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interviewUnion de la gauche, GPA, #MeTooGay… : entretien avec Fabien Roussel

Par Nicolas Scheffer le 06/01/2022
Fabien Roussel, candidat à l'élection présidentielle

Bien décidé à porter jusqu'au bout la candidature communiste à l'élection présidentielle de 2022, Fabien Roussel a répondu aux questions de TÊTU sur son programme, notamment sur les questions LGBTQI+.

Après 15 ans sans représentation à l'élection présidentielle, le Parti communiste français (PCF) ne veut pas passer la main pour 2022. Fabien Roussel se montre donc déterminé à porter sa candidature jusqu'au bout. Si les sondages ne lui soufflent pas dans le dos, il compte mobiliser les abstentionnistes par son programme de "rupture avec le capitalisme".

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Reste à savoir quelle place pour les personnes LGBTQI+ dans ce nouveau monde. Récemment, le PCF a déçu de nombreux militants sur deux dossiers en particulier. D'abord, dans sa manière de répondre l'an dernier aux accusations de viol portées par le jeune Guillaume T. à l'encontre d'un élu et d'un militant communistes avant de se donner la mort. Puis en apportant son soutien à l'adjointe communiste à la mairie de Paris Hélène Bidard, qui poursuit en justice un ancien président d'Act Up. Fabien Roussel a répondu aux questions de TÊTU.

Dans les sondages pour l'élection présidentielle de 2022, l'ensemble de la gauche pèse plus de 25%. Un score qui lui permettrait d’être au second tour, mais vous n’êtes pas favorable à une union des gauches. Est-ce par goût de la défaite ?

Fabien Roussel : La gauche pèse 26% des voix quand on additionne les scores de chaque candidat. Mais il n’est pas dit qu’une candidature de rassemblement parvienne à ce chiffre. Le problème de la gauche, ce n’est pas qu’il y a trop de candidats, c’est qu’elle n’a pas assez d’électeurs. À chaque fois que la gauche a remporté les élections, le total des candidatures tournait autour de 40 à 45%. Il y avait une envie de gauche beaucoup plus forte qu’aujourd’hui. Il nous faut donc redonner de l’espoir. 

Entre Valérie Pécresse et Éric Zemmour donnés au second tour, il n’y en n’a pas beaucoup, d’espoir...

Il nous faut convaincre les abstentionnistes, tous ceux qui croyaient en la gauche et qui font aujourd’hui la grève des urnes. La campagne présidentielle n’a pas encore véritablement commencé et nous aurons l’occasion de défendre notre projet. Mon parti a été absent de l’élection présidentielle depuis quinze ans, mais nous avons un projet à porter, en rupture avec le capitalisme. 

"Si Jean-Luc Mélenchon n’est pas capable d’obtenir 500 parrainages, c’est qu’il a un problème avec les maires et je n’en suis pas responsable."

Lors de la dernière présidentielle, Jean-Luc Mélenchon avait eu besoin pour se présenter des parrainages d’élus communistes, que vous lui refusez cette fois. Cela ne pose-t-il pas un problème démocratique ?

Le Parti communiste a 6.000 élus dont 600 maires. C’est un fait, et c’est le résultat du vote des Français. J’ai besoin d’un maximum de parrainages pour avoir de la force et soutenir mon projet. Si Jean-Luc Mélenchon n’est pas capable d’obtenir 500 parrainages, c’est qu’il a un problème avec les maires et je n’en suis pas responsable.

Vous avez soutenu l’adjointe communiste à la mairie de Paris, Hélène Bidard, qui poursuit en diffamation l’ancien président d’Act Up, Marc-Antoine Bartoli, sur la question du travail du sexe. Comprenez-vous que des militants soient choqués que vous empruntiez la méthode judiciaire pour vous attaquer à un militant ?

Il a tiré un trait d’égalité entre le VIH, le sida et Hélène Bidard, et a notamment accusé Hélène Bidard d’être impliquée dans le meurtre de Jessyca Sarmiento. Qu’on salisse une femme progressiste, communiste, féministe, en proférant de telles accusations... Je n’ai pas de mots.

C’est la méthode historique d’Act Up...

Je suis d’une génération qui a vu grandir ce mouvement. Pointer nommément une personne qui n’est coupable de rien et qui participe au combat pour l’égalité des droits, c’est irresponsable. C’est se tirer une balle dans le pied alors que nous devrions accepter les différences et le débat, notamment sur la prostitution.

Si vous arrivez au pouvoir, que ferez-vous de la loi de pénalisation des clients de travailleuses du sexe ?

Cette loi est nécessaire pour s’attaquer aux clients, mais elle est insuffisante. Notre choix de société, nous l’assumons, c’est que le corps ne doit pas être une marchandise. Il ne se vend pas. Parce que nous nous opposons à la marchandisation du corps, nous sommes du côté de ces femmes pour leur permettre de sortir de la prostitution.

En l'occurrence, ces femmes condamnent de manière unanime cette loi qui renforce considérablement leur précarité...

C’est pour cela qu’elle est insuffisante. Il faut protéger ces femmes et soutenir les associations qui oeuvrent auprès d’elles. Nous devons créer des lieux d’accueil pour les sortir des réseaux. Elles devraient bénéficier de la protection de l’État, qui doit les régulariser lorsqu’elles n’ont pas de papiers.

Sur les sujets LGBTQI+ quel bilan dressez-vous du quinquennat d’Emmanuel Macron ?

Quel bilan ?

Par exemple, la PMA pour toutes ?

Oui, nous l’avons soutenue. Il faut maintenant un service public pour garantir l’usage des gamètes, qu’on n’en fasse pas une marchandise.

"Si des moyens permettent de rendre la GPA non-marchande, alors le débat doit se poursuivre."

Sur la GPA, Yannick Jadot a appelé dans TÊTU à ouvrir le débat. Y êtes-vous favorable ?

Nous contestons radicalement la marchandisation du corps et la possibilité de louer son corps contre de l’argent... Si, et seulement si, des moyens permettent de rendre la GPA non-marchande – une personne de l’entourage, par exemple, qui porterait l’enfant par altruisme ? –, alors le débat doit se poursuivre. Comme sur tous les sujets liés à la bioéthique, nous devons rester ouverts aux réflexions. Je le resterai.

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À l'échelle de l’Europe, les institutions mettent la pression sur des gouvernements ouvertement LGBTphobes en Pologne et en Hongrie. À la place d’Emmanuel Macron, quel serait votre positionnement ?

Nous devons avoir un discours ferme avec ces gouvernements. L’Europe doit se construire dans le respect de la dignité humaine. Il faut également s’adresser aux peuples de ces pays pour débattre et voir comment avancer.

Reconnaissez-vous que les institutions européennes sont un rempart contre les atteintes aux minorités ?

Elles ne s’occupent que d’économie... Elles sont surtout là pour nous taper sur les doigts quand on investit trop pour nos services publics.

Comment feriez-vous différemment ?

Nous devons bâtir une Europe des peuples. J’ai l’ambition que l’Europe soit une terre de respect de la dignité humaine.

Entre les JO de Pékin et le Mondial de football au Qatar, le boycott de certaines compétitions sportives se pose à la lueur du respect des droits humains. Y êtes-vous favorable ?

Je ne pense pas que ce soit le meilleur moyen de faire passer des messages. Ces manifestations peuvent être le moyen de véhiculer les valeurs universalistes que nous portons en France. Ces compétitions sont l’occasion d’être la vitrine de nos valeurs tout en étant exigeants sur la manière dont elles se déroulent.

"Si à chaque fois qu’une personne témoigne sur les réseaux sociaux, on démettait de manière systématique la personne accusée, on ne serait pas juste."

Début 2021, le jeune Guillaume T. a accusé un élu et un militant du PCF d’agression sexuelle et de viol, avant de se donner la mort. Qu’est-ce que ce drame a provoqué chez vous ?

J’ai été effondré pour ce jeune homme. J’ai pensé à ses parents et à ses amis. Ce qu’ils ont vécu est atroce. Cette accusation, formulée dans un tweet, a rendu la situation d’autant plus dramatique qu’aujourd’hui, il est impossible pour la justice d’établir les faits.

Quels changements au sein du parti mettez-vous en place pour que les victimes d'abus puissent s’exprimer ?

Nous avons mis en place un numéro géré par une association, le Collectif féministe contre le viol, pour que la parole des victimes puisse être recueillie en toute indépendance du parti. Nous communiquons autour de cette plateforme et nous avons proposé un soutien juridique à Guillaume.

Aux personnes qui témoignent sur les réseaux sociaux avoir été victimes d’abus, vous leur dites "on vous croit" ?

Si à chaque fois qu’une personne témoigne sur les réseaux sociaux, on démettait de manière systématique la personne accusée, on ne serait pas juste. Il faut croire la parole mais pas remplacer la justice. Ce qui suppose d’ailleurs que la justice ait beaucoup plus de moyens. Nous devons prendre des sanctions, des mesures d’éloignement et d'exclusion, après avoir recueilli le témoignage de la victime et de la personne accusée.

Une tribune dans Le Monde, signée par 285 femmes, appelle les partis politiques à ne donner aucune investiture à des hommes qui ont commis des violences sexistes et sexuelles. Est-ce que vous vous y engagez ?

Oui.

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Crédit photo : Wikimedia commons