justiceSuicide de Lucas, 13 ans : le rôle du harcèlement scolaire mis en doute au procès

Par têtu· avec AFP le 04/04/2023
La mère de Lucas, 13 ans, lors d'une marche blanche organisée pour le garçon dans les Vosges

Au procès de quatre adolescents mis en cause dans le suicide en janvier de Lucas, 13 ans, dans les Vosges, le parquet n'a pas requis la reconnaissance du harcèlement scolaire comme cause.

C'est le tribunal qui va devoir trancher. Ce lundi 3 avril s'est tenue à huis clos la première audience, à Épinal, du procès de quatre collégiens poursuivis après le suicide le 7 janvier dans les Vosges de Lucas, 13 ans, dont la famille a rapporté qu'il était victime depuis la rentrée d'un harcèlement scolaire sur la base de l'homophobie. Le parquet n'a toutefois pas requis la reconnaissance du harcèlement comme cause du suicide. "Au vu de l'analyse du dossier et de ce qui s'est dit à l'audience, il restait un doute par rapport à la causalité", a expliqué à l'AFP le procureur d'Épinal, Frédéric Nahon, ajoutant : "Le tribunal pour enfants reste saisi de la totalité des faits, il appréciera lui-même si effectivement il y a un lien de causalité entre les deux".

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Cette réquisition, si elle était suivie par les juges, aurait des conséquences importantes sur les peines encourues par les quatre adolescents poursuivis. Dans le code pénal, les peines prévues pour harcèlement scolaire vont jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende, contre dix ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende lorsque le harcèlement est reconnu comme cause du suicide de la victime. Pour des mineurs, comme c'est le cas dans ce dossier, la peine de prison ne peut dépasser la moitié du maximum prévu pour un adulte, et le plafond de l'amende est fixé à 7.500 euros.

Lucas victime d'homophobie

Les proches de Lucas avaient dénoncé des faits de harcèlement, révélant les moqueries et insultes à caractère homophobe dont l'adolescent s'était dit victime de la part d'autres élèves de son collège, à Golbey. Le revirement du parquet, a justifié Frédéric Nahon, est lié à "la date du dernier fait de harcèlement caractérisé, remontant à novembre. Il s'est écoulé plus d'un mois entre le dernier fait caractérisé et le suicide". Et le procureur d'ajouter : "Il y a pu y avoir d'autres faits ensuite, mais sans forcément qu'il y ait un lien direct" avec le suicide.

La période qui sera finalement retenue par les juges pour les faits de harcèlement, entre septembre 2022 et janvier 2023 dans le dossier ou entre septembre 2022 et novembre 2022 dans les réquisitions du parquet, pourrait également avoir des conséquences pour les mineurs poursuivis. Plusieurs d'entre eux ont eu 13 ans à la fin de l'année 2022, mais n'avaient que 12 ans lors de la commission des premiers faits de harcèlement retenus dans le dossier. Or la loi établit une présomption de non-discernement selon laquelle, en dessous de 13 ans, un mineur n'a pas la capacité de comprendre les conséquences de ses actes, et ne peut donc pas être reconnu coupable d'une infraction. Cette présomption peut cependant être contestée selon plusieurs conditions. Si le discernement est effectivement établi, le mineur peut faire l'objet de mesures éducatives, mais pas d'une peine privative de liberté.

En octobre 2021, Dinah Gonthier, 14 ans, s'était suicidée chez elle à Kingersheim, dans le Haut-Rhin, car selon sa famille elle était victime de harcèlement scolaire. Après une première plainte classée sans suite par le parquet de Mulhouse, la famille de l'adolescente a déposé plainte avec constitution de partie civile en novembre dernier. Dans l'affaire Lucas, les avocats des quatre adolescents ont réclamé l'abandon des charges. "L'infraction n'est pas constituée, nous n'avons pas besoin de discuter de ses éventuelles conséquences", a fait valoir auprès de l'AFP Me Emmanuelle Larrière. Le jugement a été mis en délibéré au 5 juin.

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Crédit photo : Jean-Christophe Verhaegen / AFP