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politiqueLa GPA reconnue comme "traite des êtres humains" ? Le gros mensonge du lobby réac

Par Nicolas Scheffer le 26/04/2024
Francois-Xavier Bellamy (LR) et Jordan Bardella (RN).

Avec la complicité des médias de la sphère réactionnaire, Jordan Bardella et François-Xavier Bellamy, têtes de liste de la droite et de l'extrême droite françaises aux élections européennes, ont annoncé cette semaine la reconnaissance par l'Europe de la gestation pour autrui comme une "traite des êtres humains". En réalité, la résolution votée proscrit "l'exploitation de la GPA" qui force des femmes, et définit donc en creux… les critères d'une GPA éthique.

"Le Parlement européen reconnaît la GPA comme une «traite des êtres humains»." Cette semaine dans les médias tenus par Vincent Bolloré – et consorts –, c'est la fête. Tour à tour, Le JDD, Valeurs Actuelles, Europe 1 et Le Figaro ont propagé cette information selon laquelle la gestation pour autrui (GPA) "est désormais reconnue au même titre que l'esclavage ou la prostitution forcée", rien que ça. "La nouvelle loi criminalise au niveau européen le mariage forcé, l'adoption illégale et l'exploitation de la gestation pour autrui (GPA)", surenchérit même Europe 1.

Et François-Xavier Bellamy, tête de liste de la droite française aux élections européennes, de fanfaronner : "Le Parlement a adopté en dernière lecture, par une majorité de voix de droite comme de gauche, ma proposition d’inclure la GPA dans la directive européenne contre la traite des êtres humains." Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement national (RN), a tenu à lui "rendre hommage" d'avoir fait inscrire la GPA sur la "liste des eurocrimes". Faux, faux, et faux : retour sur une fake news de compétition.

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Ce mercredi 23 avril, le Parlement européen a effectivement voté un texte "concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes". Le paragraphe 3 de cette directive 2011/36/UE énumère les "infractions liées à la traite des êtres humains" parmi lesquelles : "L'exploitation de la gestation pour autrui, du mariage forcé ou de l'adoption illégale." Mais au sein des institutions européennes, chaque mot est calibré, soupesé et négocié : ici, il s'agit bien de "l'exploitation" de la GPA, et non de la GPA en elle-même. "La présente directive cible les personnes qui forcent les femmes à être mères porteuses ou qui les amènent à agir ainsi par la ruse", précise ainsi explicitement le texte.

Contours d'une GPA éthique

Toutes les GPA ne sont donc pas concernées par le texte sur la traite des êtres humains, mais seulement celles où le consentement de la femme porteuse serait confisqué. L'exploitation est précisément définie par "le recours à la force ou d'autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, ou par l'offre ou l'acceptation de paiement ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne ayant autorité sur une autre, à des fins d'exploitation." En somme, la résolution votée définit les contours d'une GPA éthique, celle dont la légalisation est réclamée en France, dont la condition première et non-négociable est évidemment le consentement éclairé des femmes volontaires.

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Alors, les médias du lobby réac se sont-ils trompés ? Peu probable : le fait qu'une large majorité des eurodéputé·es, y compris de gauche, ait voté en faveur du texte, aurait pu leur mettre la puce à l'oreille quant à leur erreur… "Je me suis battu pour que ce soit bien 'l’exploitation' de la GPA et non pas la GPA en tant telle qui soit ciblée. En fixant ce qui n’est pas acceptable pour la GPA, de fait l’Union dit ce qui l’est", confirme à têtu· l'eurodéputé Renaissance Pierre Karleskind. Raphaël Glucksmann, tête de liste socialiste pour les élections européennes, fait aussi partie de ceux qui ont voté le texte, alors qu'il est favorable à la légalisation d'une GPA éthique. "Évidemment, on est tous contre la GPA quand elle est pratiquée dans un système qui oblige la personne", a-t-il expliqué sur BFMTV.

Enfin, ajoute le texte européen, "ces règles sont également sans préjudice des règles nationales en matière de gestation pour autrui, y compris du droit pénal ou du droit de la famille". Bien loin, donc, du satisfecit que s'auto-décerne François-Xavier Bellamy depuis six mois en se targuant d'avoir fait "interdire la GPA dans toute l'Union européenne". En réalité, les pays qui l'autorisent (Belgique, Pays-Bas, Portugal, Grèce...) peuvent continuer à le faire. Auprès de têtu·, l'association de défense des familles homoparentales (ADFH) réagit : "La GPA mérite un débat serein et factuel. L'offensive réactionnaire sur le sujet ne doit tromper personne et n'oublions pas que celles et ceux qui s'attaquent aux familles et aux enfants nés de GPA sont en campagne électorale." Or manifestement, sur ce sujet, tous les mensonges sont permis…

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▶ Attention, pour voter aux élections européennes, les inscriptions sur les listes électorales sont possibles jusqu'au mercredi 1er mai. Si vous devez faire une procuration, la démarche peut être entièrement réalisée en ligne.

Crédit photo : Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP

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