Qu'ils soient noirs ou à paillettes, nos sextoys rythment une partie de nos nuits en solitaire ou à plusieurs. Si leur succès ne fait plus débat, leur recyclage, lui, est beaucoup moins développé. Un impensé sur lequel certaines marques commencent à réfléchir.
Dans une boîte en carton sur un bout de trottoir parisien, une étiquette indique "cassés et déjà utilisés". "Je voulais m’assurer que si une personne récupérait mes sextoys, elle puisse avoir toutes les infos nécessaires", lâche Lucie, 28 ans. Un numéro d’encombrant collé dessus, et le tour est joué : sa boîte d'une dizaine de sextoys est prête à être embarquée. Mais avant de l'abandonner en bas de son immeuble, Lucie a cherché une solution de recyclage pour donner une seconde vie à ses jouets tant aimés, en vain.
Car à ce jour, recycler ses godes ou ses boules de geisha reste compliqué. Côté vibros et autres joujoux branchés sur secteur, le recyclage est en théorie possible. Classifiés comme "petit électroménager", ils peuvent être recyclés au même titre qu'un rasoir électrique ou qu’un micro-ondes.
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Mais en pratique, certaines enseignes reconnaissent ne pas y avoir réfléchi. Comme au sein du groupe Darty, où la question du recyclage des sextoys semble mettre mal à l'aise. "On ne va pas vérifier ce que vous mettez dans les bornes de recyclage", nous répond le service communication avant de souligner qu’"en tout cas, ce qu'on peut vous affirmer avec certitude, c'est que nous ne les reprenons pas pour le marché de l'occasion". Ça, on s’en doutait un peu. Autre solution, trouver une déchetterie près de chez soi. "Mais je connais peu de client·es qui font la démarche", souligne Alicia, fondatrice du sexshop féministe Lytta à Marseille.
Du gode à la chaise de jardin
Face à ce constat, en 2019, l'entreprise Passage du Désir s’est lancée dans la récolte de godes et de canards vibrants usagés dans ses boutiques. "Nous avons eu beaucoup de mal à monter ce dispositif, nous raconte Patrick Pruvot, président fondateur du groupe. Il a fallu plaider pour mettre en place cette filière et nous avons dû démontrer qu’un vibro pouvait être assimilé à du petit électroménager." Ce partenariat mis en place avec Ecosystem permet aux sextoys de devenir du mobilier de jardin ou des pare-chocs. "Toute l’année nos poubelles sont pleines, poursuit Patrick Pruvot. On est au tout début d’une prise de conscience."
Pour lui, si les organismes de recyclage commencent seulement à s’interroger sur la seconde vie des plugs et autres jouets sexuels, c’est à cause de leur image encore sulfureuse. "On est passé des sex-shops aux love stores, déjà c’était une grande évolution. Maintenant que son usage se démocratise, il commence à y avoir des alternatives, mais cela reste marginal à cause d’un tabou encore très présent dans nos sociétés autour de la sexualité et du plaisir."
Le silicone et le verre pas recyclés
Autre problème, si les vibros peuvent être considérés comme des fouets électriques de cuisine, ce n'est pas le cas de nos joujoux sans moteur. Et cela même s'ils nous font hurler de plaisir. De fait, pour les godes en silicone, aucun recyclage n’existe à ce jour.
Il en est de même pour ceux en verre. Car non, le gode en verre ne se recycle pas avec les bocaux à confiture, précise Zuki, l’autrice du blog Gode Save the Queen. Le verre utilisé est du borosilicate, explique-t-elle, qui est conçu pour être chauffé mais aussi pour durer. Ce type de verre, résistant à tous les chocs et à tous les orgasmes, ne se recycle pas. En revanche, sa fabrication est probablement moins polluante que celle d'un gode en silicone.
De plus, "contrairement aux jouets pour enfant, les jouets pour adulte n’ont pas de législation propre côté fabrication, et les matériaux utilisés peuvent varier d’un produit à l’autre, souligne Alicia. Selon la qualité du silicone, déjà cela peut être dangereux pour la santé, mais en plus, ces sextoys de mauvaise qualité ne durent pas dans le temps et ne sont pas recyclables."
Face à cet impensé, d'aucuns tentent de trouver des solutions. "Quand je me suis séparée de ma copine, je ne voulais pas garder nos sextoys, raconte Sarah, 25 ans. Je les ai donnés à un ami qui en a fait des objets de déco." De son côté, Aurore, 30 ans, confie avoir offert ceux qu’elle n’utilisait pas. "J’ai donné un sextoy non utilisé à une connaissance. Et j’en ai un autre qui traîne sous le lit dans son emballage d’origine. J’essaye régulièrement de le donner mais sans succès pour l’instant. J’ai même tenté de le revendre mais je suis tombée sur des individus louches."
D’autres ont fait le choix de garder leurs jouets par amour de ce qu’il leur a apporté. "J’ai encore mon tout premier, je m’y suis attachée et je l’aime bien même si je ne l’utilise plus, raconte Lullabyebye, travailleuse du sexe. J’ai aussi des sextoys que l’on m’a offerts et qui ne sont vraiment pas top et que je garde pour la cam parce que ça rend bien à l’image."
Des sextoys en matériaux biodégradables
Du côté des marques spécialisées aussi, la prise de conscience est timide. Des sextoys écolo commencent à apparaître, même si cela reste un marché de niche. Le sextoy Gaya de Blush est l’un des premiers fabriqués en matériaux recyclés et biodégradables, pour un prix autour de quinze euros. Womanizer aussi s’est lancé dans une version biodégradable de son sextoy fétiche, mais pour 189 euros. Fabriqués à partir de matériaux naturels comme l’amidon de maïs, ces objets peuvent être recyclés sans difficulté puisqu'une fois la batterie et le circuit imprimé retirés, ils peuvent être placés dans la poubelle de tri.
Autre possibilité, se tourner vers des sextoys durables en pierre, en inox ou bien en bois. Bobtoys en a fait sa spécialité. Sur mesure ou personnalisables, l’entreprise vosgienne fabrique des godes uniquement en bois aux noms prometteurs… Le plug anal s’appelle par exemple Passe-Partout. Une bonne façon d’allier plaisir et écologie. Car chaque année l’industrie des jouets érotiques représente tout de même 108.000 tonnes de plastique produites, dont seule une infime partie est pour l'heure recyclable.
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Crédit photo : Gwen Mamanoleas/Unsplash