L'hiver, la météo fait la gueule et nous avec. Pour certains, c’est juste un petit coup de blues d’après les fêtes. Mais pour d’autres, la dépression saisonnière est un mal-être qui va les tenir jusqu’au printemps.
Depuis vingt ans, à cause d'une opération marketing, le troisième lundi du mois de janvier est labellisé "Blue Monday", soit "le jour le plus déprimant de l'année". Entendons que le concept a des arguments : c'est un lundi, il fait froid, c'est un lundi, les journées sont courtes, c'est un lundi… Et cette année, c'est le bouquet : c'est ce même lundi, le 20 janvier, que Donald Trump est investi président des États-Unis. Mais attention, ce petit coup au moral qui vous tombe dessus pendant l'hiver pourrait aussi être le signe d'une dépression saisonnière, ou trouble affectif saisonnier.
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La première chose à faire est bien de distinguer le coup de blues hivernal de la dépression saisonnière. "Le premier est assez banal et peut se retrouver chez de nombreuses personnes dès lors que le temps devient gris et que les journées raccourcissent, explique le Dr Hugo Baup, psychiatre au CHU de Périgueux. Culturellement et socialement, on associe la chute des températures et la pluie avec une certaine morosité. Et, dans une espèce de prophétie autoréalisatrice, on en vient à se persuader que la journée va être pourrie. On est alors un peu déprimé, moins motivé…"
Tristes tropismes
La dépression saisonnière survient en automne-hiver : la moindre exposition à la lumière du jour a un impact sur notre horloge biologique, en particulier sur notre production de sérotonine et de mélatonine. Ce qui peut avoir un impact important sur le quotidien. "C’est une maladie décrite depuis les années 1980 et qui affecte entre 0,5 et 10% de la population selon les études, expose le psychiatre. Un peu comme pour toutes les maladies psy, les causes sont une imbrication de prédispositions et facteurs psychosociaux : vulnérabilité génétique (est-ce que vos parents ou grands-parents en souffrent ?), facteurs de stress environnementaux (traumatismes psychiques, isolement social, précarité, etc.), addictions (alcool, cannabis, tabac), etc." Plus exposées aux troubles de santé mentale que les cis-hétéros, les personnes LGBTQI+ pourraient y être davantage sujettes, de même qu'elle semble plus fréquente chez les personnes bipolaires.
Normalement, la dépression saisonnière se dissipe à l’arrivée des beaux jours. Le printemps et l’été se passent alors sans problème particulier. "Il faut que le phénomène se répète au moins deux ans de suite pour que le diagnostic soit posé", signale Hugo Baup. Mis à part son caractère hivernal et transitoire, la dépression saisonnière se distingue de la dépression "classique" par deux symptômes particuliers : une faim accrue, avec notamment une envie particulière d’aliments sucrés, et une grosse augmentation du temps de sommeil.
Ses autres symptômes sont : une fatigue importante – voire une somnolence durant la journée qui subsiste malgré des nuits plus longues et qui empêchent de réaliser les activités habituelles –, un moral en berne, une tristesse dès le matin, des problèmes de concentration et de mémoire, des ruminations anxieuses, une perte d’intérêt général, une baisse de la libido, un manque d’envie de voir du monde, de sortir, de faire des activités que vous appréciez d’habitude, parfois des idées suicidaires… Avec tout ça, on développe une tendance à l’isolement. "On essaie parfois de s’automédiquer en augmentant sa consommation de tabac, d’alcool ou d’autres drogues, poursuit Hugo Baup, ce qui aggrave la situation."
Comme réagir face à la dépression saisonnière
Le bon réflexe face à des manifestations qui évoquent une dépression saisonnière est évidemment de consulter son médecin. "Il faut faire un bilan général pour poser le diagnostic et éliminer des pathologies médicales qui peuvent provoquer des troubles de l’humeur mais qui n’en sont pas, comme le diabète ou des problèmes de thyroïde", explique le psychiatre. Un médecin pourra en outre, au besoin, vous orienter vers un professionnel fiable de la santé mentale, "et non vers des thérapeutes en pratiques de soin non conventionnelles qui risquent de vous promettre monts et merveilles au risque d’aggraver la situation", signale Hugo Baup. Notez bien que la dépression saisonnière peut être prise en charge et soulagée par des actions et des traitements qui ont fait preuve de leur efficacité.
La première chose à essayer de mettre en place – ce qui n'est pas toujours évident lorsque l’on ne va pas bien –, c’est d’adopter quelques bons réflexes quotidiens : sortir le matin afin de s’exposer à la lumière du jour, maintenir une activité physique régulière, manger équilibré et à heures fixes, entretenir les liens sociaux et les activités stimulantes, préserver un sommeil régulier…
"La psychothérapie et notamment les thérapies cognitives et comportementales (TCC) permettent quant à elles de lutter contre les pensées autoréalisatrices et de re-synchroniser son cerveau pour faire en sorte que l’on arrête de se dire que c’est parce qu’il fait un temps pourri que la journée va, elle aussi, être pourrie", reprend le psychiatre. Il signale en outre qu’on aurait tort de prendre la luminothérapie comme un gadget : "Il existe désormais des preuves robustes de son efficacité dans la littérature scientifique." L’idée est de s’exposer 30 minutes tous les matins à cette lumière artificielle produite par des lampes ou des lunettes spécifiques, en prenant garde bien sûr aux rares contre-indications, comme des problèmes aux yeux ou bien un trouble bipolaire non traité par des régulateurs d’humeur. Enfin, les anti-dépresseurs ont toute leur place dans le traitement du trouble affectif saisonnier.
L'hiver est long, alors si voir des amis ou cocooner devant votre film préféré ne suffit pas à vous remonter le moral, c'est que ce n'est pas un simple coup de blues. N'attendez donc pas le printemps pour consulter !
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