Le sociologue et militant de la lutte contre le VIH/sida Daniel Defert, fondateur, après la mort de son compagnon le philosophe Michel Foucault, de l'association Aides, est mort ce mardi 7 février à l'âge de 85 ans. L'association qu'il a fondée lui rend hommage.
C’est avec une profonde tristesse que nous, militants·es de AIDES, apprenons aujourd’hui la disparition de Daniel Defert à l’âge de 85 ans. Fondateur de AIDES en 1984, il présida l’association pendant sept ans. Il laisse derrière lui le souvenir indélébile d’une vie militante et des principes d’action que les 2.200 militants·es que nous sommes perpétuons au quotidien dans notre lutte.
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Daniel débute son engagement dans les années 1960, alors qu’il soutient activement l’indépendance de l’Algérie. Après les événements de 1968, il devient un membre actif de la gauche prolétarienne clandestine : une expérience à travers laquelle il découvre, à la suite de l’emprisonnement politique de nombre de camarades de lutte, la réalité de l’enfermement en France. Sa révolte le conduit en 1971, avec l’aide de son compagnon, le philosophe Michel Foucault, à créer une commission d’enquête sur la situation des prisons en France : le Groupe d’Informations sur les Prisons (GIP).
1984, Daniel Defert fonde AIDES
À travers des questionnaires distribués dans le milieu carcéral, les deux intellectuels donnent vie à la parole étouffée et interdite des prisonniers·ères, pour qu’enfin lumière soit faite sur leurs conditions de détention intolérables. “Il s’agissait de leur transférer le droit et la possibilité de parler des prisons. De dire ce qu’ils sont seuls à pouvoir dire”, disait-il. Une approche d’empowerment qui marque les prémices des principes de AIDES.
Le 25 juin 1984, Michel Foucault meurt des suites du sida. En réaction aux silences, aux mensonges des médecins quant à la cause du décès de celui qui partagea son intimité, ses idées et ses combats politiques pendant plus de vingt ans Daniel Defert fonde AIDES. La structure, née de la colère et du deuil, deviendra la première association française de lutte contre le VIH/sida en France, et un hommage vivant, incarné et militant a son compagnon de lutte. Pour Daniel, c’est “une manière de rester avec lui était de refaire ce qu’on avait fait : agir ensemble.”
Lutter contre le tabou du VIH/sida
Daniel Defert entend alors briser la chape de plomb entourant le VIH/sida. Il crée un espace de parole et de soutien dédié aux personnes malades, afin que puissent émerger leur présence, leurs mots et leurs maux dans la sphère sociale. À l’instar du GIP des années auparavant, il s’agit de combattre le silence et les stigmatisations qui entourent les personnes concernées et qui entravent la mise en place d’une réelle mobilisation, d’outils adaptés et de solutions efficaces. AIDES, sous l’impulsion de Daniel, doit ainsi permettre de pallier les manquements des médecins, largement dépassés par la situation, et des politiques désinvestis. Ce sont les débuts de l’approche communautaire et de la notion de patient réformateur, tel que Daniel Defert l’évoque dans son discours à la conférence mondiale de 1989 à Montréal. Il y évoque comment "l'action des personnes atteintes au sein de leurs organisations communautaires avait modifié leur environnement." C’est bien cet objectif de transformation de la société à partir des besoins des personnes concernées qui continue de nous animer, 33 ans plus tard.
Après sept années de luttes acharnées menées à la tête de l’association, Daniel passe la main à Arnaud Marty-Lavauzelle en 1991. Il sera fait Chevalier de la Légion d’honneur et recevra en 1998 le Prix Alexandre Onassis pour la création de AIDES. Il était resté proche de l’association, se tenant informé de ses évolutions et orientations et participant à plusieurs temps forts militants.
Aujourd’hui comme depuis près de 40 ans, collectivement, nous continuerons d’honorer son action, son engagement et sa mémoire en poursuivant la mission que Daniel Defert s’est donnée à la mort de Michel Foucault. Quotidiennement, partout où l’épidémie sera, nous serons. Nous qui sommes concernés par le virus, nous qui sommes les invisibles, les minorisés, les exclus, ceux que Daniel s’est toujours attaché à rendre visibles, nous poursuivrons sa lutte, notre lutte.
Crédit photo : Yann Morrison pour têtu·