Il avait aidé à paver la route de l'ouverture du mariage aux couples de même sexe. Olivier Dussopt rejoint aujourd'hui l'exécutif d'Emmanuel Macron, dans le gouvernement d'Édouard Philippe.
Deux nouveaux entrants ont été annoncés au gouvernement ce vendredi 24 novembre. Delphine Gény-Stéphann, venue du privé, et Olivier Dussopt, député de l'Ardèche, ont rejoint l'équipe menée par Édouard Philippe. Cette dernière nomination est interprétée comme un virage à gauche, Olivier Dussopt, proche de Benoît Hamon au sein du groupe "La Nouvelle Gauche", s'étant illustré par ses votes contre la majorité et en particulier contre le budget avancé. Porte-parole de la campagne pour la présidentielle de Manuel Valls en 2017, il avait occupé le même poste auprès de Martine Aubry cinq ans plus tôt. Il incarnait alors un autre combat : celui de l'ouverture du mariage civil aux couples homos.
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Quand un couple lesbien questionnait la constitutionnalité du mariage
Juin 2011. Jean-Marc Ayrault est alors président à l'Assemblée du groupe Socialiste radical citoyen (SRC), qui vient de déposer une proposition de loi pour l'ouverture du mariage aux couples de même sexe, mais c'est Patrick Bloche, rapporteur de la Commission des lois constitutionnelles, qui prend la parole à la tribune de l'Assemblée nationale. Deux femmes ayant demandé à la justice de pouvoir se marier, la question est remontée jusqu'au Conseil constitutionnel, dont les membres ont statué que les articles de loi qui restreignent le mariage à l'union d'un homme et d'une femme ne sont pas anticonstitutionnels, mais que le législateur peut à tout moment adopter de nouvelles dispositions pour ouvrir l'institution aux couples homos. "La balle est désormais et plus que jamais dans notre camp, résume Patrick Bloche devant l'Hémicycle. La France, pionnière en 1999 lors du vote du PACS, est aujourd'hui à la traîne et (...) il est nécessaire de franchir une nouvelle étape sur le chemin de l'égalité des droits."
Lorsqu'il prend à son tour la parole, Olivier Dussopt, député socialiste, annonce la couleur : "Je commencerai en allant droit au but : si nous proposons l'ouverture du mariage civil à tous les couples, c'est uniquement pour abolir une discrimination." Il insiste : "Nous proposons de mettre fin à une inégalité et protéger tous les couples indifféremment, dans le hasard et la diversité de leur composition et des épreuves qu'ils traversent." Conscient que "c'est la loi qui discrimine", le député socialiste rappelle les débats parlementaires qui ont mené de la dépénalisation au PACS, saluant le discours de son opposante politique, Roselyne Bachelot. Son discours à lui quitte le langage seulement législatif : "Nous accordons autant d'importance à l'amour entre deux femmes, entre deux hommes, qu'à l'amour entre une femme et un homme", dit-il avant de révéler qu'il organise lui-même, et de manière symbolique, des PACS dans la salle des mariages de sa mairie d'Annonay, à l'instar d'autres confrères et consœurs. Selon lui, "nous renforçons le cadre juridique du mariage en lui permettant de s'ouvrir à tous. Nous le laisserions s'affaiblir si nous le laissions tel qu'il est."
Olivier Dussopt, un allié au gouvernement ?
Applaudi par les bancs de l'Assemblée, Olivier Dussopt reçoit six mois plus tard l'approbation des rangs militants. En décembre 2011, l'association SOS homophobie lui décerne, ainsi qu'au député UMP Franck Riester (que l'on interviewait ici), le Tolerantia Preis 2011, prix européen de la tolérance récompensant les actions de lutte contre les LGBTphobies, pour féliciter leurs prises de paroles "remarquables". Cette distinction, l'actuel président de SOS homophobie la salue encore : "Olivier Dussopt était l'un des rares députés – socialistes et de toute famille politique – à se prononcer aussi clairement en 2011, rappelle Joël Deumier, Ça nous parait loin aujourd'hui, mais à l'époque c'était précurseur. Il a fait preuve de courage en se positionnant de manière aussi forte." La proposition de loi de Patrick Bloche fut toutefois rejetée. C'est celle de Christiane Taubira, alors ministre de la Justice, présentée en conseil des ministre le 7 novembre 2012, qui franchira le parcours législatif jusqu'à son adoption en mai 2013.
Bouté hors du Parti socialiste depuis son entrée au gouvernement, Olivier Dussopt se rapproche désormais d'un ancien opposant : Gérald Darmanin. En tant que secrétaire d'État à la Fonction publique, il tombe en effet sous l'autorité du ministre des Comptes publics qui s'était à l'inverse illustré contre cette "néfaste réforme" (sic) du mariage, militant pour son abrogation jusqu'à la tribune de Sens commun. Cet été, les deux hommes politiques s'étaient par ailleurs affrontés lors d'un échange tendu à l'Assemblée nationale au sujet du budget.
À SOS homophobie, on souhaite qu'Olivier Dussopt soit à la hauteur du Tolerantia Preis reçu il y six ans et qu'il sache jouer "un rôle moteur" au sein du gouvernement, en dépit de son portefeuille. "Ça nous fait au moins un allié en plus, reprend Joël Deumier. Même s'il n'est pas actif sur les questions LGBT, on espère qu'il tirera le gouvernement vers le haut et qu'il pourra convaincre, notamment au moment des États généraux sur la PMA; l'engagement d'un secrétaire d'État peut peser dans la balance."
Crédit photo : Olivier Dussopt via Twitter