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EuropeLa France et l'Allemagne doivent s'engager dans la bataille pour les LGBT en Hongrie

Par Nicolas Scheffer le 04/04/2023
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La Commission européenne a lancé une procédure d'infraction contre la loi anti-LGBT+ adoptée par la Hongrie de Viktor Orbàn. Si onze pays européens soutiennent la démarche, la France et l'Allemagne se font attendre.

Après les déclarations, voici venu le moment de passer aux actes. En juin 2021, l'adoption en Hongrie d'une loi interdisant la "promotion de l'homosexualité" et de la transidentité auprès des mineurs avait provoqué des hauts-le-cœur chez la plupart des dirigeants de l'Union européenne (UE). Deux ans plus tard, alors que la Commission poursuit cette loi en justice, onze États membres de l'UE ainsi que le Parlement européen se sont joints à la procédure. Une pratique exceptionnelle visant à donner du poids à la dénonciation de la loi LGBTphobe. Manquent à l'appel la France et l'Allemagne, dont la décision de participer ou non se fait attendre...

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La Commission européenne a lancé cette procédure d'infraction contre la Hongrie à la mi-juillet 2021. Après une tentative de négociation infructueuse, le Premier ministre hongrois, Viktor Orbàn, étant resté inflexible – amplifiant même sa croisade anti-LGBT –, c'est donc désormais à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de se prononcer sur la compatibilité de la loi adoptée à Budapest avec le droit européen.

La France et l'Allemagne à la traîne

Le Parlement européen, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, l'Irlande, l'Autriche, le Danemark, Malte, l'Espagne, la Suède et la Finlande se sont d'ores et déjà portés solidaires de la Commission auprès de l'institution judiciaire européenne. "C'est la première fois de son histoire que le Parlement européen prend position contre un État membre devant la Cour de justice", remarque l'eurodéputé Pierre Karleskind (Renaissance), vice-président de l'intergroupe LGBTI.

Restent l'Allemagne et la France, qui ont jusqu'au 6 avril pour se manifester et sont jusqu'à présent restés particulièrement attentistes. "La loi anti-LGBT+ en Hongrie viole le droit et les valeurs de l'Union européenne. C'est très bien que la Commission ait engagé une procédure d'infraction et intente maintenant une action en justice. L'Allemagne doit se joindre à ce procès", a plaidé outre-Rhin Sven Lehmann, ministre de la cause queer dans le gouvernement allemand.

"Les deux pays souhaitent avoir une position commune. Or aucun des deux dirigeants [français et allemand, ndlr] ne montre une grande envie de s'engager dans une procédure qui ouvrirait un précédent. De surcroît, ils ne sont pas à l'aise avec les sujets LGBT+, qu'ils pensent minés", explique auprès de têtu· une source proche d'Emmanuel Macron.

Loi anti-LGBT en Hongrie : une "honte"

C'est en effet la première fois que la Commission poursuit un État au nom des valeurs fondamentales de l'Union. "Si la Cour de justice retient cet argument, la Commission pourra attaquer d'autres pays pour non-respect des valeurs fondamentales. Les États pensent que cela ouvrirait une boîte de Pandore", complète Vincent Reillon, chargé de plaidoyer auprès de Forbidden Colors, une association européenne de défense des droits des personnes LGBTQI+. L'association a lancé une pétition pour faire pression sur les dirigeants, recueillant 8.000 signatures en France.

En 2021, les mots étaient pourtant forts pour condamner cette loi intitulée "Adopter des mesures plus sévères à l'encontre des délinquants pédophiles (sic) et modifier certaines lois pour assurer la protection des enfants". Son objet : limiter l'accès des mineurs à tout contenu qui "promeut ou représente" des "divergences par rapport à l'identité personnelle correspondant au sexe à la naissance, un changement de sexe ou l'homosexualité". La présidente allemande de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, l'avait alors qualifiée de "honte". Car non seulement le texte porte atteinte aux personnes LGBTQI+, mais il le fait en violant la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que l'article 2 du Traité de l'Union européenne portant sur la non-discrimination des personnes. En visite en Hongrie en décembre 2021, Emmanuel Macron avançait, lui, à pas de loup, actant un "désaccord" avec Viktor Orbàn sur les sujets LGBTQI+.

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Crédit photo : Umit Donmez Anadolu Agency via AFP