Minuit Machine, c'est un son techno bien dark, parfait pour évacuer sa colère ou pour se lancer dans une introspection puissante. Une musique qui allie à merveille rage et combat militant.
L’ADN de Minuit Machine, c’est un mélange d’EBM, de dark wave et de techno. La musique d’Amandine Stioui et Hélène de Thoury exalte la rage et la puissance, à tel point que sur scène, les pas de danse d’Amandine ont tendance à se muer en mouvements de boxe. "Minuit Machine, c’est l’énergie libératrice de la danse", un shaker cathartique dans lequel on a balancé les influences de rock alternatif et de grunge aux accents pop d’Amandine, et le côté métal underground bien dark d’Hélène. Des inspirations qui créent un son hybride, à part, qui se nourrit d’émotions négatives tout en invitant à se plonger dans un état méditatif. Leur dernier album, 24, est le digne héritier de ce son si particulier. La dimension dramatique des lignes de chant est toujours aussi présente, et les synthés d’Hélène prennent toujours autant aux tripes. En revanche, le duo est parti sur "quelque chose de plus pêchu, avec des rythmiques marquées, une mise en avant de la voix" pour un rendu plus moderne. Le prochain stop de Minuit Machine, La Laiterie, pour ambiancer les Strasbourgeois le 25 mars.
Leur dernier album, sorti en fin d'année dernière, est né sous une bonne étoile puisque son nom, 24, est tiré d’une forme de superstition entretenue par les comparses. L’anniversaire d’Amandine ? Un 24 octobre. Tout comme leur premier EP. S’ensuit une succession de coïncidences troublantes, comme se retrouver dans la chambre 24 d’un hôtel, ou voir ce chiffre apparaître sur leurs relevés de compte. Puisqu’il les accompagne depuis leurs débuts, elles en ont fait un symbole quasi mystique, une private joke qui devait obligatoirement se retrouver dans un de leurs projets. Et c’était maintenant ou jamais puisqu’Hélène tourne – non sans peine – la page de Minuit Machine. En plein milieu de la production, la jeune femme a en effet perdu l’audition de l’oreille gauche à la suite d’une complication due au covid. Depuis l’annonce de ce départ, le 12 décembre dernier, Amandine continue de porter seule le projet, accompagnée lors des sessions live par Camille, une musicienne.
Minuit Machine, deux lionnes résilientes
Mais 24 ne dénote pas de l’esprit du groupe : on y trouve "de la tristesse, une bonne dose de colère, quelques déceptions, un peu de peur et beaucoup d’insécurités", énumère Amandine, amusée de s'apercevoir qu’aucun track n’est réellement positif. "Lion in a cage", par exemple, comme son nom le laisse supposer, évoque l’enfermement mental, la sensation d’étouffement, le besoin d’espace. Toutefois, même dans une situation critique, le clip met en avant une figure de femme forte chère au cœur du groupe. Une femme qui se dresse face à l’adversité, au patriarcat. "La notion de combat y est également très importante", précise encore Amandine, qui évoque aussi "pas mal de résilience". "On accepte les événements, on se pose, on ravale notre colère et on se dit que ça va aller malgré tout." "Lion in a cage" peut donc aussi s’assimiler à "l’acceptation d’une rupture ou encore au deuil", souligne-t-elle.
"La musique, c’est un exutoire. Bien sûr, je vais parler de mes ruptures, de mes névroses, mais il faut aussi parler de problématiques qui touchent tout le monde."
Amandine Stioui, binôme de Minuit Machine
La rage contenue dans leur musique ne fait que souligner l’engagement militant de Minuit Machine. "J’ai écrit une chanson qui parle de viol, '98', dans l’album Infrarouge. Personne n’a relevé parce que mes textes sont en anglais, précise Amandine. J’ai aussi écrit 'I am a boy' en 2013, qui parle de transidentité à une époque où le sujet n’était pas médiatisé. La musique, c’est un exutoire. Bien sûr, je vais parler de mes ruptures, de mes névroses, mais je ne peux pas parler de moi pendant 1000 ans, il faut aussi parler de problématiques qui touchent tout le monde." Et tant qu’à faire, autant s’adresser à sa communauté et lui apporter de la visibilité. Depuis qu’elles sont signées chez Warrior Records, label de l’iconique Rebeka Warrior, que beaucoup ont découverte via Sexy Sushi et le fameux "Sex Appeal" (de la policière), Minuit Machine a atteint la scène queer.
Les dramas font de bons tracks
"Moi je suis lesbienne, et si on lit mes textes, on le comprend tout de suite, alors forcément j’en suis ravie, je me reconnais dans ce public", affirme la chanteuse autrice de "Contradictions", une histoire d’amour entre deux femmes qui se courent après, "façon chien et chat, fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis", décrit-elle. Cette personne que l’on poursuit existe-t-elle réellement ? Symbolise-t-elle notre peur du sentiment amoureux ? Amandine interroge la manière de gérer un amour débordant, de faire face aux émotions fortes. Elle avoue volontiers un talent pour conter les déboires amoureux, les histoires foireuses. Atout majeur ou malédiction, "je suis un aimant à personnes toxiques, elles viennent spontanément", plaisante-t-elle avant d’ajouter un mot pour sa copine qui, nous l’espérons, ne lira pas cette interview. "Au moins, les dramas font de bons tracks !"
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Crédit photo : Ben Pi