La pression monte au Parlement européen. L'ancienne ministre de l'Europe et actuelle députée européenne (Renaissance) Nathalie Loiseau prévient que si rien ne conditionne l'attribution des aides de l'UE au respect de l'État de droit, son groupe et une majorité de parlementaires refuseront de voter le budget. Cette mesure vise à dénoncer notamment l'homophobie d'État qui sévit en Pologne.
Nathalie Loiseau, ancienne ministre des Affaires Européennes du gouvernement d'Édouard Philippe, a fait partie des 32 députés européens qui se sont habillés aux couleurs de l'arc-en-ciel, ce mardi. Ils souhaitent interpeller les institutions européennes sur la nécessité d'une action forte pour défendre les personnes LGBT+. La veille d'un discours sur l'état de l'Union de la présidente de la Commission, Ursula Von der Leyen, Nathalie Loiseau veut mettre la pression. Interview.
Que peut faire l'Europe pour aider les personnes LGBT+ en Pologne ?
On a demandé de faire des propositions précises sur la manière de conditionner les fonds européens au respect de l'État de droit. Cela passe par l'indépendance de la justice, la liberté des médias mais aussi par le respect des minorités et des valeurs fondamentales de l'Union européenne. Les déclarations du président Duda - qui parle de l'orientation sexuelle comme d'une "idéologie", les "zones sans-LGBT" ou le soutien aux "thérapies de conversion", tout cela est contraire aux valeurs fondamentales de l'Union européenne. Ce qu'on a essayé de faire jusqu'à présent n'a pas fonctionné. Mais au moment où on négocie le budget, on a un levier qu'il serait irresponsable de ne pas utiliser.
Quand vous avez Emmanuel Macron au téléphone, que vous dit-il ?
Le gouvernement est convaincu qu'il faut instaurer la conditionnalité de l'État de droit en Europe et que c'est le moment de la mettre en place. On est en plein dans la négociation budgétaire. Au niveau du parlement, notre groupe, Renew, a convaincu les autres groupes de la soutenir. Côté gouvernement Français, mon successeur Clément Beaune a été très clair là-dessus. Il y a de nombreux combats à mener, on ne les gagnera pas tous, mais on s'est mis d'accord pour dire que la conditionnalité de l'État de droit était prioritaire.
Concrètement, qu'est-ce que vous entendez par la "conditionnalité" à l'État de droit ?
Une évaluation de l'État de droit dans tous les pays de l'Union doit être mise en place. Au vu de cette évaluation, on décide à la majorité qualifiée si les fonds peuvent être versés ou non. Si ça ne va pas, on plaide pour que les fonds soient directement versés aux bénéficiaires finaux : les gouvernements perdraient la maîtrise des fonds européens. Dans le plan de relance, les gouvernements ont ouvert cette possibilité, on souhaite entrer dans la brèche.
Robert Biedrón, député européen ouvertement gay, disait à TÊTU que cela lui rappelle la seconde guerre mondiale avec les "zones sans juif". En face de cela, la Commission européenne refuse une subvention de 25.000 euros... Vous comprenez que les réactions européennes paraissent très faibles ?
On veut mettre la Commission devant ses responsabilités. On sait qu'Hélena Dalli (la commissaire à l'Égalité, ndlr) est une personne vraiment convaincue dans la défense des droits des personnes LGBT+. Elle mène ce combat depuis longtemps. La Commission est une grosse structure, on est là pour la secouer. Les actions comme celle-là visent à remettre de la pression avant le discours d'Ursula Von der Leyen.
Vous reprenez à votre compte la comparaison avec la seconde guerre mondiale ?
Fondamentalement, oui. Lorsqu'il y a une discrimination et qu'on retire des droits à une personne au nom de cette discrimination, on rouvre tout ce qui a conduit l'Europe à ses pires démons au siècle dernier. Il ne faut pas tomber dans le point Godwin, mais la situation est très très sérieuse. La campagne de Duda pour sa réélection, c'est abominable. Plutôt d'unir pour un projet, Andrzej Duda unit contre les personnes LGBT+.
Que pensez-vous de l'argument selon lequel la Commission ne condamne pas les "zones sans LGBT" au nom de la préservation du budget ?
C'est le soupçon que certains ont vis-à-vis de la Commission. Ursula Von der Leyen a besoin du soutien de tous les pays pour boucler son budget mais aussi du soutien du Parlement européen. Notre responsabilité, c'est de lui dire à quel conditions on est prêt à voter. S'il n'y a pas de conditionnalité à l'État de droit, notre groupe et la majorité du Parlement votera "non" et donc le budget devra être revu.
À LIRE AUSSI : La Pologne finance une ville « sans LGBT » qui a perdu des subventions européennes
Crédit photo : Facebook Nathalie Loiseau