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séries"Sex Education", saison 4 : le point final d'une utopie queer

Par Tessa Lanney le 21/11/2023
Sex Education saison 4

La saison 4, finale, de Sex Education sur Netflix signe la fin d'une série précurseuse, qui a diversifié ses thèmes jusqu'à créer une utopie plus queer que nature.

D'année en année depuis sa sortie en 2019, Sex Education creuse de plus en plus le sillon queer. C'est pourquoi les attentes étaient grandes concernant la quatrième et ultime saison de la série en streaming sur Netflix, dans laquelle nos lycéens prennent leurs quartiers dans une sorte d'utopie queer où les élèves LGBTQI+ ont atteint le sommet de la pyramide sociale. Au lycée Cavendish, la popularité va même de paire avec la bienveillance, l'altruisme et la remise en cause des stéréotypes. Le couple phare est formé par deux personnes trans traitées comme de véritables rois et reines par une cour d'adorateurs. Et si Ncuti Gatwa, qui joue Eric, était le plus flamboyant de Moordale, leur ancien établissement, il se fond désormais dans la masse des tenues colorées, coupes mulet et piercings au septum. Mais de même que Rome ne s'est pas construite en un jour, les personnages de Sex Ed ne se sont pas déconstruits en un jour non plus.

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Les bases sont posées depuis longtemps. La première saison n'a pas directement sorti le canon à paillettes, elle était d'ailleurs centrée sur l'incapacité du personnage principal, Otis, à éjaculer. On avait immédiatement craqué pour son meilleur ami, Eric, ouvertement gay mais assez mal dans sa peau. Le seul autre gay du lycée étant un mec populaire, snob et persifleur, il n'avait pas grand-monde à qui se confier, ni avec qui expérimenter. Pour ne rien gâcher, il était harcelé par la grosse brute du bahut. Une intrigue assez classique mais relevée par la personnalité et les tenues hautes en couleur de ce personnage qui a gagné en consistance au fur et à mesure qu'il s'assumait. Plus tard, il assumera sa flamboyance tout en embrassant sa culture familiale, mêlant tenues traditionnelles africaines et outfits queer-codés, ambiance harnais, résille et make-up. Même Adam, l'affreux jojo qui torturait Eric, a connu une belle évolution en prenant conscience de son homophobie intériorisée et de sa bisexualité. L'affirmation de son identité sera au coeur de ses pérégrinations, tout en n'affectant nullement sa personnalité simple et brute de décoffrage.

Plongée progressive en eaux queers

La force de Sex Education, c'est de montrer que les questionnements de l'adolescent moyen vont beaucoup plus loin que la branlette intempestive, et que la vie des personnes LGBTQI+ ne se limite pas au coming out et au rejet. C'est véritablement via l'arrivée du personnage de Rahim, interprété par Sami Outalbali, que la série passe au stade supérieur. Il fera figure de guide, de rôle modèle pour Eric. Simple prétexte pour introduire un nouvel intérêt amoureux ? Que nenni. La deuxième saison vient libérer la parole sur un incontournable de la sexualité gay, le lavement, bien souvent ignoré par la télévision. En parallèle, de nombreuses intrigues queers ne renvoyant pas systématiquement à la sexualité des personnages ont été développées. C'est le cas du triangle amoureux Adam, Rahim, Eric. Se demander si on veut un mec qui nous lit de la poésie ou un autre avec qui on peut déconner en bousillant des bagnoles, c'est plus intrigant qu'une énième histoire d'amour à sens unique. Même chose pour le couple Ola et Lily, dont le principal défi aura été d'apprendre à communiquer et à accepter les différences de l'autre (en particulier la passion de Lily pour l'érotisme tentaculaire). Le message est clair, la série ne se résume pas à un catalogue de minorités. Enfin pas totalement…

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La quatrième et dernière saison assume en effet de vouloir cocher toutes les cases en forçant le trait de l'inclusion et de la visibilité au lycée Cavendish, nouveau fief de nos personnages. Elle propose à la fois un modèle de safe place où les différences sont acceptées et accueillies, et dénonce le pinkwashing et la course à la pureté militante. On se pâme devant les bonnes intentions de tout ce petit monde lycéen, dans lequel chacun est libre de s'exprimer et de se montrer vulnérable. Un virage à 180 degrés, quand on pense à la dystopie qui se jouait dans la saison précédente avec l'arrivée de l'uniforme gris, du conformisme à outrance et des humiliations publiques.

Mais une si grande concentration de bons sentiment provoque un léger malaise. Au lycée Cavendish, on ne se sent pas seulement visible mais observé, les moindres faits et gestes étant traqués. Si, en théorie, les élèves sont libres de s'exprimer et de faire preuve d'esprit critique, il leur est en pratique formellement interdit de s'adonner à la médisance, aux gossips. Cette image lisse et consensuelle que chacun se donne, de peur d'être jeté en pâture devant le tribunal de la morale, est source d'autocensure. Et tandis que des cours de yoga sont proposés pour favoriser le bien-être, un seul élève a les moyens de financer sa transition, tandis que les étudiants en fauteuil ne peuvent se rendre en cours, faute d'infrastructures adaptées. Une réflexion intersectionnelle sur ce que signifie réellement l'inclusion. Au revoir, Sex Ed, et merci pour tout !

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Crédits photos : Netflix