Abo

LGBTphobieHomophobie d'État : l'Europe obtient une victoire en Pologne mais la Hongrie d'Orban persiste

Par Nicolas Scheffer le 23/09/2021
Pologne LGBT

L'Union européenne menaçant de suspendre des fonds de relance post-Covid, la région de Kielce en Pologne a fini par retirer sa résolution "sans idéologie LGBT". Mais la partie est loin d'être gagnée pour l'État de droit en Europe de l'Est…

La pression européenne a fait effet. En Pologne, la région de Kielce, dans le sud du pays, a renoncé à la résolution "sans idéologie LGBT" qu'elle avait adoptée à l'été 2019. La Commission européenne menaçait de suspendre les négociations concernant le versement aux régions concernées de fonds de relance post-Covid. Un argument de poids, puisque ces subventions représentent plusieurs milliards d'euros pour cinq régions du pays.

Lors d'une session extraordinaire de l'Assemblée générale de la région administrative de Swietokrzyskie (ou voïvodie de Sainte-Croix), ce mercredi 22 septembre, 25 conseillers ont ainsi décidé de retirer la déclaration discriminatoire. Personne n'a voté contre ce retrait, et trois conseillers se sont abstenus. La région de Cracovie doit décider lundi prochain si elle fait de même ou non, et celle de Sejmik a convoqué une session extraordinaire ce jeudi 23 septembre.. Mi-août, les régions de Lubelskie et de Malopolska ont en revanche voté pour conserver leurs résolutions "sans idéologie LGBT".

Des "zones sans humanité"

Ces zones auto-déclarées "sans idéologie LGBT" sont dans le collimateur des institutions européennes depuis que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, les a qualifiées de "zones sans humanité" en septembre 2020, martelant qu'elles "n'ont pas leur place" dans l'UE. Dans ces zones, les militants décrivent un environnement homophobe encouragé par les autorités. Selon de nombreux témoignages recueillis par TÊTU dans le dernier numéro actuellement en kiosque, être ouvertement gay en Pologne est devenu un acte de courage quotidien.

Mi-juillet, la Commission européenne a lancé une nouvelle procédure d'infraction contre la Pologne. Dans une lettre de mise en demeure, elle rappelle que ces zones "sans idéologie LGBT" violent les droits fondamentaux et les valeurs de l'Union, notamment la non-discrimination, inscrite également dans la Constitution polonaise. Faute de réponse à cette lettre, la Commission a suspendu les négociations des fonds européens pour 2021-2027.

LIRE AUSSI >> Clément Beaune : « La protection de l’État de droit est le combat suivant en Europe »

"Il faut frapper au porte-monnaie"

Le rapport de force a finalement poussé le ministre en charge de la politique régionale, Waldemar Buda, à demander aux régions de se conformer aux règles européennes. Dans une lettre adressée à toute les collectivités, datée du 20 septembre, il rappelle que la Pologne ouvre de nouvelles négociations budgétaires avec Bruxelles. Une position qui ne fait pas consensus au sein du gouvernement puisque trois jours avant la lettre, le ministre de la Justice, Zbigniew Ziobro, qualifiait de "chantage" les menaces de la Commission. "Les responsables locaux ne devraient pas changer les résolutions qu'ils ont adoptées pour défendre les familles polonaises", écrivait-il.

LIRE AUSSI >> Robert Biedrón sur la Pologne : « Il y a eu un moment pour la négociation, maintenant, l’Union Européenne doit agir »

"C'est l'aboutissement de deux ans de combat sans relâche au Parlement européen. Deux ans que je fais pression pour que la Commission européenne applique un principe simple : il ne peut pas y avoir d'argent européen sans adhésion aux valeurs européennes", se félicite aujourd'hui dans un communiqué l'eurodéputé (LREM) Pierre Karleskind. "Nous avons beaucoup travaillé depuis deux ans pour obliger la Commission à prendre des mesures fortes. Nous savons que si nous voulons faire bouger le gouvernement polonais, il faut le frapper au porte-monnaie", a réagi Rémy Bonny, directeur exécutif de Forbidden colours, une association de défense des personnes LGBTQI+ en Europe.

En Hongrie, Orbán parade avec Zemmour

La partie est toutefois loin d'être jouée en Europe centrale. En Hongrie, le Premier ministre Viktor Orbán paraît déterminé à poursuivre le bras de fer. Cet été, il a annoncé un référendum destiné à conforter la loi ouvertement homophobe qu'il a fait adopter en juin pour interdire "la promotion et la représentation de l'homosexualité" aux mineurs. Un texte qualifié cette fois, par la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, de "honte".

Toute honte bue, néanmoins, le chef de l'État hongrois a dénoncé le 17 septembre la pression européenne, déplorant à la radio : "Les fonds (7,2 milliards d'euros dans le grand plan de relance de 750 milliards, ndlr) sont des prêts que Bruxelles ne veut pas nous accorder à cause du débat sur notre politique envers les LGBT". Et d'assurer, en vue des élections législatives prévue pour le printemps prochain, qu'il "défendrait la souveraineté" de son pays. Histoire d'enfoncer le clou, le nationaliste conservateur organise en ce moment même un "congrès pour la famille" rassemblant la crème de l'extrême droite LGBTphobe, dont un certain Eric Zemmour. Tout un programme…

LIRE AUSSI >> Homophobie d’État en Hongrie & Pologne : l’Europe doit se réveiller, et la France l’y pousser

À lire aussi : Reportage en Pologne avec les résistants des zones "sans LGBT"

Crédit photo : Facebook/Gazeta Polska