Deux frères, l'un gay et l'autre trans, qui avaient fui la répression anti-LGBTQI+ féroce en Tchétchénie dans le Caucase (sud-ouest de la Russie), ont été arrêtés et condamnés à de lourdes peines de prison au prétexte de lutte contre le terrorisme. Les ONG Amnesty International et All Out alertent sur leur sort.
La persécution des personnes LGBTQI+ est un phénomène avéré et documenté en Tchétchénie. Ce mardi 22 février, deux jeunes frères (19 et 21 ans) originaires de cette république constitutive de la fédération de Russie (dans le Caucase), l'un gay et l'autre trans, qui avaient fui la chasse anti-LGBTQI+ pratiquée par le régime de Ramzan Kadyrov avant d'être de nouveau arrêtés près de Moscou, ont été condamnés pour terrorisme. Les associations de défense des droits humains Amnesty International et All Out appellent à la libération de Salekh Magamadov et Ismail Isaev.
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En 2019, Ismail, le plus jeune des frères alors âgé de 16 ans, avait déjà été enfermé sept jours en Tchétchénie pour la détention sur son portable d'une photo du drapeau arc-en-ciel. L'année suivante, les autorités tchétchènes arrêtent et enferment les deux frères, cette fois accusés d'être impliqués dans une chaîne de la messagerie cryptée Telegram critiquant le régime. Ils seront relâchés deux mois plus tard après avoir été forcés à présenter leurs excuses dans une vidéo. Ils avaient depuis trouvé refuge, avec l'aide de l'association russe LGBT Network, dans la ville russe de Nizhny Novgorod, près de Moscou. C'est là qu'ils ont encore été arrêtés en février 2021 puis remis aux autorités tchétchènes.
L'enfer des LGBTQI+ en Tchétchénie
Cette fois, les deux frères ont été accusés d'avoir aidé un membre d'un groupe terroriste islamiste. Ils ont été condamnés à huit ans de prison dont sept en colonie pénitentiaire pour le plus âgé, et six pour le plus jeune. "Les poursuites pénales contre les frères étaient liées à leurs critiques des autorités, à leur orientation sexuelle et à leurs opinions athées", pointent leurs avocats, cités par la BBC en langue russe. L'accusation d'une collaboration avec un groupe terroriste islamique paraît d'autant plus incohérente que la communauté LGBTQI+ est l'une des cibles principales de ces groupes armés.
"S'il vous plaît, aidez-moi à retrouver mes fils."
Leur situation insupportable inquiète les associations de luttes pour les droits humains. La directrice de la section Europe de l'Est et Asie centrale d'Amnesty International réclame la libération des deux frères : "Salekh Magamadov et Ismaïl Issaïev doivent être libérés immédiatement et sans condition. Ils n’auraient jamais dû être inculpés en premier lieu. Être membre de la communauté LGBTI en Tchétchénie, ou partout ailleurs, n’est pas un crime. Personne ne devrait être incarcéré en raison de son orientation sexuelle ou de son identité de genre, ou pour avoir critiqué les autorités. Leur calvaire doit prendre fin sans délai". Citée par le quotidien russe d'opposition The Moscow Times, l'ONG Crisis Group affirme que sans la couverture médiatique dont ils bénéficient, Ismail et Salekh "auraient déjà été tués en Tchétchénie". L'association All Out, à l'origine d'une pétition de soutien ayant déjà recueilli plus de 100.000 signatures, relaie ce SOS déchirant de la mère des condamnés : "J'appelle n'importe qui qui peut aider, s'il vous plaît aidez-moi à retrouver mes fils en vie et en bonne santé".
Nombreuses sont les arrestations, actes de tortures et exécutions de personnes LGBTQI+ en Tchétchénie, qui a notamment pratiqué une "purge homosexuelle" en 2017, racontée dans le documentaire Bienvenue en Tchétchénie qui retrace l'enfer vécu là-bas par la communauté LGBTQI+.
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Crédit Photo : capture d'écran Caucase Réalités via YouTube