En marge de la révocation, par la Cour suprême des États-Unis, de la protection fédérale du droit à l'avortement, l'analyse du juge Clarence Thomas fait craindre une prochaine étape concernant le droit au mariage des couples homosexuels.
La révocation de la protection du droit à l'avortement n'est-elle, aux États-Unis, qu'un premier pas sur un chemin vers le passé pavé de mauvaises intentions ? La décision historique et funeste de la Cour suprême du vendredi 24 juin, revenant sur près d'un demi-siècle de protection fédérale du droit à l'IVG, a relancé les spéculations sur le sort d'autres droits acquis, dont en particulier le mariage des homosexuels…
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C'est l'argumentaire d'un des juges les plus conservateurs de la haute juridiction, Clarence Thomas, qui fait craindre au sujet du mariage. "Dans de futurs dossiers" concernant eux aussi le respect de la vie privée, a écrit le juge dans un argumentaire personnel qui accompagne la décision de vendredi, "nous devrions revoir toutes les jurisprudences". Et de citer trois arrêts précis : "Griswold v. Connecticut" de 1965, qui consacre le droit à la contraception, "Lawrence v. Texas" de 2003, qui rend inconstitutionnelles les lois pénalisant les relations sexuelles entre personnes de même sexe, et aussi "Obergefell v. Hodges", l'arrêt de 2015 protégeant le mariage pour tous au niveau des États-Unis, et qui reste comme l'IVG une cible prioritaire de la droite religieuse.
Joe Biden pointe une "route extrême et dangereuse"
Selon l'analyse de Clarence Thomas, âgé de 74 ans et qui avait été nommé (à vie, comme ses huit camarades) par le président George H. W. Bush (père) en 1991, ces jurisprudences s'appuient en effet sur la même disposition de la Constitution que celle, désormais invalidée, qui protégeait le droit à l'avortement, la Cour ayant à ses yeux "le devoir de 'corriger l'erreur'". À ce stade, cette opinion n'est toutefois celle que d'un juge, et la décision de vendredi elle-même, adoptée à la majorité, précise d'ailleurs noir sur blanc que "rien dans cet arrêt ne doit être interprété comme remettant en doute des jurisprudences sans lien avec l'avortement".
Signe de l'inquiétude qui demeure au sein même de la haute juridiction, ses trois magistrats progressistes se sont dissociés de la majorité qui selon eux "met en danger d'autres droits à la vie privée, comme la contraception et les mariages homosexuels". Vendredi, le président Joe Biden a également rappelé qu'il avait "prévenu" des conséquences possibles de cette décision sur d'autres droits "que nous prenons pour acquis", comme l'accès à la contraception ou le droit "d'épouser la personne qu'on aime". Et de lancer cet avertissement : "C'est une route extrême et dangereuse sur laquelle la Cour suprême nous a entraînés."
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Crédit photo : ERIN SCHAFF/AFP