drameLa défenestration de deux enfants de 12 ans, dont un garçon trans, bouleverse l'Espagne

Par Quentin Martinez le 28/02/2023
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Un adolescent trans de 12 ans s'est donné la mort en se défenestrant avec sa sœur jumelle, hospitalisée dans un état grave. L'enquête devra éclaircir les faits de harcèlement scolaire dont ils auraient été victimes.

"J'avais choisi Alana, tu as choisi Ivàn. Maintenant tu es mon ange." Avec ces mots emprunts de respect, une mère fait ses adieux à son fils trans, ce dimanche 26 février en Catalogne. Ivàn s'est défenestré cinq jours plus tôt avec sa jumelle à Sallent, une petite ville à une soixantaine de kilomètres au nord de Barcelone, rapporte le quotidien espagnol El Paìs. Sa sœur jumelle, hospitalisée, est dans un état grave. Alors que le garçon, âgé d'à peine 12 ans, avait annoncé à ses parents, dans sa lettre d'adieu, vouloir entamer une transition de genre, le drame émeut le pays.

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L'intention criminelle a rapidement été écartée par la police locale, qui a découvert deux lettres manuscrites à proximité du balcon d'où se seraient jetés les adolescents vers 15 heures le 21 février. "Je ne supporte pas d'être harcelé à l'école toute la journée, d'être brimé parce que j'ai pris la décision de m'appeler Ivàn", aurait écrit le jeune garçon dans sa lettre, des propos rapportés par son grand-père auprès de la radio espagnole Onda Cero. Le témoignage d'un de ses camarades appuie cette déclaration : "Il avait coupé ses cheveux courts et demandait à ce qu'on l'appelle Ivàn, mais certaines personnes utilisaient encore un prénom féminin", déclare-t-il, sous le couvert de l'anonymat, au journal El Paìs.

"Une situation de harcèlement motivée par l'identité de genre"

L'Observatoire contre l'homophobie de Catalogne, équivalent local de SOS homophobie, a appelé les services de l'Éducation du gouvernement catalan à garantir la "rigueur et la transparence" de l'enquête administrative, et s'est dit prêt à porter l'affaire en justice si tel n'était pas le cas. "On ne peut pas se permettre que quelques mois passent et que l'affaire soit oubliée. Notre volonté est d'aller jusqu'au bout", a déclaré Eugeni Rodriguez, président de l'Observatoire, ajoutant : "Il est clair qu'il y a eu une situation de harcèlement motivée par l'identité de genre." La ministre de l'Égalité, Irene Montero, qui vient de faire voter un ambitieuse réforme du changement d'état civil, a tenu à rendre hommage au garçon : "Son nom était Ivàn. Personne d'autre ne devrait avoir à souffrir [d'être qui il est]".

Le harcèlement scolaire des deux enfants ne serait pas seulement lié à la transition de genre d'Ivàn. La famille était arrivé d'Argentine il y a deux ans, et les adolescents auraient été victimes de stigmatisation. "On se moquait d'eux à cause de leur accent, de leur façon de parler et parce qu'ils n'avaient pas appris le Catalan", rapporte encore le grand-père dans les colonnes de El Paìs. La famille assure avoir alerté l'école et les services municipaux de Sallent de "la dépression et du harcèlement" vécu par les deux enfants, mais selon eux, rien n'aurait été fait pour protéger les jumeaux.

"Depuis la pandémie, nous assistons à une augmentation de comportements autodestructeurs de la part des jeunes, et en particulier des adolescents", s’est inquiétée la ministre de l'Éducation, Pilar Alegría, tout en appelant à attendre la fin de l’enquête pour comprendre les circonstances exactes du drame. Cette affaire ne peut que faire écho, en France, au suicide du jeune Lucas, 13 ans, début janvier dans les Vosges. Là encore, la famille avait fait état d'un harcèlement scolaire subi par l'adolescent homosexuel, mettant en lumière les difficultés de l'école à protéger ses élèves LGBTQI+ du harcèlement scolaire.

► Si vous avez des pensées suicidaires, ne restez pas seul. Des lignes d'écoute sont disponibles, comme Suicide écoute, disponible 24h/24 et 7j/7 au 01 45 39 40 00, ou SOS Amitié au 09 72 39 40 50, également 24h/24 et 7 j/7. SOS homophobie dispose aussi d'un chat d'écoute en ligne et d'une ligne d'écoute anonyme au 01 48 06 42 41.  Deux numéros d’appels nationaux sont également disponibles si vous êtes victime ou témoin de harcèlement : le 3020 (harcèlement à l’école) et le 3018 (cyberharcèlement). D'autres ressources sont recensées sur le site de l'Assurance maladie.

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