La Cour européenne des droits de l'Homme a débouté le recours d'un couple gay qui contestait le refus par la Pologne d'accorder la nationalité à leurs deux enfants nés aux États-Unis d'une gestation pour autrui (GPA).
La décision peut-elle remettre en cause une jurisprudence jusqu'à présent favorable à la reconnaissance de parentalité après recours à une GPA ? Ce jeudi 9 décembre, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a donné raison à la Pologne qui refuse d'accorder la citoyenneté à deux enfants nés d'une gestation pour autrui en Californie (ouest des États-Unis).
Sami et Ismaël (les deux prénoms ont été modifiés) sont nés en Californie en 2010, de deux pères qui ont eu recours à une GPA sur place. La justice californienne a confirmé, avant la naissance des enfants, que le couple d'hommes sont bien les parents des enfants, qui eux, sont à la fois citoyens américains et israéliens. Mais deux ans après la naissance, alors que les parents veulent obtenir pour leurs enfants la citoyenneté polonaise, celle de leur père biologique, les autorités polonaises la leur refusent.
La GPA interdite en Pologne
Motif invoqué, considérant qu'il en va de "l'ordre public polonais" : les enfants sont nés d'une GPA, interdite en Pologne. Plus encore, la justice polonaise avance que les parents d'Ismaël et de Sami sont la femme qui les a enfantés et… le mari de celle-ci, qui n'a pas pourtant aucun lien avec les enfants. Les véritables parents insistent, arguant qu'ils envisagent de quitter Israël, où ils vivent, pour l'Union européenne en raison de la situation géopolitique, et que la citoyenneté polonaise des enfants les aiderait. Des juifs polonais de la famille étant morts dans l'Holocauste, l'héritage de la nationalité revêt en outre pour eux un poids symbolique important.
Finalement, la CEDH a donné raison à la Pologne. Elle estime que la nationalité israélienne protège déjà suffisamment les enfants. "Il est exact que les autorités polonaises refusent de reconnaître un certificat de naissance étranger établissant leur parenté. Mais ce lien est reconnu dans le pays où la famille réside", écrivent les juges européens dans leur décision. "En tant qu'enfants d'un citoyen européen, ils peuvent voyager en Europe et jouir du droit de circulation et de s'installer dans un autre État membre" que la Pologne qui ne reconnaît pas le lien de filiation, ajoutent les juges.
"La porté de cette décision me paraît très limitée et ne remet pas en cause les arrêts Mennesson ou Labassee", analyse pour TÊTU Me Caroline Mecary, avocate à la CEDH. En effet, la décision considère que le cas présent est différent de celui de la famille Mennesson. Ce couple avait obtenu en 2019 la reconnaissance de la filiation de leurs jumelles nées en 2000 en Californie, au nom du respect de la vie privée et familiale. "Il n'apparaît pas que les effets négatifs sur la vie privée des enfants de la décision attaquée franchissent le seuil de gravité suffisant pour invoquer l'article 8", précise ainsi la CEDH.
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