Paris et Berlin ont décidé à la dernière minute de participer à la procédure judiciaire contre la loi "anti-LGBT+" qu'a fait voter en Hongrie le Premier ministre Viktor Orbàn.
"La France, en coordination avec l'Allemagne, a décidé de soutenir la Commission européenne dans son recours contre la loi anti-LGBT en vigueur en Hongrie depuis juin 2021." C'est par ces mots que l'Élysée confirme à têtu·, après plusieurs semaines de suspense, son engagement dans la procédure de la Commission européenne contre l'homophobie d'État mise en œuvre à l'initiative du Premier ministre Viktor Orbàn en Hongrie. C'est la première fois que Paris s'engage dans une procédure judiciaire contre un État membre de l'Union européenne (UE).
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En juin 2021, la Hongrie avait adopté une loi interdisant de représenter auprès des mineurs l'homosexualité et la transidentité. "Depuis l'adoption de cette loi de censure, la violence contre les personnes LGBTQI+ a augmenté, le discours public s'est aggravé et l'éducation à la sexualité d'une manière générale est devenue difficile. L'autocensure, de peur de sanctions a atteint tous les domaines de la vie", dénonce Hatter society, équivalent hongrois de SOS homophobie, dans un communiqué transmis à têtu·.
15 États et le Parlement face à la Hongrie
Cette loi est contraire aux Traités européens, juge la Commission européenne chargée de les faire respecter. C'est pourquoi, en juillet 2021, elle a décidé de lancer une procédure d'infraction, souvent qualifiée de "bombe atomique institutionnelle" et selon laquelle, après une phase de négociation qui a échoué dans ce cas, la Commission peut faire appel à la justice européenne qui doit alors se prononcer sur la conformité de la loi avec le droit européen.
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Chose rarissime, compte tenu de l'émoi provoqué en Europe par le texte LGBTphobe, 15 États* ainsi que le Parlement européen se sont joints à la procédure judiciaire, en soutien à la Commission. Les États peuvent également ajouter leurs arguments à la procédure. La France s'y est jointe à la dernière minute, dans la soirée de ce jeudi 6 avril, date butoir pour y participer. "Les États préfèrent régler leurs différends entre eux plutôt que demander au juge de s’en mêler", décrypte, pour expliquer cette frilosité, une source ayant appuyé la participation de la France, un exemple prosaïque à l'appui : "Quand vous êtes dans une copropriété et qu'un voisin laisse ses poubelles sur le palier, vous essayez d’abord de régler le problème directement, puis vous demandez à votre syndic d’intervenir (ici la Commission), et c’est seulement quand vous n’avez plus d’autre moyen que vous faites appel au juge."
Une initiative historique
C'est la première fois que la Commission européenne poursuit un État membre sur la base de l'article 2 du Traité, qui interdit la discrimination. Cette décision pourrait faire jurisprudence, notamment concernant d'autres lois "anti-LGBT" à l'étude en Roumanie ou en Croatie.
"C'est une bonne nouvelle que la France exprime enfin son soutien à cette procédure. Je reste déçu que nous n'ayons pas été en capacité d'utiliser notre diplomatie pour encourager d'autres pays à faire de même", réagit Sébastien Tüller, responsable LGBTI pour Amnesty international France. Vice-président de l'intergroupe LGBTI à Bruxelles, l'eurodéputé Renaissance Pierre Karleskind souligne : "Pour la Première fois de son histoire, la France décide d’intervenir dans un procès devant la Cour de justice. Le faire conjointement avec l’Allemagne est un signal fort". Rémy Bonny, directeur de Forbidden Colours, association de défense des droits LGBTQI+ en Europe, se félicite également de l'annonce : "C'est l'affaire concernant les droits humains la plus importante de l'histoire de l'Union européenne. Cette loi, copié-collé du Kremlin, est clairement en violation de ce pourquoi l'Union européenne se bat".
*La France, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, l’Espagne, l’Autriche, la Finlande, la Suède, la Slovénie, l’Irlande, Malte, la Grèce et le Danemark.
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Crédit photo : Commission européenne / Dati Bendo