VIHEmprunter auprès des banques reste un problème pour les séropos

Par Nicolas Scheffer le 03/08/2020
prêt

Les personnes qui vivent avec le VIH doivent payer une surprime d'assurance lorsqu'elles veulent emprunter. Un coût supplémentaire qui ne se justifie plus.

Jean-Louis a appris qu'il était séropo lorsqu'il a fait une demande de prêt. À 52 ans, il avait besoin de 50.000 euros pour faire des travaux chez lui. Son banquier lui demande de faire un examen médical complet pour lui accorder ce crédit. On est en 2006. "Au laboratoire, le médecin était livide quand il m'a demandé de faire une seconde prise de sang pour confirmer. J'ai tout de suite compris", témoigne-t-il. Autre conséquence du infection, son prêt a été refusé. Quelques années plus tard, il retente sa chance dans une autre banque. Cadre dans une grande institution, il souhaite acheter un studio pour le mettre en location.

À LIRE AUSSI : Ce médicament serait plus efficace que la PrEP pour prévenir le VIH

Alors qu'il entendait emprunter sur une longue période, sa banque lui fait comprendre que son emprunt ne pourra pas durer plus de sept ans et... son taux a explosé. "Le coût de mon emprunt a doublé, tout comme mes échéances. Tout cela parce que je vis avec le VIH mais je suis en bonne santé !", s'indigne Jean-Louis.

Aujourd'hui, les personnes porteuses du VIH (PPVIH) souvent du mal à devenir propriétaires. Les derniers chiffres du rapport Morlat en 2017 montrent que seuls 32% de ces personnes sont propriétaires, contre 58% dans la population générale, soit deux fois mois. "La banque me disait qu'elle me faisait une faveur en m'accordant mon prêt, comme si elle n'y trouvait pas son compte", s'agace Jean-Louis.

Le prix des assurances de prêt peut être doublé

Pourtant, depuis 2007, une convention a été mise en place pour permettre aux personnes présentant un risque de santé d'emprunter. Cette convention dite Aeras vise à assurer les prêts, mais les personnes qui vivent avec le VIH doivent mettre la main au porte-feuille. "Un assureur peut demander jusqu'à 100% de surprime", explique Bruno Lamothe en charge des sérophobies au sein des Séropotes. En clair, l'assureur peut demander à un client de payer deux fois le prix normal au seul motif qu'il vit avec le VIH.

À LIRE AUSSI : Une rémission du VIH sans greffe de moelle osseuse suscite de nouveaux espoirs

Pour limiter cette discrimination, la région Île-de-France a proposé de prendre à sa charge cette surprime. Un fonds de garantie doté de 3,7 millions d'euros a été mis en place et sera effectif le 25 août. "La région entend mettre fin à une injustice entre les Franciliens en permettant à ceux qui présentent un risque aggravé de santé de devenir propriétaires aux mêmes conditions que les autres", a expliqué Valérie Pécresse lors de la présentation du dispositif. Si l'intention peut sembler bonne, elle a suscité l'incompréhension des associations.

Le VIH n'est plus un risque aggravé

"Au lieu de s'attaquer au problème, on le maintient avec de l'argent public. Les assureurs n'ont aucune raison de faire payer ces surprimes", explique Chloé Le Gouëz, chargée de plaidoyer chez Aides. Car quelqu'un qui vit avec le VIH sous traitement a quasiment la même espérance de vie qu'une autre qui ne vit pas avec le virus. "Vivre avec le VIH n'est pas anodin, mais ce n'est plus un risque aggravé, comme le prétendent les assureurs", poursuit Chloé Le Gouëz. "Pour eux, les personnes qui vivent avec le VIH, c'est la poule aux oeufs d'or : on peut leur faire payer une assurance pour un risque qui n'existe pas", souffle Roman Krakovsky, président des Séropotes.

À LIRE AUSSI : Déconfinement, pourquoi les séropos ne doivent pas s’inquiéter plus que le reste de la population

D'autant que la convention Aeras pose des conditions drastiques aux PPVIH qui souhaitent devenir propriétaires : ne pas être fumeur, avoir débuté son traitement après 2005, que le prêt soit totalement remboursé au maximum 27 ans après le début du traitement, un taux de lymphocytes CD4 supérieur à 500/mm3, une charge virale indétectable 12 mois après le début du traitement et sans rechute pendant deux ans, ne pas avoir de co-infection avec une hépatite B ou C...

"Rien ne justifie encore les surprimes"

Certains assureurs vont même dans le sens des associations. "Dans les pays qui ont des traitements, il n'y a pas lieu de considérer les PPVIH comme malades, ces gens là vont aussi bien que 'monsieur Tout-le-monde'", insiste Jean-Elie Henry-Mamou, le médecin conseil d’AXA France. D'autant que bien souvent, les personnes qui vivent avec le VIH sont en meilleure santé que la population générale. Pour cause, elles sont très régulièrement suivies de près par les médecins.

AXA France a donc décidé de ne plus pratiquer de surprimes dès lors que les trois derniers tests sanguins montent une charge virale indétectable et que les CD4 montrent une valeur normale. "Scientifiquement, rien ne justifie encore de traiter différemment les personnes qui vivent avec le VIH", poursuit le médecin conseil du géant de l'assurance. Un exemple que tous les autres assureurs devraient suivre.

À LIRE AUSSI : Près d’un jeune Français sur trois pense qu’il existe des médicaments pour guérir du sida

Si les surprimes ne se justifient plus, la convention Aeras a permis une avancée dans le droit des PPVIH. "Il y a à peine deux ans, les trois quart des compagnies d'assurance repoussaient les personnes vivant avec le VIH. Désormais, elles n'ont plus le droit de refuser un dossier, c'est toujours ça de gagné", insiste le médecin. Il ne reste plus qu'à élargir les critères.

 

Crédit photo : Creative Commons