manif pour Tous.
Insécurité juridique des enfants
Et même plus, le ministre de la Justice utilise ce bréviaire pour refuser la reconnaissance automatique de la filiation des parents qui ont eu recours à une GPA à l'étranger. Que l'accès au juge soit long vu l'embouteillage judiciaire, que cet reconnaissance soit source d'incertitudes pour les parents, que cette procédure ait été jugée par des magistrats comme contraire à l'intérêt de l'enfant, Éric Dupond-Moretti n'en n'a cure.
Le gouvernement souhaite "que la filiation soit établie par le juge, justement pour pouvoir vérifier chaque situation, dans une liberté juridictionnelle que nous assumons pleinement." Assumant le caractère idéologique de cette reculade pour les droits des familles, il ajoute : "On ne veut pas d’automaticité dans la reconnaissance de la filiation pour ne pas encourager le recours à la gestation pour autrui. L’Etat est là pour protéger mais pas pour valoriser des pratiques contraires à l’éthique, aux droits humains les plus élémentaires".
"Si je regarde ce qui se passe dans les pays qui ont mis en place la GPA, les statistiques montrent que les enfants nés de GPA ne sont pas malheureux. Prétendre l’inverse serait, factuellement, faux. Dire que la mère qui porte l’enfant, dans un cadre éthique, serait malheureuse, c’est également statistiquement erroné. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas des situations difficiles", répondait dans les colonnes de TÊTU en juin Olivier Véran, le ministre de la Santé. Avant lui, la ministre en charge de l'Égalité, Élisabeth Moreno s'est elle aussi montrée favorable "à titre personnel", tout comme le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal.
Un lobby catholique et conservateur
"La majorité des Français sont favorables la GPA, mais les politiques sont réfractaires parce qu'ils n'ont pas de courage et craignent le lobby catholique et conservateur", peste auprès de TÊTU Alexandre Urwicz, le président de l'Association des familles homoparentales. Appuyant son argumentaire d'un sondage Ifop assurant que 66% des Français sont favorables à la GPA pour les couples hétréros et 53% pour les couples homos.
Tout en reconnaissant qu'"il ne peut pas y avoir de marchandisation du corps des femmes", le candidat écologiste à l'élection présidentielle plaide en faveur de l'ouverture du débat. "Nous avons aujourd’hui de multiples possibilités d’avoir des enfants, ce qui apporte beaucoup de bonheur à de très nombreuses familles. Cela justifie de réfléchir aux conditions d’une GPA éthique", annonçait Yannick Jadot à TÊTU. Quant à Jean-Luc Mélenchon, le candidat La France Insoumise, il "ne croi[t] pas à une GPA éthique et bénévole".
Dans son livre Fils à papa(s) le journaliste Christophe Beaugrand a récemment alerté sur les difficultés rencontrées par les parents d'enfants nés d'une GPA à l'étranger. Depuis l'adoption de la loi bioéthique, le second parent doit adopter son propre enfant pour être reconnu comme tel par l'état civil. La proposition de loi Limon doit faciliter cette adoption, mais son vote définitif est englué dans le calendrier parlementaire. Par ailleurs, en 2019, lorsqu'elle était à la place d'Éric Dupond-Moretti, Nicole Belloubet avait promis un texte pour rappeler "la bonne application" des règles concernant la situation juridique des enfants. On n'attend toujours.
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