billetNouvel émoji homme enceint : bingo transphobe chez Cyril Hanouna

Par Olga Volfson le 01/02/2022
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Les récidivistes de TPMP se sont surpassé·es ce 31 janvier, livrant sous les encouragements de l'animateur-star de C8 un "débat" sur la transidentité et la non-binarité irrespectueux jusqu'à l'absurde.

L’équipe de Touche pas à mon poste (TPMP) a encore raté une belle occasion de se taire, ce 31 janvier 2022. On ne s’attendait à rien, mais la déception est quand même au rendez-vous : telle est la magie de TPMP. Cyril Hanouna conviait cette fois ses chroniqueur·euses à donner leur avis sur l’emoji "homme enceint", prévu depuis septembre dernier par Unicode 14.0 et disponible sur iPhone avec la prochaine mise à jour d’iOS.

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Comme on pouvait hélas s’y attendre, ce "débat" a été l’occasion d’un déversement de désinformations et d’ignorance sur les transidentités, la bande passant benoîtement d’une "analyse" à côté de la plaque à une vanne gratuite de Cyril Hanouna… La séquence n’a duré que six minutes, mais quelque 1,72 millions de téléspectateurs l’ont suivie sur C8. Suffisant pour qu'une contradiction s'impose.

Transphobie crasse et fragilité cis 

L’animateur commence par une question rhétorique : comprenez-vous que le nouvel emoji "homme enceint" fasse polémique ? Deux personnes répondent "non", qu'il rembarre immédiatement avec agacement : "J’ai même pas envie de leur donner la parole"… On démarre sur les chapeaux de roue. La DJ Kelly Vedovelli ouvre le bingo : elle aime bien les nouveaux émojis quand il y a un message mais là, elle ne le voit pas. "À ce moment-là, on va mettre des femmes avec des kikis ?", lance-t-elle. Classique obsession transphobe pour les parties génitales des personnes trans. Mais Kelly aurait-elle oublié que les émojis sont comme les anges, sans sexe ?

Vient ensuite le tour de la romancière et réalisatrice Géraldine Maillet, qui tente de sauver la séquence en contestant la polémique, qu'elle compare au droit à l'avortement ou à l'ouverture du mariage à tous les couples, impensables il y a un siècle. Et d'ajouter maladroitement que "même si ça concerne une extrême minorité, il y a des hommes qui peuvent tomber enceints, les hommes transgenres". D'où l'importance de la visibilité, et d'un traitement sérieux, chiffres à l’appui, des transidentités. Pas de quoi faire vaciller Matthieu Delormeau, chroniqueur gay de l’émission, qui grommelle et roule des yeux, comme si on allait l'obliger à utiliser les émojis en question.

L’ancien chauffeur-livreur Raymond Aabou prend la suite, répétant plusieurs fois qu’un homme enceint "ne peut pas exister" et qu’il est "totalement contre ça". La journaliste Danielle Moreau attrape la balle au bond, se félicitant "d’être vieille" car "ce monde ne va pas du tout" et qu’il "faut descendre dans la rue", sous les encouragements de Cyril Hanouna. "Ça se barre en couille", soutient l’animateur. On n'aurait pas dit mieux sur son intervention. Toujours plus loin dans le drama, la chroniqueuse reprend, trouvant "presque une preuve de courage" à dire ces choses car "on n’ose pas le dire". À croire qu'elle n'a jamais écouté un discours de Zemmour… mais que madame Moreau se rassure, la transphobie se porte à merveille : d’après les chiffres de SOS Homophobie et des associations trans, elle est même en constante augmentation ces dernières années.

Le bâton de parole passe à Gilles Verdez qui pointe les positions "rétrogrades" de sa collègue. On applaudit, le public hue. Le journaliste s’enthousiasme de la "reconnaissance" du fait qu’il n’y ait "plus de genre". Pas si vite, coco : si les revendications féministes et LGBTQI+ visent en effet à se défaire des stéréotypes de genre pour mettre fin aux différentes violences qu’ils charrient, on est encore très loin du compte, TPMP est en train de nous le rappeler en direct. D'ailleurs Cyril Hanouna l'encourage à "se faire soigner"… parce que soutenir les personnes trans et non-binaires relèverait d’une pathologie ?

Point "plume dans l’cul" et complotisme

Tandis que revoilà la sous-préfète : Kelly Vedovelli intervient de nouveau pour rappeler qu’avec l’iPhone, on peut créer ses propres émojis, y compris avec "une plume dans l’cul" si on le souhaite, donc inutile de lui imposer celui-ci. Merci pour l’invitation à retourner au placard, mais on s’en passera.

Le meilleur pour la fin : c’est Matthieu Delormeau, qui s’illustre régulièrement par l’étalage de son homophobie intériorisée sur le plateau de TPMP. Se fâchant tout rouge, il se lance dans une grande envolée pour nous expliquer qu'"à cause des Américains, aujourd’hui sur ton passeport tu peux mettre ni homme, ni femme, tu choisis, ce que tu veux [...] non-genré, iel, transgenre, homo, gayet tu sais pas ce que t’es". Qu'il se rassure lui aussi, il est peut-être perdu mais les personnes trans et non-binaires, affrontant au quotidien préjugés, discriminations et violences pour simplement être ce qu’elles sont, savent bien mieux que les cis qui elles sont, justement. Et puisque, là, on aborde un sujet de fond, qu'il sache que les organisations trans et non-binaires ne revendiquent pas l’ajout d’une case “ne se prononce pas” à l'état civil mais simplement la suppression de la mention de sexe, déjà pratiquée dans plusieurs pays.

Delormeau ne s'arrête pas en si bon chemin, et repart sur son ras-le-bol d’une "influence" américaine, argument éculé des réacs pour faire croire que les transidentités seraient une sorte de phénomène de mode – "lubie sociétale" disait encore la semaine dernière, sur le même plateau, Eugénie Bastié du Figaro face à Jean-Luc Mélenchon. On ne saurait que trop lui recommander de lire Une histoire de genres, de Lexie, ou encore Beyond the gender binary, d’Alok Vaid-Menon, qui documentent l’existence des transidentités depuis… plusieurs millénaires.

Cerise sur le bingo, disant à la fois comprendre Gilles Verdez et Kelly Vedovelli, Valérie Bénaïm propose une cocasse synthèse : selon elle, "l’inclusion" est à faire "pour soi" car en allant au bout de la logique, "je fais 1m45, je suis roux et j'ai un ongle incarné, il me faut un émoji". Emoji sans voix… Cyril Hanouna reprend la sienne pour conclure cet échange de haute volée avec le résultat du "sondage" TPMP, se félicitant que 77,6 % des internautes ayant répondu sur Twitter soient d’accord avec son indignation. Si les fanzouzes sont d'accord avec ce festival de désinformation, c’est que tout va bien, alors… Et tant pis pour tous·tes celleux qui subissent la transphobie ?

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Crédit photo : capture d'écran TPMP (C8)