Dans son pays, Anton Krasovsky a marqué les esprits pour avoir fait son coming-out en direct à la télévision russe. Aujourd'hui, il est candidat pour devenir le nouveau maire de Moscou. Même si ses chances sont quasi nulles. Portrait d'un homme politique qui ne lâche rien.
"Pédés interdits". C'est le genre d'autocollants qui fleurissent dans les rues de Moscou ces derniers temps. Plus rien n'étonne dans la capitale de cette Russie dans laquelle on brûle des drapeaux arc-en-ciel, où l'on passe à tabac les LGBT, et où les couples de même sexe se font arrêter pour "propagande homosexuelle." s'ils ont l'audace de se tenir la main dans la rue. C'est dans cette ville qui accueille en ce moment même des milliers de personnes pour la Coupe du Monde de football qu'Anton Krasovsky, militant ouvertement gay, a décidé de défier le Kremlin. Il sera candidat à la mairie de Moscou. Tant pis si cela agace le régime. Il n'en est pas à son premier fait d'arme.
Il y a cinq ans, Anton Krasovsky était journaliste pour la chaîne pro-Kremlin, Kontr TV. Le 25 janvier 2013, il a avalé un verre de whisky avant de prendre l'antenne. Sujet du jour ? Un projet de loi visant à interdire la "propagande gay", en discussion dans la Douma. Ce soir là, en direct, devant des milliers de téléspectateurs, le présentateur fait son coming-out : "Je suis gay, et je suis tout aussi humain que Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev." Une provocation qui aurait pu être la dernière. Dès le lendemain, son visage avait disparu du site de la chaîne. Les vidéos de ses émissions sont rapidement devenues introuvables sur internet. On ne le revit plus jamais en direct. C'était comme s'il n'avait jamais existé.
De pire en pire
Depuis ce coming-out, la situation pour les LGBT en Russie s'est largement détériorée. C'est ce qu'affirme Anton Krasovsky. La propagande anti-LGBT s'est installée partout: à la radio, à la télévision, dans la rue. Dans une interview au Daily Beast, il se désole :
"La Russie n'est pas homophobe par nature. C'est une illusion. Mais si les gens entendent constamment que les homosexuels sont des bâtards, que ce qu'ils veulent c'est marcher tout nu dans la rue, et qu'il faut les empêcher, forcément, certains vont vouloir nous tabasser."
Malgré les difficultés, Krasovsky refuse de quitter son pays, comme ont pu le faire de nombreux activistes LGBT. Mais il évite d'embrasser son partenaire en public, même s'ils sont ensemble depuis 7 ans. Son énergie, il l'a totalement investie dans la cause homosexuelle. D'abord, auprès des personnes séropositives via son association Spid Center. Un sujet qui le touche particulièrement puisqu'il a révélé en décembre dernier sur Facebook être lui-même atteint du VIH depuis 2011. Krasovsky tente de pousser les autorités à autoriser les traitements à base de méthadone pour réduire les contaminations auprès des usagers de drogues.
Renouveau politique
Et puis il s'est investi en politique. Il a dirigé les campagnes des principaux rivaux de Poutine lors des deux dernières élections présidentielles : Mikhail Prokhorov, en 2012, et Kseniya Sobtchak en 2018. Des experiences qui lui ont donné le courage d'aller plus loin et de se lancer à son tour dans la course à la mairie de Moscou.
Les élections auront lieu le 9 septembre prochain. Anton Krasovsky n'est pas certain que sa candidature soit acceptée. Il a besoin de 110 signatures d'élus municipaux pour pouvoir concourir. La seule chose dont il est à peu près sûr, c'est qu'il ne peut pas gagner. Il veut seulement profiter de cette occasion pour rendre la ville qu'il aime tant plus belle et plus ouverte, et pour défendre l'égalité pour tous. Pour "montrer à l'élite politique actuelle comment on se bat pour les droits humains et la liberté." En Russie, c'est déjà beaucoup.