justiceViolente agression d'un homme gay piégé sur Coco.fr : trois hommes condamnés

Par Nicolas Scheffer le 13/04/2022
Voiture de police

Trois jeunes hommes ont été condamnés dans l'Oise (Picardie) à cinq et six ans de prison ferme après un guet-apens homophobe particulièrement violent tendu sur le chat coco.fr. Un mineur attend son jugement dans cette affaire.

[Mise à jour, le 13 avril à 17h50 : témoignage de la victime jointe par têtu·]

Alors que les cas de guet-apens homophobes se multiplient sur les réseaux gays, il faut redoubler de vigilance et en particulier sur le chat coco.fr. Ce mardi 12 avril, trois hommes majeurs ont été condamnés à cinq et six ans de prison ferme par le tribunal de Compiègne, dans l'Oise (Hauts-de-France), après la violente agression de Jérôme, un homme gay rencontré via ce site, rapporte le Courrier Picard. Un mineur sera également jugé ultérieurement dans cette affaire devant un tribunal pour enfants.

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Jérôme a cru voir sa fin arrivée, ce soir de la fin août 2020. Après être convenu d'un rendez-vous avec un homme rencontré sur coco.fr, il s'y rend dans sa Golf. La rencontre se fait près d'un stade, puis les deux hommes se dirigent vers une forêt. L'homme que Jérôme vient rencontrer lui demande alors une fellation, avant que trois autres ne déboulent, le rouent de coup et l'insultent, détaille la victime à têtu·. "T’es un PD ; on va t’enculer tous les quatre", s'entend-il dire. Il donne à ses ravisseurs son téléphone, sa carte bleue ainsi que son code, mais ses agresseurs n'en ont pas fini avec lui…

L'homophobie du crime retenue

"Ils me séquestrent pendant une heure dans ma voiture, alors qu'ils cherchent un distributeur pour retirer 4.700 euros, en deux fois", poursuit Jérôme. Dans la voiture, ses agresseurs continuent de lui donner des coups. Et tirent même, trois fois, avec un pistolet d'alarme à bout portant près de son visage. "J'arrive à déstabiliser mon agresseur et à libérer une de mes mains pour ouvrir la portière et me jeter hors de la voiture, sur la chaussée", raconte-t-il. Arrivé à l'hôpital, il donne des renseignements qui conduiront les enquêteurs sur la piste des trois hommes, âgés de 21 à 27 ans.

Benjamin, l'un d'eux, assurera à l'audience avoir eu besoin d'argent pour payer les obsèques de sa mère, dont il a assisté à la crémation le jour même de l'agression. L'avocat de la partie civile a plaidé le motif homophobe de la rencontre : "Les homosexuels étaient visés car ils ont parfois une vie cachée et seraient moins susceptibles de porter plainte". Le récit de l'audience n'explique pas le déchaînement de violence alors même que la victime avait donné tout ce qu'elle avait sur elle. Les insultes homophobes ? "C’était deux ou trois phrases comme ça", a minimisé l'un des prévenus. Cité par le Courrier Picard, le parquet s'est borné à affirmer que "l’homophobie n’est pas le mobile premier" tout en retenant la qualification d'extorsion commise en raison de l’orientation sexuelle.

D'autres pièges ciblant des gays

Les prévenus sont suspectés d'avoir commis trois autres agressions avec le même mode opératoire. "Les autres victimes ne se sont pas déplacées à l'audience. Ils ne voulaient certainement pas qu'on connaisse leur orientation sexuelle", souffle Jérôme. Le téléphone d'un des prévenus de cette affaire a borné à l'endroit de l'une des autres agression, ce qui "n’implique pas que le propriétaire était présent", a fait valoir sa défense. Le mineur est quant à lui poursuivi pour une dizaine de faits similaires, avec d'autres complices. En définitive, les juges n'ont pas suivi les réquisitions de 9 et 8 ans de détention : deux des accusés ont été condamnés à cinq ans, le troisième à six ans compte tenu de précédentes condamnations.

Les récits d'agressions de ce type deviennent monnaie courante. Avant une rencontre, SOS homophobie vous conseille de prévenir un proche et de préférer une rencontre dans un endroit fréquenté avant d'éventuellement vous isoler avec votre partenaire. "Pour les personnes LGBTI vivant dans un environnement hostile, ces applications sont parmi les rares espaces leur permettant de vivre leur orientation ou leur identité, et de cheminer vers leur acceptation. L’exploitation par les agresseurs de leur vulnérabilité, réelle ou supposée, est abjecte. Bien souvent, ils imaginent que les victimes seront moins susceptibles de porter plainte, par peur de voir leur orientation sexuelle ou identité de genre révélée, et en profitent pour faire du chantage", signale l'association dans son dernier rapport. Mais lorqu'elles le peuvent, les victimes ne doivent pas hésiter à porter plainte pour que les agresseurs soient retrouvés, et condamnés.

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