VIHUn deuxième patient atteint du VIH officiellement en rémission

Par Romain Burrel le 11/03/2020
VIH

Diagnostiqué positif au VIH, le "patient de Londres" avait été déclaré en rémission en mars 2019. Le virus n'a manifesté aucun signe depuis 30 mois. Il vient de révéler son identité.

Après une greffe de cellules souches, un patient atteint du VIH a été déclaré officiellement en rémission. Il s'agit du deuxième cas au monde de rémission de cette infection. Le patient, un homme connu comme le « patient de Londres » âgé de 40 ans, n'a présenté aucun signe du virus durant 30 mois, malgré l'arrêt des traitements antirétroviraux.

Mutation génétique rare

Déjà en mars 2019, le professeur Ravindra Gupta, de l'université de Cambridge, avait annoncé la rémission de cet homme diagnostiqué en 2003. Il avait toutefois appelé à la prudence.

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"En parvenant à une rémission sur un deuxième patient tout en utilisant une approche similaire, nous avons montré que le 'patient de Berlin' n'a pas été une anomalie", s'est félicité le principal chercheur Ravindra Gupta, professeur à l'Université de Cambridge, en faisant référence au premier cas mondial de rémission chez une personne atteinte du VIH.

Comme le « patient de Berlin », l'Américain Timothy Ray Brown considéré comme "en rémission" en 2010, ce « patient de Londres » a subi une greffe de moelle osseuse pour traiter un cancer du sang et a reçu ainsi des cellules souches de donneurs porteurs d'une mutation génétique rare qui empêche le VIH de s'implanter, le CCR5.

Du "patient de Berlin" au "patient de Londres"

« Nous avons testé un nombre assez considérable de lieux où le virus aime se cacher et pratiquement tout était négatif », hormis quelques restes « fossiles » de virus non actif, a expliqué à l'Agence France-Presse le professeur Ravindra Gupta. « C'est difficile d'imaginer que toute trace d'un virus qui infecte des milliards de cellules a été éliminée », s'est-il réjoui.

Des millions de personnes infectées par le VIH à travers le monde contrôlent cette maladie à l'aide d'une thérapie antirétrovirale (ARV), mais ce traitement ne débarrasse pas les patients du virus. "En ce moment, la seule façon pour traiter le VIH est par l'administration de médicaments qui contiennent le virus et que les gens doivent prendre toute leur vie", a dit M. Gupta. "Cela représente un défi particulier dans les pays en voie de développement", où des millions de personnes n'ont pas accès à un traitement adéquat, a-t-il ajouté.

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La rémission du patient de Berlin, restée isolée pendant près de dix ans, laissait penser à certains que ce n'était qu'un coup de chance. « Nos conclusions montrent que le succès de la transplantation de cellules souches comme traitement du VIH, pour la première fois rapportée il y a 9 ans pour le patient de Berlin, peut être reproduit », estiment les chercheurs, qui espèrent désormais d'autres succès. « D'autres patients ont bénéficié d'un traitement similaire, mais aucun n'est aussi loin dans la rémission. [...] Il y en aura probablement d'autres, mais cela prendra du temps », a commenté le professeur Ravindra Gupta.

L'identité du patient de Londres révélée

Cette semaine, le "patient de Londres" a décidé de révéler cette semaine son identité dans un entretien accordé au New York Times. Il s'agit d'Adam Castillejo. Un quadragénaire qui a grandi à Caracas, au Venezuela.

Adam Castillejo se voit diagnostiquer une leucémie en 2012, lui qui vit alors avec le VIH depuis 2003. Son dernier espoir réside alors dans une greffe de moelle osseuse d'un donneur présentant une résistance au VIH, une mutation génétique rare. Les médecins espèrent faire d'une pierre deux coups et tenter de "guérir" des deux maladies, comme ce fut le cas douze ans plus tôt avec un autre patient.

Castillejo rejoint ainsi Timothy Ray Brown, le "patient de Berlin", dans ce club ultra fermé des cas de rémission du VIH. Castillejo a à son tour été déclaré indemne du virus l'année dernière, 30 mois après l'arrêt du traitement antirétroviral pour recevoir une greffe de moelle osseuse d'un donneur avec une mutation génétique rare qui résiste à l'infection par le VIH.

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Pas une solution de traitement

Les chercheurs reconnaissent que, pour l'instant, leur méthode n'est pas une solution pour les millions de personnes qui vivent avec la l'infection dans le monde et la contrôlent grâce à un traitement à vie aux antirétroviraux. La procédure utilisée pour les deux patients est très lourde et risquée et pose des questions « éthiques », souligne le professeur Ravindra Gupta.

« Il faut mettre en balance le taux de mortalité de 10 % pour une transplantation de cellules souches et le risque de mort si on ne fait rien », selon lui. « Un travail tel que celui-là est important pour le développement de stratégies de traitement qui pourraient être applicables plus largement », a toutefois commenté le Dr Andrew Freedman, de l'université de Cardiff, pas impliqué dans l'étude.

Mais le virus est toujours présent dans son corps, tout comme M. Brown. Les tests suggèrent que 99% des cellules immunitaires de M. Castillejo ont été remplacées par des cellules de donneurs. Néanmoins, il est impossible de dire avec une certitude absolue que le VIH ne reviendra pas.

« Je veux être un ambassadeur de l’espoir »

M. Castillejo le sait. Son cas est rarissime, comme il l'a confirmé au New York Times : "C'est une situation unique, une situation unique et qui me rend très humble". Et le quadragénaire d'ajouter: "Je ne veux pas que les gens pensent : "Oh, vous avez été choisi". Non, c'est juste arrivé. J'étais au bon endroit, probablement au bon moment, quand c'est arrivé."

Le "patient de Londres"  a ouvert un compte Twitter pour raconter son histoire. 

Castillejo y déclare vouloir « faire de son mieux pour embrasser cette nouvelle voie en tant qu'ambassadeur de l'espoir » pour les personnes vivant avec le VIH.

Prudence

La communauté scientifique, elle, reste prudente. "Étant donné le grand nombre de cellules prélevées ici et l'absence de tout virus intact, le patient de Londres est-il vraiment guéri ?", se demande le professeur Sharon Lewin, de l'Université de Melbourne, en Australie.

"Les données supplémentaires fournies dans ce rapport de cas de suivi sont certainement encourageantes mais malheureusement, en fin de compte, seul le temps nous le dira".

Près de 38 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde, mais seulement 62 % bénéficient d'une trithérapie. Près de 800.000 personnes sont mortes en 2018 d'affections liées au VIH. L'apparition de formes de VIH résistantes aux médicaments représente aussi une préoccupation croissante.

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