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justiceUn homme gay ciblé par un guet-apens via le chat Coco : encore un cas d'école au Mans

Par Quentin Martinez le 13/03/2023
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Au Mans, deux hommes récidivistes ont été condamnés à trois ans de prison ferme pour avoir séquestré, violenté puis dépouillé chez lui un homme gay de 61 ans qu'ils avaient rencontré via le chat en ligne Coco. Le caractère homophobe du guet-apens n'a toutefois pas été retenu au tribunal.

Ces affaires-là se suivent et se ressemblent. Le 27 février, deux hommes ont séquestré et violenté à son domicile du Mans, dans la Sarthe, un homme gay sexagénaire pour lui soutirer de l'argent. Jugés en comparution immédiate ce vendredi 10 mars, comme le rapporte Ouest France, le tribunal les a condamnés à trois ans de prison ferme, les deux accusés ayant déjà été condamnés pour des faits similaires en 2021. Dans les deux affaires, les deux hommes aujourd'hui âgés de 20 ans ont tendu un guet-apens à leurs victimes repérées sur le chat en ligne Coco, un procédé identifié dans nombres de dossiers du même type.

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Dans la journée du 27 février, leur victime avait répondu à un message en apparence anodin publié sur Coco.gg (la nouvelle adresse de Coco.fr) : "Qui peut héberger deux jeunes ?". L'homme de 61 ans leur propose de les accueillir pour la nuit, précisant qu'il n'a qu'un lit pour tous les trois. Les deux jeunes hommes, qui expliquent être seulement de passage par Le Mans, répondent que ce n'est pas un problème. Vers 20h, ils arrivent au domicile du sexagénaire, qui vit seul et se trouve invalide à 60%. Le piège se referme alors sur lui.

Le caractère homophobe non retenu

La victime subit alors des menaces et des coups. "Il voulait du sexe, on s'est énervé", a fait valoir l'un des prévenus jugés à la barre. Expliquant à ses assaillants que son seul revenu est une pension d'invalidité, le sexagénaire finit néanmoins par céder à la contrainte et leur donne sa carte bleue, ses codes et identifiants bancaires ainsi que son téléphone. Face au tribunal, le prévenu qui reconnaît avoir porté un coup raconte : "Quand j'ai vu qu'il avait 100.000 euros sur son compte, ça m'est monté à la tête. C'est parti tout seul." L'un des agresseurs part retirer de l'argent tandis qu'un autre procède à des virements sur son compte bancaire. Après plusieurs heures, la victime parvient à s'échapper pour alerter une voisine qui appelle les secours. Les agresseurs prennent la fuite, et seront arrêtés le 9 mars après avoir tenté d'effectuer d'autres virements et des paiements.

"On est sur une scène de séquestration. C'est un homme seul qui cherchait un peu de compagnie. Une solitude qui s'est avérée dangereuse", plaide Me Pauline Chertier, avocate de la victime, absente de l'audience car hospitalisée après une tentative de suicide. Le procureur requiert une peine de quatre ans de prison, relevant l'état de récidive des accusés. Les deux jeunes hommes avaient en effet interdiction de se rencontrer après une condamnation pour des faits similaires, en 2021 en Bretagne : déjà, ils avaient repéré leur victime sur le même site, et le ciblage de celle-ci en raison de son orientation sexuelle avait alors été retenu par la cour comme une circonstance aggravante d'homophobie.

"Une circonstance qui semble faciliter leur passage à l'acte", a remarqué le procureur du Mans. Pourtant, le caractère aggravant n'a cette fois pas été retenue. "Cela a été évoqué durant les débats, mais aucun élément ne permettait d'objectiver l'intention homophobe", nous explique Me Pauline Chertier, les agresseurs n'ayant rien dit à ce sujet au cours des faits. La victime n'a par ailleurs pas invoqué le caractère homophobe de l'agression, et il a été souligné au tribunal que Coco n'est pas un chat uniquement voué aux rencontres gay. Un cas d'école qui montre que la justice a encore des difficultés à appréhender, quand aucune insulte n'est proférée en ce sens, le caractère homophobe des violences ciblant des hommes gays.

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Crédit photo : tribunal du Mans, via Google Street View