théâtreAxelle Laffont : "Je ne me suis pas forcée à plus faire la conne que d'habitude"

Par Bastien Bluzet le 09/01/2016
Axelle Laffont
Ancienne égérie de la déconne pour Canal Plus, la comédienne Axelle Laffont est revenue depuis quelques mois sur le devant de la scène pour son nouveau one-woman-show Hypersensible. Maîtrisant l'art du buzz, elle n'a pas hésité à donner de sa personne dans la Carte Blanche du Grand Journal en septembre dernier, clin d’œil à ses années de règne sur la météo de la chaîne cryptée. Outre ses pitreries télévisuelles, cette touche-à-tout a un C.V long comme le bras : Quelques  rôles au cinéma, une bande dessinée, un album, et un premier one-woman-show encensé par le public il y a dix ans. Elle n'a pas non plus hésité poser pour Olivier Ciappa pour défendre le mariage pour tous en 2013, et se félicite d'avoir une large fanbase dans le « réseau gay ».
TÊTU : Pourquoi avoir attendu dix ans après La Folie du Spectacle pour revenir seule en scène ?
Axelle Laffont : Mon premier spectacle a très bien marché, mais je n'ai pas eu envie d'enchaîner comme tous les autres comiques le font... Erreur au point de vue du plan de carrière, car si je l’avais fait, je pense que j'aurais un peu plus tourné. Mais je n'ai jamais fait de plan de carrière, ça se voir quand on voit la mienne. En fait si je n'ai pas eu envie tout de suite, c'est qu'il y a deux choses qui m'ont traumatisé. La  première c'est la tournée, qui est très longue. En gros c'est trois ans où j'étais seule sur les routes avec deux régisseurs. J'ai adoré être sur scène et rencontrer le public, mais tout  ce qui est organisation, voyages et l'éloignement de chez moi, c'était ultra long.
L'autre chose c'était la promo à télé. A l'époque c'était un cauchemar, j'avais la pression parce que je devais faire rire. Alors que quand tu viens pour parler d'un film, tu as juste besoin de parler de ton travail, si tu as de la répartie tant mieux, si tu n'en as pas c'est tant pis pour toi.  J'ai très mal vécu le côté « on t'as fait venir pour que tu nous fasses marrer ». Il fallait être dans la surenchère et ça n'était pas moi. Quand on était plusieurs comiques c'était à qui aurait la meilleure vanne, ça se tirait la bourre, et c'est  le genre de situation où je ne dis plus un mot. Maintenant c'est beaucoup plus impressionnant à cause des réseaux sociaux, où dès que tu dis quelque chose, il y a des milliers de réactions affligeantes. En revanche, j'ai ressenti moins de pression pour ce spectacle. Je pense que ça s'explique par le fait qu'il s'appelle Hypersensible, et du coup on me met moins de pression pour faire de la vanne... Ou alors c'est parce que je suis trop vieille et qu'ils ont peur de me fatiguer. Je ne me suis pas forcée à plus faire la conne que d'habitude.

"Ça a été très angoissant de revenir seule sur scène"

TÊTU : D'où est venue cette idée du thème de l'hypersensibilité ?
Axelle Laffont : J'ai écrit sans vraiment savoir où j'allais. Sur tous les thèmes qui me faisaient marrer sur le moment. J'en ai enlevé plein. Et une fois que j'ai eu un résultat final, j'ai cherché un fil conducteur, et c'était évident que c'était l'hypersensibilité.
Et comme je suis vraiment hypersensible, ça a été très angoissant de revenir seule sur scène. Même si globalement c'est un pied énorme, il m'est arrivé de faire une crise d'angoisse sur scène récemment, ce qui ne s'était pas produit depuis mille ans, donc je pense que tout ça me perturbe un peu quand même (rires).
La grande surprise ça a été de rencontrer un nouveau public. Et ça n'est pas du tout celui auquel je m'attendais. J'ai beaucoup des deux sexes et des grosses différences d'âges, J'ai des ados et des petites mamies, mais je ne m’attendais pas avoir autant de jeunes. Même si j'ai un sketch sur les réseaux sociaux, le reste du spectacle n'est pas forcément écrit pour eux, donc je suis contente que ça plaise à un large public. Après peut être que certain ont vu ma Carte Blanche sur Canal et que ça leur a donné des idées... (Rires)
TÊTU : Puisque tu parles de ça, d'où t'es venu l'idée de faire cette Carte Blanche ?
Axelle Laffont : C'était un running gag sur la vidéo que j'avais déjà faite à Nul Part Ailleurs. J'avais fait ça le quatrième jour, quand j'y repense c'était complètement dingue... Je voulais faire la parodie d'une scène d'Austin Powers, où on le voit évoluer nu dans un plan séquence, avec toujours quelque chose qui lui cache le sexe. Ça m'avait fait marrer, alors j'ai voulu refaire cette scène. A l'époque tout le monde a encensé le truc. J'étais super fière de moi car on avait tourné jusqu'à trois heures du matin pour que tout s’enchaîne à la perfection. Et c'est ce qu'on a vu de moi partout, donc je voulais faire un clin d’œil à cette fameuse vidéo.
 
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"J'ai dû bloquer environ 40 personnes sur Twitter"

TÊTU : Est-ce que ça n'est pas plus dur de faire ce genre de chose un peu déluré aujourd'hui ?
Axelle Laffont : C'est hallucinant... Les réactions sur les  réseaux sociaux ont été mitigées, mais j'ai lu des choses particulièrement violentes à mon sujet. J'ai dû bloquer environ 40 personnes sur Twitter.  J'ai lu des commentaires très durs sur la maigreur, et d'autres qui disaient que j'étais prête à tout pour vendre des tickets. En ça m'a aussi fait marrer, parce que je me suis dit que 10 ou 15 ans après, on est beaucoup moins open sur l'humour. Il y a dix ans c'était nouveau et on trouvait ça fantastique, et là on est retombé dans un conformisme et une pudeur qui sont totalement fous.
TÊTU : Tu penses que ça aurait été différent si tu avais été un mec ?
Axelle Laffont : Je ne sais pas, peut-être. En tout cas, je me suis sentie super forte et fière d'avoir fait ça. Je n'étais pas nue, j'avais une culotte chaire et des faux seins, mais tout de même, se promener comme ça en plein Paris, à 13h, devant des terrasses pleines à craquer, fallait oser, et je me suis sentie ultra forte d'avoir fait ça. Il se trouve qu'après je me suis retrouvée sans rien parce que j'avais laissé toutes mes affaires sur mon scooter sans surveillance. Mais globalement je pense que si j'avais été un mec, les réactions auraient été moins violentes. Il y a toujours un traitement particulier pour les femmes. J'ai eu aussi des réactions très violentes quand j'ai posé pour Olivier Ciappa, à l'occasion du mariage pour tous, je formais un faux couple lesbien avec Anne Marivin.
TÊTU : J'ai vu pas mal de couples d'hommes lors du spectacle. Tu savais que tu avais ton petit succès auprès de ces messieurs ?
Axelle Laffont : Ça je le savais déjà (rires), car j'en avais déjà beaucoup lors de mon premier spectacle. Ce qui est d'autant plus étonnant car je ne m'adresse pas forcément à eux. Je dois en parler à peine cinq minutes dans le spectacle. Mais je crois que ça s'explique par le fait que j'ai mon petit caractère, que je ne suis pas un cliché minaudant et que je ne rentre pas forcément dans une case.
D'ailleurs peu de temps avant le début du spectacle, j'ai croisé un vendeur dans un grand magasin, qui m'a reconnu et qui connaissait mon spectacle par cœur. Il m'a confié être gay et il m'a dit « tout le réseau gay sera là pour ton, spectacle ! », ce qui m'a fait beaucoup rire, et mine de rien il avait plutôt raison.
TÊTU : Pendant ton spectacle tu joues énormément avec le public. Est-ce que c'est du travail en plus ?
Axelle Laffont : C'est une prise de risque supplémentaire oui, mais c'est ma part de plaisir. Bien sûr c'est pas facile tous les soirs,  et généralement quand tu vas voir un spectacle tu n'as pas envie qu'on te fasse chier dans la salle, c'est pour ça que je m'excuse à la fin. Mais ça me permet aussi de ne pas avoir de train-train. C'est mon petit challenge qui me permet de changer un peu le spectacle tous les soirs, et ça me met en danger, donc j'adore. Le spectacle a d'ailleurs beaucoup évolué depuis la première. Il y a des soirs ou j'improvise beaucoup et d'autres à peine, en fonction des réactions du public.
TÊTU : As-tu pris d'autres comédiens pour modèle ?
Axelle Laffont : J'aime beaucoup ce que fait Amy Schummer, elle est complètement démente, très libre avec son corps et aussi dans son comportement. Elle est ronde, elle assume, elle se fout de l'image qu'on a d'elle et c'est génial. Je déteste les gens qui minaudent ou qui sont dans  la séduction non-stop. J'adore être séduisante, mais quand c'est systématique, ça me gonfle, aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Et chez les comédiens il y a pas mal de gens comme ça. Je préfère les gens spontanés et sincères. Après quand j'écris je ne m'inspire de personne. D'ailleurs, je ne vais voir aucun spectacle pendant la phase d'écriture, de peur que ça m'influence trop. Mais je ne me suis pas inspiré d'un type de comique pour Hypersensible. J'ai toujours choisi de m'inspirer du quotidien. Le mien, celui des autres, les moments de solitude...
TÊTU : Comment se passent les séances d'écriture ?
Axelle Laffont : J'ai écrit avec un auteur qui s'appelle Emmanuel Robert Espalieu, qui est plutôt un auteur de théâtre classique. Et c'est devenu un pote, qui m'a permis d'écrire en m'accordant un temps infini et en étant présent tout au long du processus d'écriture pendant plusieurs mois. Tout s'est fait dans l'échange, sur mes souffrances, sur ce qui nous fait marrer, et à partir de là, on arrive à tout retourner pour en faire des sketchs. D'ailleurs, dans un de mes sketchs, je répète souvent que j'ai une vie de merde. Je tiens à préciser que ça n'est pas vrai, avant de me faire laminer sur Twitter. Mais justement ça me fait marrer d'exagérer les traits. J'ai eu des moments difficiles comme tout le monde. Sauf que quand tu es un peu connue, et quand ta famille l'est aussi, les gens pensent toujours que tu es au top, ce qui bien évidemment est faux. Et ça me faisait rire de le raconter. Par exemple je n'ai  aucune honte à dire que je loue  mon appartement sur Airbnb pour gagner un peu de thunes, ni que j'ai été djette. Il y a beaucoup de gens qui ont fait ça parce qu'ils étaient dans la loose, alors que moi j'ai fait ça parce que ça me plaisait. Après quand tu fréquentes le microcosme parisien du cinéma bankable, tu as vite fait d'être cataloguée lorsqu'on te voit faire la djette, et on te regarde de façon condescendante. En France quand  tu fais plusieurs choses, c'est un peu tabou et on t’oblige à choisir. Alors qu'aux États-Unis c'est monnaie courante.

"Sur Canal je ne vois plus rien d’insensé ou d'impertinent"

TÊTU : Est-ce que la météo te manque parfois ?
Axelle Laffont : Je ne peux pas dire que la météo me manque, en revanche, de faire la conne et de me mettre autant en danger si ! Même si c'est seulement pendant trois minutes, devoir faire marrer tous les jours c'est quasiment impossible. Surtout que je m'étais fait un point d'honneur à ce qu'il y a ait tous les jours quelque chose de différent. Ce qui est ultra fatiguant. Je me prenais énormément de fours, mais je pense que ça faisait aussi parti du succès de ma météo.  Les gens étaient contant quand je les faisais rires, mais aussi quand je me plantais. C'est surtout le direct qui me manque. A partir du moment où tu enregistres et que le producteur peut couper tes vannes ça me fait moins marrer. Très clairement aujourd'hui je m’interroge sur ce qu'on peut faire ou pas.  Aujourd'hui sur Canal, à part dans le Petit Journal que j'adore, je ne vois pas vraiment de choses insensées ou impertinentes.
TÊTU : Tu as d'autres projets en ce moment ?
Axelle Laffont : A part le spectacle et la tournée à venir. Je suis en train d'écrire le film sur le spectacle. Je ne sais pas encore si j'arriverai à l'écrire en entier  mais en gros l'histoire serait celle d'une mère de famille qui se prend pour une super héroïne et qui se révèle être, en réalité, une grosse chieuse. Et toute sa famille serait aussi en mode super héros ! Et j'ai aussi un projet de pièce que j'aimerais mettre en scène. En tant que comédienne je trouve ça difficile de rester à la maison à attendre qu'on m'appelle alors j'essaie de me diversifier un maximum.