La terrible décision prise contre Manish et Michaël, doubles papas belges, est rarissime, mais elle s'inscrit dans les clous de la loi.
Manish et Michaël forment un couple à Schaerbeek, dans le sud de la ville Bruxelles. En vue d'accomplir leur projet parental, ils se sont rendus à Adoptie Huis (la "Maison de l'adoption", service flamand d'adoption d'enfants par des belges). En avril 2016, ils reçoivent une très bonne nouvelle : ils vont bientôt pouvoir accueillir un petit garçon. La mère biologique de l'enfant consent à ce qu'il soit adopté par un couple de même sexe. La rencontre entre les trois personnes se déroule bien, et le petit Manaël est alors confié à Manish et Michaël, cinq jours après sa naissance. Les deux hommes ne sont pas encore ses parents d'adoption mais ses "gardiens". À la fin de l'été, la mère signe officiellement les papiers de l'adoption devant le notaire et donne autorité à l'agence Adoptie Huis de poursuivre la procédure, relate la RTBF. "Nous nous sentions enfin des parents", se remémore Manish auprès du média belge.
Mais en février 2017, la mère fait volte face. En vertu de la loi, elle dispose en effet d'un droit de rétractation pendant six mois. Devant le tribunal de première instance puis plus tard en appel, le juge statue pour le retour de Manaël chez sa mère, arguant de "l'intérêt de l'enfant". Aucune enquête sociale n'est venue étayer sa décision. Ni le temps passé par l'enfant dans le foyer de Manish et Michaël, ni le changement d'avis tardif de la mère biologique ne sont venus entraver sa décision de le lui rendre. Manaël est alors âgé de 10 mois...
Première fois en vingt ans
Iris Vandeborre, directrice d'Adoptie Huis contactée par TÊTU, accuse elle aussi le coup :
Ça fait 25 ans que je travaille dans l'adoption et c'est la première fois que je vois une mère se rétracter tant de temps après la signature devant le notaire. Il y a bien des mères qui changent d'avis avant mais même là c'est très rare.
Le constat est identique côté wallon : selon Dider Dehou, à la tête de l'autorité compétente en matière d'adoption sur l'ensemble de la Communauté française de Belgique et cité par la RTBF, aucune mère n'aurait jamais changé d'avis pendant la procédure judiciaire.
La rétractation de la mère n'a toutefois rien à voir avec l'orientation sexuelle de Michaël et Manish, assure Iris Vandeboore. Chaque année, environ 25 enfants sont soumis à l'adoption interne en Flandres et la moitié sont confiés à des couples de même sexe, "dont la plupart sont des couples d'hommes", spécifie Iris Vandeborre.
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Homos et hétéros sur le même plan pour l'adoption
Celle qui dirige le service flamand de l'adoption interne est formelle : à l'inverse de la France, les couples homosexuels ne rencontrent aucunes difficultés supplémentaires aux hétéros. "Pendant le screening, on regarde s'il y a bien quelqu'un de l'autre sexe dans l'environnement de l'enfant. Mais dans beaucoup de cas, quand il s'agit de deux hommes, il y a une sœur ou une grand-mère, une copine... On s'assure aussi que dans la famille du couple, la plupart des gens accepte l'homosexualité de leur fils ou de leur frère, car c'est important pour l'enfant." La mère biologique est interrogée également : on lui demande quelle type de famille elle préfère et si elle consent à confier son enfant à un couple homosexuel. Là, certaines refusent "surtout pour des raisons culturelles, mais c'est tout à fait une minorité, précise Iris Vandeborre. Toutefois on accepte et on respecte ce choix car il est important que la mère ait un bon sentiment avec les futurs parents."
Un tableau idyllique vu à travers nos lentilles françaises. Depuis l'adoption de la loi Taubira en 2013, un seul couple d'hommes mariés a pu adopter en France, sans lien biologique avec les parents; la faute au petit nombre de pupilles de la nation adoptables et à certains conseils de famille, en charge de leur attribution, qui rechignent à placer ces enfants dans des foyers homoparentaux.
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Aujourd'hui, Manaël est âgé de 19 mois. Manish et Michaël sont désormais sa famille d'accueil et ils doivent prendre leur mal en peine pour assurer une transition en douceur, à commencer par la rencontre avec sa mère biologique, chaque mercredi. "C'est un drame pour tout le monde, poursuit Iris Vandeborre. C'est toujours très dur pour une mère d'abandonner son enfant, mais ça l'est aussi pour des parents candidats à l'adoption qui ont attendus pendant des années", en moyenne cinq ou six ans sur le sol belge, ce qui peut varier en fonction de l'âge souhaité de l'enfant.
"C'est terriblement difficile mais on le fait dans l'intérêt de Manaël. C'est lui seul qui compte pour nous", disait encore Manish à la RTBF, à qui ils ont raconté toute leur histoire pour prévenir les futurs candidats à l'adoption en Belgique.
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