Le tribunal pour enfants d'Épinal a condamné quatre adolescents pour le harcèlement scolaire de Lucas, un adolescent gay de 13 ans qui s'est donné la mort début janvier dans les Vosges. La causalité avec le suicide n'a cependant pas été établie.
Pour la première fois depuis l'adoption de la loi contre le harcèlement scolaire, des élèves ont été condamnés. Ce lundi 5 juin, quatre collégiens de Golbey, dans les Vosges – deux filles et deux garçons de 13 ans – ont été reconnus coupables de harcèlement dans l'affaire du petit Lucas, 13 ans, qui s'était donné la mort le 7 janvier. Mais le tribunal pour enfants d'Épinal n'a pas retenu le lien entre le harcèlement et le suicide de l'adolescent gay.
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"Au vu de l'analyse du dossier et de ce qui s'est dit à l'audience, il restait un doute par rapport à la causalité" entre le harcèlement et le suicide de Lucas, a indiqué à l'AFP le procureur d'Épinal. Les sanctions devront être fixées à la suite d'une prochaine audience, fixée au 22 janvier 2024. Mais des mesures éducatives provisoires ont d'ores et déjà été demandées pour les quatre collégiens, afin de les "mettre à l'épreuve", comme le prévoit le Code de justice pénale des mineurs depuis septembre 2021.
"La situation de Lucas a été entendue"
Lors de l'audience qui s'est tenue à huis clos le 3 avril, le parquet n'avait pas requis le harcèlement comme cause du suicide, à l'inverse des conclusions de sa propre enquête. Le tribunal pour enfants est allé dans le sens des réquisitions du parquet, requalifiant même les faits de "harcèlement scolaire ayant entraîné une interruption totale de travail (ITT) de moins de huit jours". Les quatre adolescents encourent jusqu'à 18 mois de prison. Si le tribunal les avait reconnus coupables du suicide de Lucas, ils auraient pu risquer jusqu'à 5 ans de prison.
La famille de Lucas avait également dénoncé des faits de harcèlement et mis en cause l'établissement. Quant à ses proches, appuyés par une lettre de l'enfant avant son passage à l'acte, ils avaient révélé des insultes à caractères homophobes dont l'adolescent était victime au collège. Trois semaines après la mort de son fils, sa mère, Séverine, avait malgré sa peine appelé à ne pas se tromper de combat : "Ça reste des enfants". Elle pointait surtout la responsabilité du collège, qui "n'a pas pu sauver Lucas". Dans une tribune relayée par têtu·, un collectif d'associations et de militant·es LGBTQI+ appelaient à ce qu'il y ait "un avant et un après Lucas".
"J’attendais que mon fils soit reconnu victime de harcèlement scolaire, c’est tout ce que je lui devais, c’est mon combat maintenant. Je vais me battre jusqu’au bout, pour que ça s’arrête."
Ce lundi, à l’issue du prononcé de la décision, la mère de Lucas a fait part de son “soulagement” : “Le verdict qui a été rendu est bien parce que le harcèlement c’est grave. Il faut que tout le monde en prenne conscience." Et de poursuivre : "J’attendais que mon fils soit reconnu victime de harcèlement scolaire, c’est tout ce que je lui devais, c’est mon combat maintenant. Je vais me battre jusqu’au bout, pour que ça s’arrête. On va mener des actions pour que les harceleurs se remettent en question, pour que les victimes se disent qu’elles n’ont pas à subir ça.”
“La situation de Lucas a été entendue à sa juste valeur sur le plan juridique: le harcèlement dont il a été la victime a été considéré comme harcèlement scolaire simple, ça me semble une décision juste”, a acquiescé son avocate, Me Catherine Faivre. “De simples moqueries ne sont pas de simples moqueries, dès l’instant où elles sont répétées, dès l’instant où elles portent atteinte à une identité, qu’elle soit sexuelle ou autre.”
Généralisation des observatoires des LGBTphobies
Le ministre de l'Éducation nationale, qui s'était montré ému par cette affaire, promis de généraliser les observatoires des LGBTphobies dans toutes les académies. Ces structures ont pour objectif de réunir les acteurs éducatifs et associatifs afin de former la communauté éducative et mettre en place des actions pour sensibiliser les élèves. "Une école accueillante pour les élèves LGBT+ l'est pour tout le monde", a soutenu fin janvier Pap Ndiaye dans une interview à têtu·.
Fin mai, quatre autres mineurs ont été mis en examen pour harcèlement scolaire ayant conduit au suicide après qu'une autre adolescente de 13 ans, Lindsay, s'est donné la mort le 12 mai à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais). La direction du collège est également visée par la plainte de la famille qui avait alerté l'établissement avant le suicide de leur fille.
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► Si vous êtes victime de harcèlement, ne restez pas seul·e
Des lignes d'écoute sont disponibles, comme Suicide écoute, disponible 24h/24 et 7j/7 au 01 45 39 40 00, ou SOS Amitié au 09 72 39 40 50, également 24h/24 et 7 j/7. SOS homophobie dispose aussi d'un chat d'écoute en ligne et d'une ligne d'écoute anonyme au 01 48 06 42 41. D'autres ressources sont recensées sur le site de l'Assurance maladie.
Crédit photo : Jean-Christophe Verhaegen / AFP