gouvernementMonkeypox : le ministère de la Santé dispose de 30.000 doses de vaccin contre la variole du singe

Par Nicolas Scheffer le 21/07/2022
Le vaccin contre la variole du singe va être délivré en prévention aux hommes gays

INFO têtu· - L'État a mis à disposition du ministère de la Santé 30.000 doses de vaccin contre la variole du singe. Aides estime qu'il en faudrait 300.000. Des commandes françaises auraient été réalisées.

C'est un secret encore mieux gardé que la gagnante de Drag Race France. Selon nos informations, parmi le stock stratégique de vaccin contre la variole, 20.000 doses ont été envoyées sur le terrain par ministère de la Santé. D'ici la fin de la semaine, 10.000 supplémentaires devraient l'être. "Il y a des commandes européennes et françaises pour répondre aux besoins. Le vrai sujet c'est combien de personnes voudront du vaccin", souffle une source ministérielle à têtu·. Selon nos informations, quelques 3.000 vaccins ont été administrés depuis le 8 juillet. Le dernier décompte de Santé Publique France fait lui état de 1.453 cas.

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Des commandes françaises donc. Sauf que, lors d'un point avec la presse le 8 juillet dernier, la Direction générale de la Santé (DGS) a affirmé ne pas avoir demandé de dose à l'Union européenne qui a commandé, en deux fois, 163.620 vaccins depuis le début de l'épidémie. Le stock stratégique étant suffisant, assurait la DGS. "En tout, six pays se sont portés volontaires pour recevoir des doses : l'Espagne, la Belgique, la Suède, l'Allemagne, l'Irlande et l'Italie", rapporte à têtu· Pierre Karleskind, eurodéputé (Renew) vice-président de l'intergroupe LGBTI au Parlement européen, après avoir auditionné la commissaire à l'Égalité, Helena Dalli le 12 juillet. Trois jours plus tard, l'intergroupe LGBTI a écrit une lettre prioritaire à la Commission européenne pour demander une réponse européenne à la crise sanitaire.

On manque de bras pour vacciner

Le laboratoire danois qui produit ces vaccins, Bavarian Nordic, assure pouvoir répondre à la demande de vaccins, ayant une capacité annuelle de 30 millions de doses. "Aujourd'hui, ce ne sont pas les doses dont on manque, mais de bras pour piquer", assure un infectiologue joint par têtu·. Les centres de vaccination auraient été pris de court par la rapidité de la réponse de la Haute autorité de santé (HAS) qui a autorisé la vaccination aux gays et bi multipartenaires (ainsi que les travailleur·es du sexe et personnes trans multipartenaires) une semaine avant la date attendue, comme le révélait têtu·.

"À Marseille, les doses arrivent au compte-gouttes, soutient à têtu· Théo Challande-Névoret, adjoint écologiste chargé de la lutte contre les discriminations. Les médecins ne sont pas capables de répondre à l'énorme demande de vaccination. Or ces personnes sont capables d'entendre qu'il faut du temps pour mettre en place la vaccination, si tant est qu'on leur partage une information claire". Au contraire, sur les réseaux sociaux, on ne compte plus les témoignages de personnes cherchant à tout prix une dose, des informations sur l'épidémie ou partageant leur inquiétude face à la maladie et son lot de stigmatisation. "Nous veillerons à ne laisser passer aucun discours haineux, notamment en ligne", s'engage la ministre de l'Égalité Isabelle Lonvis-Rome auprès de têtu·. À la tête de la Dilcrah, Sophie Élizéon se dit "préoccupée de la stigmatisation que les homosexuels pourraient subir". "Le passé nous a appris qu’il ne fallait ni stigmatiser une population ni nier qu’elle est davantage touchée que les autres", souffle-t-elle à têtu·.

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"Il y a un sentiment fort d'abandon, de ne pas être pris en compte et que si l'épidémie touchait avant tout les hétéros, les autorités auraient déployés des moyens beaucoup plus importants et beaucoup plus rapidement", remarque auprès de têtu· Andy Kerbrat, député nouvellement élu de La France Insoumise (LFI) et ouvertement gay. Notamment, les travailleur·es du sexe (TDS) aimeraient avoir un accès effectif à la vaccination. "À Marseille, j'ai réussi à obtenir un créneau dans un mois, alors que j'ai un tournage multipartenaire bientôt. Les TDS précaires ne peuvent pas s'arrêter de travailler parce qu'ils et elles n'ont pas accès au vaccin !", s'agace Eva Vocz, chargé des sujets concernant le travail du sexe à Act Up-Paris.

"Quel que soit le sujet sanitaire, on est toujours dans un conseil de défense. Le gouvernement traite la variole du singe en toute opacité, comme le Covid", renchérit à têtu· Ségolène Amiot, députée LFI ouvertement pan et ancienne vice-présidente du centre LGBT+ de Nantes entre 2010 et 2011. "On accuse les autorités d'attentisme, mais elles ont été parmi les premières en Europe à lancer la vaccination. D'ailleurs, dans d'autres pays, le vaccin est payant. Au Royaume-Uni, il faut compter environ 80 livres sterling pour réaliser un PCR monkeypox", souffle un parlementaire de la majorité.

300.000 doses nécessaires ?

Mais de combien de doses a-t-on besoin ? Difficile à estimer. Rappelons que dans la majorité des cas, deux doses de vaccin sont nécessaires pour être couvert à 85%. Si le stock du ministère de la Santé, qui peut être réapprovisionné, est de quelque 30.000 doses – soit 15.000 personnes couvertes avec deux doses –, c'est bien en dessous du nombre de personnes suivies par la PrEP. Il y a environ 40.000 personnes utilisatrices de la PrEP, donc considérées comme multipartenaires pour l'essentiel. Sénatrice écologiste, Mélanie Vogel sort sa calculatrice : "Sur sa page Wikipedia, Grindr indique qu'il y a 412.000 utilisateurs de l'application rien qu'à Paris. Ce sont autant de personnes qui nécessiteraient d'être ciblées par la vaccination. Si on veut garder le secret sur l'état du stock de vaccin, très bien. Mais qu'on nous dise combien de vaccins sont disponibles à la population", souffle-t-elle à têtu·.

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Chez Aides, on estime qu'entre 100.000 et 200.000 personnes devraient pouvoir bénéficier d'un vaccin. "Ça nous fait un besoin de 300.000 doses. Quand on a les doses, on trouve toujours les moyens pour les injecter. Il faut mettre les pharmaciens d'officines dans le jeu, car il faut qu'en quelques semaines, toutes les personnes qui en ont besoin soient vaccinées", pointe à têtu· Marc Dixneuf, directeur général de l'association de lutte contre le VIH/sida. Selon lui, il n'y aurait pas plus de difficultés logistiques à ce vaccin que celui du Covid-19. "En dépit de la brochette d'homophobes au gouvernement, l'État doit démontrer qu'il d'avoir une réaction rapide", ajoute-t-il.

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