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portraitRencontre avec Didier Varrod, grand manitou de la musique chez Radio France

Par Antoine Patinet le 08/06/2022
Didier Varrod

De sa "montée" à Paris après son coming out gay jusqu'à devenir le directeur de la musique à Radio France après une belle carrière chez France Inter, Didier Varrod retrace pour têtu· son itinéraire passionné et militant.

Article paru dans le magazine têtu· n°230 (printemps 2022)

Le 4 août 1982. Ce qui sera appelé plus tard la “dépénalisation de l’homosexualité” vient d’être voté à l’Assemblée nationale. Dans les locaux de Fréquence gaie, le téléphone sonne. Antenne 2 veut quelqu’un en plateau le soir même pour commenter cette décision historique. Mais, à la radio, c’est le désert. Tout le monde est en vacances. Sauf le jeune homme au bout du fil. Il s’appelle Didier Varrod, il a seulement 21 ans, et se retrouve, veste jaune et cheveux ébouriffés dans “un mélange d’Indochine et d’Étienne Daho”, face à la présentatrice Patricia Charnelet, sur le plateau de la deuxième chaîne. “C’est à ce moment-là que tous les gens que je connaissais ont découvert que j’étais gay”, s’amuse-t-il, face à son verre de vin. Avec le temps, les cheveux sont devenus gris, presque blancs. L’attitude est moins désinvolte, mais le visage n’a pas changé ; le regard, surtout – vif et séducteur, renforcé par les pattes-d’oie qui se plissent chaque fois qu’il sourit.

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L’histoire de Didier est un peu comme celle de beaucoup d’autres. “Quand j’étais jeune, l’homosexualité, c’était Jacques Chazot, La Cage aux folles et la chanson d’Aznavour « Comme ils disent » : l’histoire d’un mec seul avec sa maman, condamné à être malheureux toute sa vie. Je n’ai jamais arrêté de me battre contre cette chanson.” Didier en est convaincu, une autre vie est possible. Il fait son coming out à ses parents, file à la gare de Pau et “monte” à Paris. Il débarque avec sa “valise en carton jaune – t’es trop jeune pour avoir connu ça”. Il n’a qu’une adresse, celle du seul autre homo qu’il connaît et qui lui a donné son feu vert pour squatter en attendant de trouver un appart. Dans la capitale, il se crée vite une nouvelle famille.

Ondes militantes

Puis il frappe à la porte du journal Gai Pied, rue Sedaine, et s’installe au standard de la radio communautaire qui deviendra, plus tard, Radio FG. Cette antenne libre “hyper militante, hyper pédé, hyper disruptive” ressemble à celles et ceux qui sont derrière ses micros. À l’époque, le 90 FM – la fréquence de l’émission – lui fait l’effet d’un shot de fierté, qui se voit encore sur son visage quarante ans après.

Aujourd’hui, Didier Varrod est le grand manitou de la musique chez Radio France, après une belle carrière chez France Inter, la radio publique la plus écoutée du pays. Il en a fait du chemin. Une progression pas toujours facile, même au sein de la Maison ronde – qui jouit pourtant d’une image plutôt progressiste –, où Didier a mis du temps à passer de l’autre côté du micro : “J’en ai croisé des « hétéros cis blancs de 50 ans » qui cassaient le poignet quand ils parlaient des gays.” Des ricanements, du mépris, des moqueries sur sa “voix haute avec un cheveu sur la langue” ont, selon lui, freiné sa progression… peut-être, mais pas son ambition. Ni son engagement.

Aujourd’hui, il descend moins en manif, mais après avoir permis à toute la nouvelle scène queer française de s’imposer sur la bande FM dans son émission Foule sentimentale, il continue de soutenir les artistes en organisant le festival Hyper Weekend, en janvier, où il programme Kiddy Smile, Alex Beaupain, Woodkid ou encore le nouveau petit prodige de la pop, Pierre de Maere. “Le service public affiche de belles intentions en permanence. Il se doit de proposer, à l’approche de la présidentielle, une programmation diverse qui représente tous les courants de la société”, affirme-t-il. 

Électron libre et la “musique de pédés”

En 2003, à travers Électron libre, il fait débarquer l’électro, considérée à tort comme “une musique de drogués et de pédés”, sur les ondes de la radio publique. “C’est de loin l’émission la plus LGBTQI+ que j’ai produite dans mon parcours”, se félicite le journaliste, dont les convictions ont participé à l’essor de l’électro française. Aujourd’hui, il se fait d’ailleurs “un plaisir de rappeler aux DJ et aux producteurs ce qu’ils doivent aux pédés”.

“L’électro, c’est la musique de la libération, raconte Didier Varrod. Dès ma première rave, j’ai senti que le corps était une arme. L’homosexualité, pour moi, est par définition révolutionnaire, et elle doit le rester”, ajoute celui qui a perdu l’un des amours de sa vie durant l’épidémie de sida. Des années plus tard, alors que le mariage est ouvert à tous, il assume s’être marié “par amour, mais aussi par nécessité militante” : “Quand Sarkozy a dit qu’il allait revenir sur le mariage pour tous, je me suis dit que, plus on serait, plus ce serait dur de déconstruire la loi.” Des manifs de 1982 à la direction de la musique à Radio France, la flamme militante de Didier Varrod n’a jamais cessé de brûler.

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Crédit photo : Jules Faure