Christiane Taubira"Je vis un cauchemar" : un amendement sur la filiation des enfants nés de GPA a agité l’Assemblée

Par Youen Tanguy le 04/10/2019
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Les députés ont voté en première lecture un amendement visant à faciliter la reconnaissance de la filiation des enfants nés de GPA à l'étranger ce jeudi 3 octobre. Mais le gouvernement a fini par réclamer une deuxième délibération.

"Vous voulez tout casser!" ; "C'est un cauchemar"... Voici quelques une des déclarations que l'on a pu entendre ce jeudi 3 octobre à droite de l'hémicycle de l'Assemblée nationale après le vote en première lecture d'un amendement sur la filiation des enfants nés de GPA (gestation pour autrui) à l'étranger.

Après avoir adopté l'article 4, qui prévoit un nouveau mode d’établissement de la filiation pour les enfants des couples de lesbiennes ayant eu recours à une PMA, les députés ont examiné des amendements supplémentaires, dont plusieurs proposaient de faciliter la reconnaissance de la filiation des enfants nés de GPA à l'étranger.

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Vote d'un amendement de Jean-Louis Touraine

Des amendements de Yannick Favennec Becot (UDI) et Raphaël Gérard (LREM) proposaient "la retranscription - automatique - des actes de naissance établis à l'étranger". "La seule manière efficace et simple de respecter l'identité des enfants qui n'a pas à payer pour les choix de ses parents."

Le député LREM Jean-Louis Touraine, rapporteur des articles 1 et 2 du projet de loi bioéthique, a de son côté proposé un amendement pour "permettre la reconnaissance de la filiation des enfants nés de GPA à l'étranger en faisant exécuter une décision de justice étrangère qui établit la filiation".

Il s'agit en fait de permettre la reconnaissance de la filiation en faisant exécuter une décision de justice étrangère - qui reconnait le double lien de filiation paternelle - par la voie de l'exequatur. Actuellement, le tribunal de grande instance de Paris valide déjà les états civils étrangers de façon quasi-automatique, mais ça n'est pas le cas de tous les tribunaux.

La ministre de la Justice Nicole Belloubet estimait de son côté que, "au regard des principes fondamentaux de notre droit (l'interdit de la GPA et la reconnaissance d'un état civil pour les enfants), nous avons trouvé un système équilibré : la retranscription partielle d'un côté et la processus d'adoption pour le deuxième parent".

Mais c'est bien l'amendement de Jean-Louis Touraine qui, contre l'avis du gouvernement et de la rapporteure Coralie Dubost, a été adopté en première lecture par l'Assemblée. "Et bah voilà!, s'est alors écriée l'ex-LREM Agnès Thill. A part ça, on ne va pas vers la GPA".

Emoi des députés LR

Un vote qui a provoqué un certain émoi à droite de l'hémicycle. C'est le moins qu'on puisse dire. "La GPA est désormais autorisée dans notre pays", a proclamé la députée Les Républicains (LR) Annie Genevard. "Ce soir, je suis très triste pour mon pays, a ajouté Patrick Hetzel (LR). Avec l'adoption de l'amendement Touraine, vous venez de mettre le pied dans la porte de la légalisation de la GPA en France (...) Je vis un cauchemar".

Le député LR Xavier Breton a même directement interpellé Raphaël Gérard au micro, avant de s'excuser un peu plus tard : "Assumez que vous êtes pour la GPA ! Dites-le très clairement !". Une déclaration qui a poussé le député LREM a clarifié les choses : "Si j'étais favorable à la GPA éthique, je serais père de famille depuis des années et je ne serais pas enlisé depuis quatre ans dans une procédure d'adoption."

"Le gouvernement demandera une seconde délibération"

La rapporteure Carolie Dubost a tant bien que mal tenter de calmer les débats, affirmant qu'il n'y avait "pas eu de barrière franchie", mais rien n'y a fait. Finalement, Nicole Belloubet a repris la parole pour indiquer "qu'en application de l'article 101 du règlement de l'Assemblée, le gouvernement demandera une seconde délibération" sur l'amendement Touraine.

Une décision à laquelle la députée LREM Aurore Bergé a immédiatement réagi : "Nous sommes heureux qu’une seconde délibération soit demandée (...) notre groupe est opposé à la GPA et entend bien voter contre cet amendement en seconde délibération."

Une promesse d'Emmanuel Macron ?

Sur Twitter, le président du groupe LREM à l'Assemblée s'est également réjouit de cette décision, évoquant une "erreur de vote" sur un amendement "portant reconnaissance automatique des enfants nés de GPA à l'étranger" (ce qui n'est par ailleurs pas le propos de l'amendement)". Et d'ajouter : "Cette disposition adoptée à la suite d'une erreur de vote, ne traduit en rien la position du Groupe."

Une petite phrase qui n'a pas échappée aux internautes qui se sont empressées de lui rappeler la promesse du candidat Macron. "C'était pourtant un engagement du président de la République", a écrit l'un d'entre eux. "Parce que les promesses de campagne du Président ne sont plus les objectifs du parti qu’il a créé ?", a commenté un autre.

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"Il faut permettre la reconnaissance des enfants nés par GPA à l’étranger, avait affirmé le candidat Macron dans une interview à TÊTU en 2017. On ne peut pas les laisser sans existence juridique. Ces enfants participent d’un projet d’amour. Il faut arrêter l’hypocrisie, et je porterai ce projet pour compléter la circulaire Taubira." Nul doute que le sujet risque d'agiter l'Assemblée de nouveau dans les semaines et les mois à venir.

Crédit photo : AN.