Dans une décision historique, la Haute Cour de Namibie (Afrique australe) a invalidé la criminalisation des relations homosexuelles. Un revirement de situation dans ce pays où le Parlement a renforcé en mai dernier la loi contre le mariage des couples de même sexe.
Victoire pour la communauté LGBTQI+ en Namibie. La Haute Cour de Windhoek, la capitale de ce pays d'Afrique australe, a invalidé ce vendredi 21 juin la loi criminalisant les relations homosexuelles. "Le délit de sodomie [qui visait les relations entre hommes] est déclaré anticonstitutionnel et invalide", statue-t-elle dans son jugement, déclarant plus généralement "les délits de sexe contre nature" contraires à la Constitution.
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"Nous ne sommes pas persuadés que, dans une société démocratique comme la nôtre, il soit raisonnablement justifiable de considérer une activité comme criminelle, uniquement parce que les citoyens, peut-être dans leur majorité, ne l'acceptent pas", ont considéré les juges de la Haute Cour. La loi condamnant le sexe "contre-nature" date de la période coloniale, en 1927, lorsque le pays était sous mandat de l'Afrique du Sud au sein de l'Empire britannique. Elle n'avait pas été modifiée après l'indépendance du pays en 1990, mais était rarement appliquée.
Les droits LGBT+ reculent en Afrique
L'association londonnienne Human Dignity Trust, qui lutte pour la dépénalisation de l'homosexualité dans le monde, a salué une décision "historique". "La communauté LGBT+ de Namibie peut maintenant envisager l'avenir sous un jour meilleur", se réjouit sa directrice générale, Téa Braun, dans un communiqué. "Victoire significative", a de son côté réagi Onusida, le programme des Nations unies de lutte contre le VIH/sida, qui y voit "une étape clé vers une Namibie plus inclusive". Pour le plaignant qui avait porté l'affaire devant cette juridiction, le militant LGBTQI+ Friedel Dausab, l'heure était au soulagement. "Grâce à cette décision, je ne me sens plus traité comme un criminel dans mon propre pays, simplement à cause de qui je suis", a-t-il dit, cité dans le communiqué.
La décision du tribunal s'inscrit pourtant dans un contexte de fort recul anti-LGBTQI+ depuis un an, rappelle l'association des droits humains, Amnesty International. En juin 2023, le Parlement de Namibie a adopté deux projets de loi définissant le mariage comme une union entre un homme et une femme, discriminant les personnes trans et pénalisant tout soutien, célébration ou promotion des unions entre personnes de même sexe jusqu’à six ans de prison et de lourdes amendes.
Pourtant, la Cour suprême a reconnu, en mai 2023, les unions entre personnes de même sexe conclues à l’étranger. Dans un sondage réalisé entre 2014 et 2015, la Namibie se classait en 4e position des pays les plus tolérants envers l'homosexualité, avec 55% de réponses positives. Ailleurs en Afrique australe, on observe une montée de l'intolérance sur ces questions. À l'échelle du continent, 30 États (sans compter la Namibie) pénalisent encore les relations homosexuelles et l'Afrique du Sud est le seul où le mariage homosexuel est autorisé et légal, depuis 2006.
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