Christophe Ferrari a été réélu maire du Pont-de-Claix et à la tête de "la Métro", la métropole de Grenoble. Désormais ouvertement gay, ce maire a une vision très républicaine des sujets qui concernent les LGBT+.
Il a balayé son coming out d'une phrase (même pas), au détour d'une question posée par l'Obs en août. Alors qu'on évoque avec lui les attaques de son propre camp, la gauche, le président de la Métropole de Grenoble dégoupille. "Je m’appelle Ferrari, je suis un immigré italien. Ma famille a fui le fascisme. Le combat antifasciste est mon histoire. Je ne laisserai pas salir mon nom. Je suis père de famille, avec mon compagnon. J’ai été élu par la gauche".
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À 51 ans, Christophe Ferrari a jugé que c'était le bon moment pour parler ouvertement de son homosexualité. Après tout, les électeurs du Pont-de-Claix l'ont déjà vu faire campagne, main dans la main avec son compagnon et aux côtés de ses deux jumeaux de 19 mois. "J'arrive à un moment où ma vie s'est stabilisée. J'avais envie de poser les choses naturellement, alors que j'ai toujours fait en sorte de protéger mon entourage", explique-t-il à TÊTU. Avant d'ajouter qu'il n'aurait certainement pas pu parler aussi librement de sa famille il y a cinq ou dix ans.
Un travail électoral sapé par des remarques "bas du plancher"
Peut-être pour la première fois, cette année lors de sa campagne pour sa réélection de maire, il n'a pas entendu le petit bruit d'injures à caractère homophobe. Des insultes plus ou moins discrètes, parfois même écrites à même ses affiches de campagne. "C'est très difficile pour l'équipe, qui se bat sur de véritables arguments, de voir que leur travail est sapé par des remarques bas du plancher. Je suis tellement dans le bonheur familial qu'il y a peu de choses qui m'atteignent", insiste le socialiste. Comme il ne s'est pas senti offensé lorsqu'on l'insultait, les attaques se sont arrêtées d'elle-même.
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Christophe Ferrari se dit militant de la cause des personnes LGBT+ "parce que je suis pour la défense des droits. Je ne fais pas de hiérarchisation dans le combat contre les discriminations. Ce serait un non-sens politiquement : il y a toujours les mêmes mécaniques à l'œuvre". Après tout, il est aussi un fils de réfugiés italiens et depuis 12 ans maire d'une commune populaire de la banlieue sud de Grenoble. À l'entendre, les discriminations sont moins une atteinte aux personnes qu'une insulte à la république : "il y a une volonté de déclassifier les personnes et de les sortir de la communauté nationale". Ado, il dit avoir lui-même eu des difficultés pour trouver sa place. Ces désaccords avec sa famille l'ont structurés politiquement. "Aujourd'hui, j'ai cette chance de pouvoir concourir à la vie quotidienne de mes concitoyens".
Appropriation du droit
Alors, comment ? Pour lutter contre les LGBTphobies, il ne réinvente pas l'eau chaude : il faut s'approprier le droit. Après avoir milité dès 2008 pour le mariage pour tous, il est le premier maire isérois a avoir célébré un mariage de deux femmes. En 2010, il fait campagne pour qu'un jeune réfugié homo ne soit pas renvoyé au Sénégal. Une campagne qui porte ses fruits, puisque finalement, Abdou pourra rester à Grenoble.
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Au sein de sa mairie, Christophe Ferrari dit "demander une approche ouverte" des agents territoriaux, notamment de l'état-civil qui doivent accompagner les parcours de transition. Il reconnaît que la formation est insuffisante. "C'est le sens même d'avoir un service public de faire en sorte que les administrés soient reçu sans considération personnelle", insiste-t-il avant d'ajouter qu'il sait rapidement si quelqu'un est mal reçu dans sa mairie. Selon l'adage, "les maires sont à portée de baffe des électeurs".
Une campagne de conquête culturelle
Mais surtout, Christophe Ferrari veut changer le regard des administrés avec une campagne de conquête culturelle. En 2005, il a mis en place une maison de l'Égalité qui sert de lieu de formation des acteurs et des citoyens. Dans les école, des interventions de personnes LGBT+ ont vocation à témoigner de leur vécu et des discriminations. Des films sont également projetés aux collégiens et aux lycéens pour ouvrir leur réflexion.
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Il croit au pouvoir de la culture pour faire évoluer le regard que l'on porte sur les personnes LGBT+. Il pousse Vues d'en face, le festival international du film gay et lesbien à Grenoble. D'ailleurs, encore une fois, "c'est au service public de jouer son rôle. Il faut que les représentations sur les chaînes publiques représentent les personnes LGBT+ comme elles devraient l'être en dehors de l'écran".
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Étonnamment, les modèles de cet amateur d'art plastique sont des scientifiques plus que des créatifs. L'élu cite Alan Thuring, le mathématicien à l'origine de la programmation qui a subi une castration chimique après avoir été condamné pour homosexualité. Il vénère également Marie Curie et son combat féministe pour être considérée (au moins) à égal de son mari. "Qu'on reconnaisse le talent de quelqu'un dans sa complétude, c'est un de mes combat fondamentaux", assure le maire.
Crédit photo : Grenoble-Alpes Métropole / Lucas Frangella