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politiquePrésidentielle : quel camp choisir ? Les propositions LGBTQI+ des candidats

Par Nicolas Scheffer le 04/04/2022
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À quelques jours du premier tour de l'élection présdidentielle, têtu· fait le bilan de ses entretiens avec les candidat·es. Droits des personnes trans, harcèlement scolaire, GPA : voici ce qu'il faut savoir avant de se rendre aux urnes.

“Je suis Français avant d’être gay.” C’est le leitmotiv des homos soutenant Zemmour, pour justifier de vouloir ainsi faire primer la lutte contre l’immigration sur le risque qu’il représente de recul des droits LGBTQI+. La question interpelle : au fond, moi qui suis Français et gay, suis-je d’abord l’un ou surtout l’autre ? On ne va pas y répondre ici en votre nom, ni vous dire dans ce dossier pour qui voter, c’est une affaire personnelle et les journalistes de têtu· savent que nous ne nous rendons pas seulement à l’isoloir avec nos casquettes LGBTQI+. Notre rôle est néanmoins de suivre et d’examiner la vie politique par ce prisme. C’est ce que nous avons fait en allant rencontrer les personnes qui prétendent présider, demain ou après-demain, aux destinées de la France.

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Si nous avons fait le choix de ne solliciter ni Marine Le Pen ni Éric Zemmour dans cette campagne, nous sommes allés parler à leurs électeurs homos afin d’entendre les préoccupations qui les poussent à voter contre certains de leurs intérêts objectifs.

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En effet, si les deux candidat·es de l’extrême droite montrent une façade différente sur les questions LGBTQI+ – agressive chez Zemmour, plus discrète au RN –, le fond est le même. Tous deux affichent ainsi leur solidarité avec l’internationale homophobe. Et si la candidate du Rassemblement national (RN) ne promet plus ouvertement, comme elle l’a fait jusqu’en 2017, l’abrogation du mariage pour tous – sa nièce, Marion Maréchal, s’en portait pourtant ardemment “garante”, ainsi que du maintien de l’interdiction de la PMA aux couples de femmes –, Marine Le Pen s’engage désormais “à un moratoire de trois ans sur les sujets sociétaux”, avant que ceux-ci ne soient “éventuellement” soumis “à référendum”… Elle promet aussi une loi anti-GPA “renforcée, pour éviter les contournements de la loi en ayant recours à des filières étrangères”, c’est-à-dire de poursuivre les parents concernés. Quant à Eric Zemmour, il garde la promesse d’abroger la PMA pour toutes et l’on ne compte plus ses déclarations hostiles, fantasmant un “lobby LGBT” qu’il accuse d’agir “au détriment de la majorité”. Dans le pur style d’Orbàn, dont il “admire” ouvertement la politique…

Vous n’aimez pas votre pays, rétorquent pourtant les soutiens de ces deux-là à qui les contredit. Albert Camus leur avait déjà répondu : “Je ne puis croire qu’il faille tout asservir au but que l’on poursuit. Il est des moyens qui ne s’excusent pas. Et je voudrais pouvoir aimer mon pays tout en aimant la justice”. Oh, et savez-vous la réponse qu’apporta un autre patriote, l’historien Marc Bloch, à notre question initiale, suis-je avant tout Français ou gay ? Marc Bloch n’était pas gay, mais il était Juif – “sinon par la religion, que je ne pratique point, non plus que nulle autre, du moins par la naissance” –, et résistant durant la Seconde Guerre mondiale. À propos du rapport entre son sentiment d’appartenance à la nation et son identité juive, avant de mourir fusillé par les nazis en criant vive la France, il écrivit : “Je ne revendique jamais mon origine que dans un cas : en face d’un antisémite.”

Yannick Jadot, ouvert sur la GPA

Le premier candidat que nous sommes allés interroger, en amont de la seule primaire de parti à gauche dans cette campagne, c’était Yannick Jadot (dans notre numéro 226). On peut dire sans froisser personne qu’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) est de longue date un allié politique des droits LGBTQI+ (un soutien marqué dès 2004 par le mariage symbolique de deux hommes célébré par Noël Mamère dans sa mairie de Bègles). “Les écologistes restent à l’avant-garde de ce combat”, assure le candidat, qui souhaite ainsi “sécuriser le statut des parents sociaux” dans les familles homoparentales, et “dépsychiatriser et déjudiciariser les changements d’état civil” des personnes trans : “Nous croyons fermement à l’autodétermination. Il faut pouvoir changer de genre sur simple déclaration à l’état civil, et pouvoir le faire de façon gratuite.” De même, ajoute-t-il, “nous aurions aimé que la PMA soit ouverte aux hommes trans en capacité de procréer”. Pour aider à ce que la PMA pour toutes devienne un droit réel et pas seulement de papier, Yannick Jadot propose une solution contre la pénurie de gamètes : le don de sperme amical. Ainsi, un homme pourrait aider un couple en lui épargnant de longs mois sur liste d’attente.

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Rejetant l’idée que Les Verts négligent les questions de sécurité – “Que la droite prétende incarner la sécurité n’est pas honnête, c’est Nicolas Sarkozy qui a supprimé 13 000 postes dans la police” –, Yannick Jadot veut incarner une ligne décomplexée sur le sujet : “À Lyon, Grégory Doucet, le maire EELV, s’est battu pour obtenir 200 policiers de plus. Il faut aussi renforcer les moyens aux associations par des subventions plus importantes afin de mieux accueillir les personnes agressées.” Sur le front de la lutte contre les LGBTphobies à l’école, Yannick Jadot appelle à mettre en application la loi de 2001 prévoyant trois séances d’éducation à la sexualité, évidemment adaptée à l’âge des enfants.

A l’international, il dénonce le laissez-faire face à l’homophobie d’État qui se développe au sein de l’Union européenne (UE), en particulier en Hongrie et en Pologne : “La défense des droits et des libertés fondamentales est inscrite dans les traités de l’UE. Les pays ne peuvent s’y soustraire impunément. Il faut utiliser tous les moyens pour faire respecter ces droits.” Son parti est enfin la seule grande force politique à réfléchir à une gestation pour autrui (GPA) éthique. “Il nous faut créer les conditions d’un débat sur les contours d’une possible régulation”, prône le candidat, sans toutefois s’engager plus avant que ces pistes : “Pourquoi pas à travers une convention citoyenne ou une conférence de consensus préalablement à un débat parlementaire ?”

Jean-Luc Mélenchon, radical humaniste

Le leader de la France insoumise campe sur une opposition philosophique à la gestation pour autrui : “Je ne crois pas à une GPA éthique et bénévole. Je ne peux pas être d’accord avec l’idée qu’une personne soit un instrument de production, et j’ai la certitude que la GPA crée forcément des situations d’exploitation de femmes.” Toutefois, “conscient de tenir une position paradoxale”, mais reconnaissant ne pas avoir trouvé mieux, Jean-Luc Mélenchon souhaite “reconnaître les enfants nés d’une GPA à l’étranger”. Vieux compagnon des combats LGBTQI+ – il a déposé dès 1990 une proposition de loi instituant un partenariat civil –, le député des Bouches-du-Rhône est sans doute dans cette campagne celui qui a porté le regard le plus neuf sur les questions d’identité de genre : “Je pense qu’on est à un moment de l’histoire où il s’agit de construire un regard qui soit une ouverture radicale sur la liberté humaine d’autoconstruction. Les jeunes gens revendiquant la non-binarité me semblent être en train d’essayer d’inventer rien de moins qu’une nouvelle condition humaine, non genrée  ! Ce qui est inédit dans l’histoire de l’humanité ! Alors si on ne les regarde pas avec bienveillance et intérêt, on passera à côté d’un fait majeur dans la civilisation humaine.”

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Thématique qu’il a encore développée sur le plateau de Cyril Hanouna le 27 février, où il a porté sur la transidentité sa position revendiquée d’un “humanisme radical" : “Les gens qui demandent à changer de genre, quand vous les connaissez, que vous parlez avec eux, que vous ne les considérez pas comme une bizarrerie mais comme un être humain, vous vous apercevez alors de l’immense souffrance, et de celle qu’ils s’infligent des fois, parce qu’il leur faut changer d’apparence, parce qu’il leur faut subir des traitements, parce qu’il leur faut subir des interventions chirurgicales (…) Alors à ce moment-là, vous n’êtes pas en train de vous dire c’est une lubie sociétale”. D’où sa proposition d’inscrire dans la Constitution la liberté de changer de genre : “Moi je dis, c’est une liberté individuelle fondamentale (…), conformément à l’idéal humaniste, comme l’est le droit à l’avortement ou le droit au suicide assisté, c’est ce que je considère être des libertés fondamentales de la personne humaine”.

Valérie Pécresse, allègre convertie

C’est à la candidate Les Républicains (LR) que nous avions le plus de comptes à demander avant d’évoquer ses projets pour la France : l’ancienne ministre sarkozyste n’avait-elle pas ouvertement combattu nos droits en soutenant La Manif pour tous ? Un passé dont elle fait aujourd’hui table rase avec un aplomb déconcertant : “Je n’ai jamais appartenu à La Manif pour tous”, martèle la candidate, qui considère s’être toujours située “dans une frange progressiste” de son parti. Même quand, interrogée fin 2012 par LCI sur la possibilité de “démarier” les couples homos une fois la droite revenue au pouvoir, elle répondait “bien sûr, cela peut se faire” ? “Je m’étais trompée dans la réponse, je n’avais pas écouté la question”, balaie-t-elle. Reconnaissant dans ses rangs l’existence de représentants d’“une droite plus conservatrice et qui a une sensibilité qui n’est pas la [s]ienne”, l’ancienne protégée de Jacques Chirac promet : “Ce sont évidemment les piliers de mon équipe, mais ils ne font pas ma ligne politique.”

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Aujourd’hui favorable à l’ouverture votée de la PMA, Valérie Pécresse reste catégoriquement anti-GPA : “On ne bougera pas, car je n’y crois pas. Je pense que cela aboutira nécessairement à une marchandisation des corps.” Elle se montre toutefois plus souple sur la reconnaissance des enfants nés d’une GPA à l’étranger : “Il faut faire primer l’intérêt de l’enfant. S’il y a une vie familiale autour de lui, il faut la reconnaître.” Là où la candidate de la droite étonne favorablement par rapport aux positions traditionnellement rétrogrades de son camp, c’est sur la transidentité : “La libre détermination des personnes, c’est mon ADN”, dit-elle. Et si à ses yeux, “changer d’état civil est une décision qui ne peut pas se faire d’un simple coup de fil”, elle promet : “On en discutera avec les associations pour que cela ne prenne pas un an.” Cette ouverture ne s’étend pas à l’écriture inclusive : “Il faut assumer qu’en français le neutre est masculin. Il ne faut pas déconstruire la langue, je suis pour un féminisme du bon sens.”

En prônant la fermeté vis-à-vis de la Hongrie de Viktor Orbàn, Valérie Pécresse s’inscrit en faux avec une partie de son camp complaisante à l’égard du dirigeant ouvertement homophobe, et se déclare par ailleurs “favorable à ce que la France porte à l’ONU un vœu sur la dépénalisation universelle de l’homosexualité”. La candidate de la droite se démarque du duo Zemmour-Le Pen sur leur fantasmatique “propagande LGBT” à l’école, défendant au contraire les interventions de lutte contre le harcèlement et les LGBTphobies : “Ces sensibilisations doivent être portées par des associations formées, agréées, qui savent en parler de manière délicate.” “La santé mentale sera l’une de mes grandes causes”, assure-t-elle, se montrant sensible à la lutte contre le suicide de jeunes LGBTQI+ : “Que ce soit à propos de l’identité de genre ou de l’orientation sexuelle, les gamins sont dans une immense détresse et ne peuvent pas toujours en parler à leur famille. Je veux que les psychologues au collège et au lycée puissent être là pour les élèves”.

La gauche plurielle

Paradoxalement, dix ans après avoir permis – dans la douleur – que le mariage pour tous devienne réalité, la gauche dite “de gouvernement” s’est montrée glissante comme un savon dans cette campagne. Sollicitée dès le mois de septembre pour une interview, l’équipe d’Anne Hidalgo a mis plusieurs mois avant de finalement nous accorder une interview. Finalement interrogée en mars sur son programme, la candidate PS entend se mobiliser sur deux grands axes. D'abord, elle souhaite mettre en oeuvre "les moyens pour donner aux femmes un accès réel" à la PMA, après le vote de la loi. "Emmanuel Macron est venu sur ces sujets là presque en catimini, à la fin de son mandat, histoire de pouvoir cocher la case "LGBT-friendly" sans choquer la masse plus conservatrice de son électorat" juge-t-elle.

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Dans ses priorités, "une politique extrêmement forte d'accompagnement des victimes", qui passera par une "police formée" et une "justice qui réagit dès qu'il y a des agressions". Elle entend également renforcer l'éducation des enfants aux questions d'orientation sexuelle et d'identité de genre. "Dès le plus jeune âge, notre système éducatif doit permettre aux enfants de comprendre que la différence fait partie de la vie." Et si elle souhaite renforcer la lutte contre le harcèlement scolaire, elle affirme : "ma grande cause nationale, ce sera la santé mentale."

Par ailleurs, la candidate socialiste se dit "extrêmement hostile" à la GPA, "au nom effectivement de cet argument de la marchandisation du corps des femmes." Une vision raccord avec sa position sur la prostitution : "Je considère d'une façon générale, même s'il y a des exceptions, que la question de la prostitution relève de la marchandisation du corps."

Sur les droits des personnes trans, elle assure : "Il faut donc accompagner ce chemin, à tous points de vue, sur le plan médical, psychologique, sur le plan aussi du remboursement du processus, et évidemment pour le changement d'état civil. Il ne s'agit pas, comme diraient les ultra-conservateurs, d'une mode, il faut arrêter avec ce discours et se préoccuper de la situation des personnes concernées. Il faut aussi faire comprendre aux autres ce que cela signifie"

Au sein de l’ex-gauche plurielle, le communiste Fabien Roussel a su se faire remarquer dans cette campagne. Ayant soutenu l’ouverture de la PMA, il a dessiné auprès de têtu sa vision de la suite : “Il faut maintenant un service public pour garantir l’usage des gamètes, qu’on n’en fasse pas une marchandise”.

Comme Yannick Jadot et Philippe Poutou, il souhaite rendre les parcours médicaux de transition entièrement remboursés par la Sécurité sociale. Enfin, bien qu’a priori opposé à la légalisation de la GPA, Fabien Roussel garde la porte entrouverte : “Si, et seulement si, des moyens permettent de rendre la GPA non-marchande – une personne de l’entourage, par exemple, qui porterait l’enfant par altruisme ? –, alors le débat doit se poursuivre. Comme sur tous les sujets liés à la bioéthique, nous devons rester ouverts aux réflexions. Je le resterai.”

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Philippe Poutou

Du côté du NPA, Philippe Poutou apparaît comme un candidat sensibilisé aux questions LGBTQI+. Sa priorité ? "Obtenir l'égalité des droits pour toutes et tous." "D'abord, il faut étendre la PMA aux personnes trans. À l'école comme chez les adultes, il y a beaucoup d'éducation à faire sur les thématiques LGBTQI+. Enfin, nous devons faire en sorte que les parcours de transition soient de simple formalités administratives. Il faut interdire les mutilations des personnes intersexes - il est le seul candidat à le proposer, ndlr. Le droit à l'avortement et à un parcours de transition libre et gratuit, c'est le même raisonnement, à savoir la liberté de disposer de son corps. Là-dessus, il reste bien des combats à mener au sein même du milieu médical."

Sur la GPA, il botte en touche, mais assure toutefois que sa position n'est pas figée sur le sujet. "Sur le principe, on est contre car dans une société capitaliste, tout se marchandise. Il peut tout de même y avoir des situations où la GPA se défend." En revanche, il est favorable à l'abolition de la loi de pénalisation du client des travailleur·euses du sexe, et la reconnaissance des personnes condamnées pour homosexualité.

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Emmanuel Macron, le point d'interrogation

Malgré notre insistance, la guerre en Ukraine aura finalement eu raison des disponibilités d'Emmanuel Macron. S'il peut se targuer d'avoir voté la PMA pour toutes ou presque puisque la méthode Ropa - le don d’embryon au sein d’un couple de femmes (l’une donne l’embryon tandis que l’autre porte l’enfant) - a ainsi été exclue du texte, ainsi que la PMA pour le droit des personnes trans. Interdiction des thérapies de conversion, ouverture du don du sang aux hommes homosexuels... Le quinquennat d'Emmanuel Macron a quelques avancées dans son bilan. Des avancées réalisées assez discrètement. Une méthode qu'il souhaite a priori conserver pour le prochain quinquennat, puisqu'aucune mesure pour les droits LGBTQI+ ne figure dans son programme.