LGBTphobieA Nîmes, encore un courrier homophobe lié au coronavirus : Arnaud témoigne

Par Timothée de Rauglaudre le 14/04/2020
Nîmes

Arnaud, habitant de Nîmes âgé de 38 ans, a reçu un courrier homophobe après avoir proposé son aide à ses voisins pendant le confinement. Il raconte à TÊTU sa colère, l'élan de soutien sur les réseaux sociaux et sa décision de porter plainte.

Je suis agent immobilier depuis dix-huit ans. Je suis parisien de souche mais j'habite à Nîmes. Depuis début mars, mon activité s'est arrêtée et je suis au chômage partiel. Je vis seul mais, depuis le début du confinement, mon compagnon habite chez moi. Dès le début, nous sommes allés voir tous mes voisins pour proposer notre aide, au cas où il y ait des personnes en difficulté.

A Nîmes, encore un courrier homophobe lié au coronavirus : Arnaud témoigne

Mercredi dernier, le 8 avril, je discutais avec deux de mes voisins dans la cage d'escalier. J'en ai profité pour aller vérifier ma boîte aux lettres. J'y ai trouvé un courrier glissé dans une enveloppe A4 pliée en deux. Je ne relève pas mon courrier tous les jours donc je ne sais pas quand c'est arrivé. Au départ, je pensais que c'était un courrier de la copropriété. J'ai découvert cette merde (voir photo ci-dessus).

Vague de soutien

Je me suis dit que c'était une blague, je me suis demandé si c'était sérieux. Je suis remonté chez moi, j'ai montré la lettre à mon compagnon, je me suis agacé, je l'ai prise en photo et l'ai diffusée sur ma page Facebook, mon compagnon aussi. Il y a eu un emballement, ça a pris une ampleur folle : ma publication a été partagée plus de 3 000 fois, en quelques jours j'ai reçu des contacts de journalistes, des messages de soutien de personnes que je ne connaissais pas, venant du Québec, de Singapour, du New Jersey, de Hong Kong.

À LIRE AUSSI : Coronavirus : une menace homophobe découverte par un couple gay à Marseille

Entre-temps, ma publication a été censurée par Facebook. J'ai fait une réclamation le lendemain. Sur le coup, je me suis dit que c'était scandaleux. Des amis m'ont dit que c'était peut-être à cause du commentaire que j'avais posté, sous l'effet de la colère, en écrivant : "Vive la France libre, bande de faux culs fascistes, j'ai honte d'avoir la même nationalité que vous". Je n'ai pas reçu de réponse de Facebook.

"On ne peut pas utiliser l'homophobie"

Ma réaction première a été de déchirer le courrier, de cracher dessus et de le jeter. Je trouvais ça horrible que ça arrive en cette période-là. J'avais vu passer sur les réseaux sociaux des lettres de menaces reçues par des infirmiers ou des personnels soignants. Je me suis : "Ce n'est pas possible. Pourquoi moi ?"

À LIRE AUSSI : Coronavirus : les assos de lutte contre les LGBTphobies doivent aussi s’adapter

Mon compagnon m'a dit : "Calme-toi, il faut que tu portes plainte." Je sais que les plaintes ne servent à rien dans ce genre de situation. J'ai déjà reçu des lettres de menace, subi une violente agression homophobe en Alsace il y a quelques années. Des avocats m'avaient dit : "On ne peut pas utiliser l'homophobie, ça ne marchera pas devant le juge."

Plainte pour "dénonciation calomnieuse"

Mais, devant l'ampleur qu'a pris ma publication, je me suis dit que je ne pouvais pas en rester là. Vendredi, j'ai déposé une pré-plainte en ligne. Je n'avais pas envie de faire la queue avec des personnes à un mètre de distance, ni de perdre mon temps pour qu'on me dise finalement de rentrer chez moi et de déposer une main courante. N'ayant pas eu de retour, j'ai rappelé le commissariat dimanche. On m'a dit qu'il fallait attendre trois semaines.

A Nîmes, encore un courrier homophobe lié au coronavirus : Arnaud témoigne
Le mot affiché par les voisins d'Arnaud dans l'immeuble après la réception du courrier homophobe

Aujourd'hui, mardi 14 avril, une femme m'a appelé. Elle m'a dit : "Monsieur, on n'a pas le temps de prendre une plainte pour ce genre de chose, déposez une main courante, ça suffira largement." Je lui ai répondu : "C'est du pénal, Madame." Elle m'a rappelé trente minutes plus tard pour me dire de déposer plainte pour... dénonciation calomnieuse. Je vais aller au commissariat vendredi. Je n'ai rien demandé. J'ai envie de vivre libre, correctement, et qu'on ne m'emmerde pas.