Infectiologue et chef de clinique à l'hôpital Bichat, Nathan Peiffer-Smadja fait avec têtu· le point sur les connaissances médicales concernant l'épidémie de variole du singe (monkeypox).
Depuis son arrivée en France en mai dernier, l'épidémie de monkeypox (ou variole du singe) a contaminé 3.721 personnes (au 6 septembre), principalement des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). Si la maladie guérit le plus souvent d'elle-même, c'est au prix d'intenses douleurs dans la plupart des cas, ainsi que d'un isolement de 3 semaines. Pour limiter sa propagation et protéger les personnes les plus exposées au virus, les autorités sanitaires ont lancé début juillet une campagne de vaccination. En cette fin d'été, 80.000 doses ont été administrées, sur une population cible estimée, à la louche, à 250.000 personnes. Les connaissances médicales évoluant avec l'expérience depuis trois mois, on fait le point avec Nathan Peiffer-Smadja, infectiologue et chef de clinique à l'hôpital Bichat à Paris.
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Alors que l'écrasante majorité des contaminations au monkeypox ont lieu lors de rapport sexuels, n'est-il pas temps pour une meilleure prévention de classifier cette maladie comme une infection sexuellement transmissible (IST) ?
Nathan Peiffer-Smadja : La variole du singe se comporte comme une IST, ses manifestations cliniques sont majoritairement uro-génitales, la transmission est principalement sexuelle, elle se propage peu à d'autres groupes que les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes... Mais les épidémies évoluent et il n'est pas exclu, même si ce n'est pas le scénario privilégié, que celle-ci s'étende aux femmes ou aux enfants. Nous devons donc rester prudents. Aujourd'hui, la priorité, c'est que tout le monde, chez les personnes les plus exposées, connaisse cette épidémie. Or, de nombreuses personnes arrivent encore en consultation sans en avoir entendu parler.
Dans quelle mesure l'usage du préservatif peut-il réduire les contaminations à la variole du singe ?
L'usage du préservatif est recommandé, y compris plusieurs semaines après la guérison. Mais nous n'avons pas de données quantitatives pour évaluer son efficacité et nous savons qu'il n'est pas efficace à 100% pour empêcher la transmission du virus - il y a des cas de personnes qui ont été contaminées malgré l'utilisation du préservatif. Le plus important, c'est l'auto-examen, à la recherche de boutons, de lésions, d'ulcérations – puis évidemment, en cas d'apparition de ces symptômes, l'abstention de rapport sexuel. Pour information, à l'hôpital Bichat, nous organisons des dépistages PCR les matins sans rendez-vous.
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Santé publique France fait état d'une baisse des nouveaux cas confirmés. Est-ce le début de la fin de l'épidémie en France ?
Cette baisse dure depuis plusieurs semaines et se voit dans plusieurs pays d'Europe. A minima, cela reflète une dynamique qui n'est plus ascendante. En revanche, il est trop tôt pour dire que l'épidémie est terminée. Si l'épidémie s'attaque à d'autres groupes de la population, cela mettrait un peu de temps à être perceptible dans les données épidémiologiques. Quoi qu'il en soit, dans les services, on constate une baisse des recours par rapport à juillet.
Des personnes sont-elles plus à risque d'une hospitalisation si elles contractent la maladie ?
Pas vraiment. Seuls 3 à 5% des cas nécessitent d'être hospitalisés. Sur les 25 cas que nous avons dû hospitaliser à Bichat, deux ou trois sont immunodéprimées. Il y a une surreprésentation des personnes vivant avec le VIH, mais dont la charge virale est bien contrôlée. Les causes d'hospitalisation concernent surtout des surinfections bactériennes du type panaris, qui nécessitent un antibiotique voire de la chirurgie. Il y a des lésions anales et digestives sévères qui nous obligent à prendre en charge la douleur, et certaines formes cardiaques avec des myocardites et des formes cutanées diffuses avec plus de cent lésions de la tête aux pieds.
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La maladie est bénigne car elle se guérit, la plupart du temps, d'elle-même, mais laisse-t-elle des séquelles, par exemple des cicatrices ?
Dans la grande majorité des cas, il n'y a pas de séquelles. Chez certaines personnes, la cicatrisation peut être hypertrophique, bourgeonnante, y compris sur le visage ou les organes génitaux, plusieurs mois après la maladie. Et le processus de cicatrisation peut être long donc il faut attendre un an pour parler de séquelles.
Est-on plus sûr aujourd'hui que le vaccin antivariolique est efficace contre le monkeypox ?
Nous avons réalisé une étude, en cours d'évaluation et qui devrait être publiée prochainement. Sur 250 personnes vaccinées après un contact avéré avec une personne porteuse du monkeypox, il n'y a eu que 12 infections et toutes étaient des cas bénins. Cela ne permet pas de donner une efficacité précise, car on n'a pas comparé ces résultats à un groupe ayant reçu un placebo, mais ce sont des données rassurantes. L'incubation du virus est plus lente que la réponse immunitaire engendrée par le vaccin.
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Cela signifie-t-il qu'on est protégé dès la première dose ?
Après le premier vaccin, on dispose déjà d'une défense car des anticorps sont produits rapidement. Mais la seconde dose est importante pour que l'efficacité soit optimale, elle n'a pas qu'un effet sur la durée de protection. D'ailleurs, il n'est plus nécessaire de retarder sa seconde dose, comme l'avait un temps demandé la direction générale de la santé. Dans la mesure où la maladie semble immunisante, les personnes qui ont déjà été touchées n'ont pas besoin de se faire vacciner.
Peut-on espérer éradiquer cette variole du singe ?
C'est difficile à dire. Plus l'épidémie dure et plus il est difficile de l'éradiquer. Mais il nous manque beaucoup de données et notamment combien de personnes iront in fine se faire vacciner, et donc combien seront immunisées par la maladie. Alors, mobilisons-nous !
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Crédit photo : Eric Beracassat / Hans Lucas via AFP