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sexo"Depuis le confinement, je n'ai plus de libido"

Par Elodie Hervé le 21/08/2020
libido

Depuis le confinement, certains connaissent une baisse de libido. Angoisse de contracter le virus, peur de l'avenir... Les raisons de cette perte d'appétit sexuel sont nombreuses. Et même la canicule n'y peut rien changer.

“Ma vie sexuelle et affective est totalement anéantie depuis mars”, raconte Pierre*. Il cherche ses mots pour raconter cette angoisse qui prend toute la place et qui, peu à peu, détruit tout désir sexuel. “Aujourd’hui, j’ai zéro libido. Genre vraiment zéro.” Cette absence de sexualité, il la vit comme une souffrance difficile à formuler. D'autant qu'à écouter les médias, le confinement n'a pas été chaste pour tout le monde.

Selon les statistiques du secrétariat d'Etat au numérique, la fréquentation des sites porno bondit de 50% pendant le confinement. Du coup Pierre s'interroge : doit-il en parler à ses proches ? Comment définir ce passage à vide alors que les plans culs l'amusaient beaucoup avant la pandémie ? Pour éviter ce type d’interrogations, il s’est mis en retrait de son travail et de toute vie sociale ou affective depuis le confinement.

4 mois sans sexe

“Je n’arrive pas à envisager d’être au lit avec un homme. C’est impossible pour moi, le simple fait de respirer peut me faire contracter le virus voire me transformer en porteur du virus. J’ai trop peur. Et cette peur me bouffe.” Ses phrases sont hachées, fracturées. A demi-mots, il décrit des journées longues et qui se ressemblent, des rendez-vous médicaux à rallonge et cette difficulté à voir ces amis reprendre une vie plus classique, quand lui n’y arrive pas. “C’est un cercle vicieux. Comme j’ai peur ben c’est ceinture. Et ma libido morfle. Et comme ma libido morfle, j’ai l’impression d’être un extraterrestre. De ne plus vraiment réussir à jouer dans la même cour que les autres. Et j’angoisse encore plus. Résultat, ça fait quatre mois que personne ne m’a touché et que j’ai touché personne. C’est vraiment dur à vivre.” Pour faire face à cette période, il choisit alors de désactiver l’intégralité des applications de rencontres sur lesquelles il avait ses habitudes. “Je ne voyais plus trop l’intérêt si ce n’est me rappeler que ma vie sexuelle n’existe plus”, ajoute-t-il

Cette perte de désir, Claire Alquier, sexologue et conseillère en santé sexuelle à l'hôpital Tenon (AP-HP), la rencontre de plus en plus depuis la fin du confinement. “Ce climat très anxiogène ne favorise pas la sexualité”, souligne-t-elle. “Une partie des hommes gays qui me consultent aujourd’hui, le font pour cette baisse de libido qui les inquiètent beaucoup. Ils sont quelques-uns à paniquer et à stresser de ne pas réussir à retrouver une vie sexuelle d’avant la pandémie”. 

"Les plans cul, c'est fini pour moi"

Une cigarette aux lèvres, un café dans la main, Antonin* est lui persuadé que sa vie sexuelle ne reviendra pas. Ou pas avant longtemps. “Les plans cul, c’est fini pour moi, ma libido s’est complètement envolée." Il raconte avoir tout essayé. Des cams avec ses anciens plans cul, aux sites porno qu’ils aimaient bien en passant par les sextos. “Mais au final, même seul chez moi, j’arrive plus à me toucher. C’est triste mais à moment donné va falloir que je fasse le deuil de la branlette.” Lui dit ne pas comprendre d’où vient cette absence de désir sexuel. La chaleur peut-être. L’angoisse des semaines à venir surement un peu. La recherche d’emploi depuis la fin de son CDD. “Tout cela n’aide pas c’est vrai, justifie-t-il. Mais j’ai dû mal à comprendre pourquoi même seul je n’y arrive plus.

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Là encore, Claire Alquier explique voir certains de ses patients dans cette situation. Pour elle, l’absence de masturbation peut venir d’un manque de disponibilité. “La masturbation n’est pas une pratique automatique, mais une pratique de plaisir pour laquelle il est nécessaire d’être disposé à se donner du plaisir et à être disponible pour soi-même. Ça nécessite de prendre le temps et d’avoir l’esprit libre. Les angoisses peuvent tout à fait empêcher le désir de reprendre sa place. Ce que je conseille surtout, c’est de prendre du temps, de se réapproprier son corps et de dédramatiser. De plus, ce n’est pas parce que l’on a déconfiné que tout va mieux, que tout est fini.” Elle insiste sur la nécessité de ne surtout pas se forcer si l’envie ne vient pas, d’en parler et pourquoi pas d’essayer de changer d’ambiance. 

Reprendre le temps

Vick lui commence à peine à retrouver un peu de désir. En couple depuis plusieurs années, le confinement n’a pas non plus favorisé sa vie sexuelle. “Au début, c’est vrai, on passait beaucoup de temps à s’envoyer en l’air. Mais très vite, j’ai perdu toute envie. Entre la routine qui s’est installée et l’angoisse de ne pas savoir ce qu’il allait se passer dans les jours à venir c’était très difficile à gérer”. Mi-mai, quand l’Hexagone déconfine, sa libido ne revient pas. “Déjà j’ai mis beaucoup de temps à vraiment déconfiner et à revoir d’autres personnes que mon mec. Mais en plus, je n’y arrivais plus, c’était comme s’il manquait quelque chose.” Son mari prend alors l’initiative d’organiser un weekend en amoureux, loin de leur quotidien. “C’était une bonne idée de s’évader quelques jours. Et puis ça nous a permis d’en parler, de mettre des mots sur cette absence de désir. Parce qu’avec le confinement j’avais l'impression que ma vie était millimétrée. A la minute près, je savais quand on mangeait, quand on dormait et quand il allait avoir envie de moi. Même le sexe était devenu routinier et ça m’a cassé toute ma libido.”

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Depuis, il raconte recommencer à éprouver du désir, à reprendre le temps de partir à la découverte de son corps ou de celui de son mari. A recommencer à sexter quand ils ne sont pas ensemble. Pas à la même fréquence, ni de la même manière, “mais ça revient peu à peu et rien que ça, c’est cool.” De son côté, Pierre cherche lui aussi à retrouver ses désirs de sexualité. Désormais sous anti-dépresseur, il cherche une façon de se réapproprier sa sexualité. “C’est long, mais il va falloir que je retrouve pied pour retrouver peu à peu une vie sexuelle et affective qui me convient. Un sacré chemin à parcourir…”